Deux ans après son dernier opus Honor Killed The Samurai, Ka a.k.a la plus belle plume de Brooklyn, est de retour avec Orpheus vs The Sirens.
Comme il aime le faire à son habitude, Ka explore différents thèmes à travers ses albums. Après les échecs sur The Night’s Gambit, le livre The Manchurian Candidate sur Days with Dr Yen Lo, puis les samouraïs avec Honor Killed The Samurai, il se tourne à présent vers la mythologie grecque avec Orpheus vs The Sirens. Ainsi chaque titre du projet fait référence à un personnage ou un passage célèbre de la mythologie : Hadès, Sisyphe, Oedipe, la Toison d’Or… Le premier morceau est un véritable name-dropping du bestiaire mythologique au service du rap de Ka :
It ain’t never shoot you, just headed to you with nines, It’s the Hydra (…)
Large crops or hard rocks, it’s like we all saw Medusa
Comme à son habitude, le MC de Brooklyn exprime son vécu sur chaque morceau, parlant de son passé d’adolescent grandissant dans un New York dévasté par le crack et le crime. C’est à travers le prisme de cette réalité vécue que l’on comprend le parallèle avec le personnage d’Orphée. Orphée est un poète qui choisit de s’aventurer avec Jason et les Argonautes à la recherche de la Toison d’or. C’est d’ailleurs lui qui les sauvera du chant des sirènes grâce à sa musique. L’introduction de l’album (tirée d’une adaptation filmique de Jason et les Argonautes) établit parfaitement le parallèle entre Orphée et Ka.
Of death I am knowledgeable
Danger I do not fear and i can give you music
Music that will tame wild beasts, lift men’s hearts to heaven
L’histoire est sensiblement la même pour le rappeur, qui, après avoir vécu des années difficiles dans la rue, connu la mort de certains de ses proches, s’est offert une nouvelle chance à travers la musique. Ses sirènes à lui étaient le crime et la drogue qui envahissaient Brooklyn. Ainsi sa quête éternelle, sa toison d’or, comme il le mentionne dans le morceau « Golden Fleece » était la recherche d’une vie paisible pour lui et sa famille.
Mais tout comme les héros de la mythologie, on sent que Ka ne peut pas échapper à son destin. Par le biais de son flow hypnotique et son écriture somptueuse, Kaseem Ryan combat ses vieux démons en relatant ses erreurs passées. Comme il le dit si bien « Decades dormant then recorded what bothered me ». Le fond est sensiblement le même que sur les opus précédents, mais il semblerait que d’album en album, Ka parvienne toujours à élever son niveau d’écriture. Les rimes sont toujours aussi bien tissées et les métaphores poussées. « Mentally jogging my memory is the only way I run a jewel ». On retrouve toujours cette fracture entre les références culturelles pour illustrer une pauvreté et un milieu défavorisé, ainsi que l’ambivalence dans l’utilisation du vocabulaire qui oscille entre argot et lexique recherché.
Ayant pour habitude d’auto produire intégralement ses projets, Ka s’est ici associé au beatmaker Animoss (membre de Arch Druids, qui a notamment travaillé sur plusieurs projets de Roc Marciano), pour former le duo Hermit & The Recluse (comme il l’avait fait avec Preservation pour Dr Yen Lo). Les productions d’Animoss, plutôt minimalistes et épurées, s’inscrivent parfaitement dans l’univers mythologique développé dans les lyrics. Certains samples accentuent même la dimension tragique des textes.
Avec Orpheus vs The Sirens, Ka aura su, une fois de plus s’emparer, d’un thème pour l’adapter de la meilleure des façon. Il vient ainsi affirmer son talent et ajouter une pierre de plus à l’édifice de sa discographie parfaite.