1991. Une année charnière pour le sampling. Dans les années 80, les artistes hip-hop bénéficiaient du principe de minimis (provenant de la maxime latine de minimis non curat lex, qui signifie que « la loi n’est pas concerné par les bagatelles ») qui leur permettait de remporter quelques procès intentés par des artistes ayant été samplés. Mais le procès opposant Biz Markie, connu pour le titre « Just a Friend », et le chanteur irlandais Gilbert O’Sullivan, instaura une nouvelle règle qui changea l’univers du sampling. La règle du clearance oblige alors chaque artiste souhaitant sampler un morceau à demander l’autorisation aux ayants-droit. Ce dernier est autorisé à réclamer une somme forfaitaire ou une redevance sur les revenus générés par le morceau qui l’a samplé.
Les taux négociés sont énormes comme nous l’a montré l’affaire récente autour du morceau « Lucid Dreams » de Juice WRLD (le titre sample « Shape of My Heart » de Sting, et celui-ci aurait négocié un taux de royalties autour des 85 %). Ces coûts exorbitants demandés par les maisons de disques et les artistes, ont donc contribué au déclin du sampling dans les années 90.
Mais là où la plupart des styles musicaux laissent planer l’ombre du procès sur les artistes, la musique classique offre un eldorado. La grande majorité des œuvres classiques ayant été composées il y a plus de soixante-dix ans, celles-ci sont tombées dans le domaine public depuis bien longtemps. Ainsi, n’importe quel artiste peut donc interpréter un morceau classique sans avoir à demander l’autorisation des ayants-droit, en réaliser un disque et le vendre. C’est pourquoi il existe aujourd’hui des centaines d’enregistrements de la même œuvre classique et cela rend difficile l’identification d’un enregistrement en particulier.
Une maison de disque ayant fait enregistrer une œuvre classique par un orchestre et souhaitant intenter un procès à un artiste pour défaut de clearance, aura du mal à prouver que le morceau utilisé provient bien de son enregistrement et non d’une autre maison de disque ayant enregistré le même morceau classique. Cette particularité dans la reproduction de la musique classique constitue la première raison pour laquelle on recense autant de samples de ce genre.
La seconde raison est plus artistique. La mise en place du principe de clearance a aussi poussé les producteurs et les beatmakers à redoubler de créativité et d’ingéniosité pour continuer à sampler. Alors que la plupart des producteurs et des DJs samplaient des morceaux issus du funk, du disco et de la soul, certains ont voulu sortir des sentiers battus et explorer de nouveaux genres. En samplant des morceaux inconnus, et en allant chercher des morceaux de styles éloignés de la culture hip-hop, les producteurs démontraient leur créativité et leur habileté derrière les platines.
Plus les rythmes et les sonorités étaient différents, plus il était difficile d’intégrer parfaitement un sample dans un morceau et plus la reconnaissance par ses pairs était importante. La musique classique s’est alors présentée comme le niveau ultime du sampling. En réussissant à lier parfaitement les deux genres, les producteurs repoussèrent les limites de leur discipline et rivalisèrent de créativité et de technique.
Dans les années 80, on note quelques apparitions de la musique classique sous les platines de plusieurs DJs new-yorkais mais la tendance mettra quelque temps avant de prendre de l’ampleur. Parmi la dizaine de samples recensés dans les années 80, on compte tout de même quatre samples de Johann Sebastian Bach mais surtout quatre fois le même sample : il s’agit de la « Symphonie No.5 » de Ludwig van Beethoven, un détail de l’histoire…
En 1994, RZA, leader du Wu-Tang, sample un morceau du compositeur russe Modeste Moussorgsky pour son compère Method Man : cela donnera « Tical », le titre est aujourd’hui désigné comme premier morceau hip-hop samplant de la musique classique. Le sample est présent au début du morceau, en introduction, puis passe en arrière-plan pour le reste du morceau. L’entrée en matière était peut-être hésitante, mais l’année 1997 marquera le véritable début de l’histoire commune du hip-hop et de la musique classique.
Cette année, le label Mercury Record dévoile The Rapsody Overture : Hip-Hop Meets Classic, un concept album dans lequel des artistes hip-hop comme Xzibit, Mobb Deep ou Warren G – pour ne citer qu’eux – collaborent avec des chanteurs d’opéras européens. Même si cet album n’a pas rencontré un succès mondial, il a au moins permis d’établir un lien solide entre ces deux univers a priori totalement opposés. Le véritable premier succès arrivera deux ans plus tard grâce à la collaboration de Nas avec Puff Daddy. Celle-ci donnera naissance au morceau « Hate Me Now » et son sample très reconnaissable de « Carmina Burana » de Carl Orff.
On recense aujourd’hui plus de trois cent titres samplant de la musique classique. Même si le rap français et le rap américain sont les principaux pourvoyeurs du genre, la tendance est mondiale ; de la Russie au Brésil en passant par l’Italie chaque pays a son lot de morceaux.
Ce dossier est une contribution libre de Rémi Boullier que nous avons choisi de publier. Si vous aussi vous voulez tenter d’être publié sur BACKPACKERZ, n’hésitez pas à nous envoyer vos articles via notre page de contact.
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