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Les années Soul Train : les prémices du mouvement Hip-Hop

Alors qu’en 2017, musique black et pop musique sont plus que jamais confondues, nous vous proposons un retour près de 50 ans en arrière, dans une Amérique où la ségrégation musicale dominait encore. A cette époque où sous l’impulsion d’un homme, une simple émission de TV a permis la démocratisation de la black music auprès du public blanc mais aussi l’essor des soul dances au sein des communautés afro-américaines. Baptisée Soul Train, l’émission de Don Cornelius a constitué, durant près de 40 ans, un rendez-vous immanquable pour tous les amateurs de musiques funky et a posé les bases de ce qui deviendra à partir de la fin des années 70, la culture Hip-Hop. Focus.

Don Cornelius : le génie(teur)

La création de l’émission Soul Train se doit à la volonté et au génie d’un homme : Don Cornelius. Présentateur emblématique de l’émission durant plus de 20 ans. Pour la petite histoire, Don Cornelius était à l’origine agent de la circulation à Chicago et se retrouva un jour à verbaliser Leonard Chess, directeur et fondateur du célèbre label Chess Record. Marqué par la voix grave de Don Cornelius, Leonard lui proposa de devenir animateur sur une station de radio qu’il possède, la WVON (The Voice Of the Negro). Après quelques années passées à animer diverses émissions radio et TV au sein du groupe, Don Cornelius arrive avec une idée qui plaira aux studio, c’est le début de l’aventure Soul Train. La première émission est tournée en septembre 1970 dans un petit studio avec Don Cornelius en présentateur, mais aussi cameraman, faute de staff pour filmer les scènes où il n’est pas dans le plan !

Le concept de Soul Train est simple : à chaque émission, Don Cornelius reçoit des artistes qui jouent sur scène ses morceaux et les caméras restent braquées sur la foule qui assiste à l’émission en direct, et danse tout au long de la performance. Concept encore inédit à l’époque, Soul Train reçoit uniquement des artistes noirs, et le public est composé en quasi-totalité de danseurs noirs. C’est le début d’un réel engouement populaire, l’émission bat progressivement des records d’audience, et l’Amérique blanche découvre la black music et l’univers des Soul dances et Funk styles.

Des Soul Dances ou Popping & Locking

Il est important de souligner que les gens qui assistent à l’émission sont recrutés pour leurs talents de danseurs mais ne sont en aucun cas des professionnels (très peu de gens vivaient alors de la danse à l’époque). Ils sont soumis à des règles strictes lors des tournages : pas de regard caméra, pas de chewing-gum, des tenues impeccables et dans le thème de l’époque ! C’est Don Cornelius lui-même qui sélectionne les candidats sur leur look et privilégie les plus extravagants et le résultat est plutôt impressionnant : coupes Afro, chemises colorés, pantalons patte d’eph’ et cravates énormes pour messieurs ; paillètes, pois, rayures, tenues sexys et même nœud papillon pour mesdames.

Coté technique, le moins que l’on puisse dire c’est que ça groove ! Balancement de bassin, descentes au sol, mouvements de poignets, « pointing » du doigt , ou encore « funky chicken », tout est dans l’attitude et dans l’exagération. Le temps fort de l’émission consistant pour le public à faire la fameuse « Soul Train Line » : les danseurs forment deux lignes se faisant face. Tour à tour, deux personnes, généralement un homme et une femme, s’élancent et défilent en dansant au milieu de cette ligne en totale improvisation, ou en chorégraphie préparée et répétée.

Ce qui va se passer alors est fondateur dans l’histoire de la danse. Les danseurs présents sur le plateau vont vite comprendre que s’ils veulent que la caméra s’attardent sur eux, il faut sortir du lot, redoubler d’effort pour que leur danse attire l’attention et que leur look tape à l’œil. C’est à cette époque que les premiers groupes de danseurs se créent. C’est le début des Lockers, Don Campbell en tête à force d’acrobaties crée la danse que l’on connait aujourd’hui sous le nom de Locking. Suivirent ensuite les Electric Boogaloos de Boogaloo Sam et ses attitudes robotiques, créateur du Popping.

Soul train devient alors une formidable opportunité pour ces danseurs de se faire connaitre et influence un nombre incalculable de jeunes de l’époque qui s’empressent de reproduire les mouvements qu’ils voient à la télé. La machine est lancée et la funk, la soul et les danses « funkstyle » envahissent les clubs de l’Amérique. On assiste ainsi au passage de nombreux artistes dans l’émission qu’il soient confirmés ou encore en devenir : de Michael Jackson à James Brown en passant par le jeune Stevie Wonder, Teddy Pendergrass, Al Green, Aretha Franklin et d’autres encore…Le public peut désormais mettre un visage sur ces artistes qu’il entend à la radio, et l’émission commence petit à petit à intéresser un public blanc encore peu familier de cette musique à l’époque.

Soul Train et les débuts du Hip-Hop

L’émission continuera d’accompagner la musique noire jusqu’à l’avènement du rap en recevant des artistes comme LL Cool J, Run DMC, ou encore Public Enemy au cours des années 1980/1990. Après plus de 20 ans d’antenne, Don Cornelius se retire de l’émission en 1993, cédant sa place à une nouvelle génération, et l’émission devient de plus en plus tournée vers le Rap et RnB jusqu’aux années 2000 et perd un peu de son âme, ayant tendance à mettre en avant davantage les tenues dénudées des danseuses qu’autre chose.

Elle reste néanmoins pertinente au sein de la communauté afro-américaine en délivrant chaque année depuis 1987 les Soul Train Awards, ou comme les appelle Snoop Dogg lors de sa récompense en 1994 « les Grammy Awards des noirs ».  L’émission cessera d’être diffusée en 2006, et c’est six ans plus tard en 2012 que l’on apprendra la mort tragique de Don Cornelius qui, atteint de la maladie d’Alzeihmer, se suicide d’une balle dans la tête. Il restera à tout jamais une figure clé de la culture afro américaine et celui qui à propulsé la black music sur le devant de la scène, pour le bonheur de millions de téléspectateurs durant plus de 20 ans.

« Love, Peace & Soul »

Il est important de souligner le rôle de Soul Train qui permet alors une réelle expression de la culture noire américaine et de la valoriser aux yeux du grand public, blancs comme noirs, dans un contexte social on ne peut plus tendu à l’époque. On rappellera pour contexte que c’est respectivement en 1964 et 1965 que seront adoptés les Civil Right Acts et Voting Right Acts, lois fondatrices contre la ségrégation raciale aux États Unis portées par Martin Luther King, qui sera lui assassiné en 1968. L’émission lancée en 1970 va contribuer également à l’émancipation de la jeunesse noire américaine en lui apportant une touche d’espoir, une possibilité de porter son regard ailleurs et d’élargir ses horizons grâce à ces artistes chanteurs et danseurs noirs.

Soul Train va également avoir un rôle clé dans l’apparition du hip-hop une dizaine d’années plus tard, comme évolution naturelle du mouvement d’émancipation et de valorisation de la culture black de la rue qu’avait amorcé l’émission Soul Train. La musique évolue, les danseurs aussi et commencent à descendre au sol, tourner sur eux même, c’est l’apparition du break et des B-Boys, ayant grandi en regardant l’émission Soul Train et dignes héritiers des Lockers et des Electric Boogaloos qui n’auront fait qu’allumer la mèche.

« Love, Peace & Soul » comme l’aurait conclu ce bon vieux Cornelius.

Si cet article vous a plu, ne manquez pas notre dossier : 10 B-Boy Anthems de légende par DJ Psycut

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