Dès l’après-midi du 1er mars, les premiers avis dithyrambiques pleuvaient sur Twitter : « déjà classique » pour certain, « album rap de l’année » pour d’autres… Si Paradise a d’entrée su attirer les louanges de ceux déjà ralliés à la cause Hamza, il a fallu attendre plusieurs jours avant de voir arriver les premières incompréhensions. Les premiers débats même, opposant plusieurs générations de NERDZ face à un projet qui rassemble, à mon sens, tout ce que le rap de 2019 à offrir de meilleur mais aussi ses principales faiblesses…
Annoncé par deux énormes singles (« Paradise » et « HS ») qui laissaient poindre la qualité de l’album qui suivrait, on sentait Hamza déterminé à livrer un album marquant. Un de ceux qui fait couler l’encre, qu’on adore ou qu’on déteste mais dont, au final, tout le monde parle.
Pour hisser son album Paradise à ce niveau, Hamza a joué sur des qualités cultivées depuis plusieurs années déjà. La première est un sens innée pour la mélodie, qu’il couple à une maîtrise impressionnante de l’auto-tune. Le tout accouche d’un cocktail voguant entre rap et R&B, qui rapproche Hamza d’une première influence non dissimulée : celle de Drake.
La comparaison avec la superstar canadienne est d’autant plus évidente lorsqu’on évoque le second ingrédient qui assure sans aucun doute le succès de ce projet : une production tout bonnement impeccable !
En réunissant autour de lui une équipe d’artificiers que les plus fins observateurs parmi vous auront reconnu (Ponko, Nico Bellagio, Ikaz Boi ou encore Prinzly), Hamza – dont on connait également les talents à la prod – a offert à son album un habillage sonore que ne renierait pas des Noah « 40 » Shebib ou Boi-1da, fréquents collaborateurs de Drizzy.
Autre ingrédient de cette nouvelle fournée du Sauce God, la recherche perpétuelle de variations de flow. A l’instar d’un Travis Scott (autre influence majeure de ce disque), Hamza a compris que le rap de 2019 se devait d’aller chercher davantage de musicalité. Un exercice de style dans lequel le belge excelle grâce à sa capacité à passer du rap au chant à tout moment ; avec l’aide bien sûr de l’auto-tune, utilisée ici comme une composante essentielle de la signature sonore Hamza.
Conscient du besoin de marquer pour se démarquer, Hamza habille également son flow polymorphe de puissants gimmicks qui, plus ou moins subtiles, réussissent à transformer certains passages de Paradise en mélodies entêtantes qui vous restent dans la tête du soir au matin. Que ce soit l’envoûtant « Sauce God, Sauce God », sur « HS » (l’excellent featuring avec le marseillais SCH) ou encore le refrain de « Henny me noie » tout en assonance ; le paradis de Hamza n’a rien de bien attirant mais on ne peut s’empêcher d’y revenir après chaque écoute.
Mais alors, me direz-vous, quels reproches peut-on faire à un album si bien construit, parfaitement produit et interprété avec autant de virtuosité. Peu de chose : si ce n’est un contenu aux abonnés absents et une légère tendance à l’opportunisme.
Soyons clair, cet album est d’excellente facture et il permettra certainement à Hamza de passer un nouveau cap de notoriété et de s’afficher aux côté de ses autres copains belges en tête d’affiche des plus grands festivals cet été. Si vous cherchez du banger calibré club pour plier les coudes entre potes ou des balades trap sur fond d’ego-trip qui vous feront planner sous lean, cet album est fait pour vous. En revanche, ne vous attendez pas à trouver ne serait-ce qu’un ou deux morceaux qui donnent à réfléchir ou qui livrent une vision un peu plus personnelle de l’être humain qui se cache derrière Hamza l’artiste.
Enfin, il serait sévère de dire d’un tel disque qu’il manque d’inspiration mais la ressemblance de certains titres de Paradise (aussi réussis soient-ils) avec certains tubes d’artistes américains donne à réfléchir. Certes les ad libs à chaque mesure ne sont pas la propriété exclusive des Migos, et l’usage de l’autotune jusqu’à la distortion n’est pas réservé à Travis Scott mais plus qu’une inspiration, certains titres de Paradise tournent parfois au « copycat ». Les choix artistiques d’Hamza lui appartiennent et sont à respecter mais, faut-il se réjouir du fait que certains de nos artistes francophones les plus talentueux semblent copier sans détour les succès américains du moment ?
Même goût amer lorsqu’on regarde du côté des invités. Si le morceau avec SCH apporte une réelle plus-value, difficile de voir autre chose qu’une manœuvre opportuniste en écoutant le feat. avec Aya Nakamura, à mes yeux un des ratés de ce disque. Sur le dernier morceau, l’intéressant « Minuit 13 », Hamza convie Christine & The Queens et Oxmo. Véritable vision artistique ou de vulgaires appels de phare vers un public bobo en quête de la prochaine sensation étiquetée « rap belge » ? Les moins naïfs auront le droit de se poser la question.
Qu’importe les limites de cet album. Le public, et moi y compris, passera outre et fera de cet album le succès commercial qu’il mérite. Après deux albums honorables, le Sauce God est parvenu à transformer l’essai et a pondu un album qui appartient presque déjà au panthéon rap de 2019. Il ne reste plus qu’à espérer pour ces doux rêveurs qui attendent encore un rap qui raconte des choses que d’autres rappeurs-Jedi viendront re-équilibrer la force dans le courant de l’année.
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