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Échange avec Samir Flynn, un rookie authentique

Salut Samir Flynn, comment vas-tu ? Peux-tu te présenter s’il te plait ?

Salut Backpackerz, merci de me recevoir, c’est trop cool ! Je m’appelle Samir Flynn, je suis un jeune artiste et j’ai la chance de pouvoir participer à cette édition du Hip Opsession.

C’est avec plaisir ! Est ce que cette date est importante pour toi ce soir dans ton jeune parcours ?

Sans aucun doute, je peux déjà dire que ce soir est une date majeure (Rires). C’est peut-être ma dixième date en tout…

J’ai d’abord commencé le rap il y a quelques années sur des type beats de Youtube. J’étais dans mon squat à Toulouse, naviguant entre mes phases dépressives et ne sachant pas trop où j’allais. Puis j’ai commencé à faire de ce squat un petit studio où j’enregistrais plein de potes avec lesquels on inondait le Soundcloud local (Rires). Pour certains on voyait les stats’ monter de jours en jours et ça nous motivait.
Donc, j’ai aussi voulu tenter ma chance de mon coté, et c’est vraiment à partir de ce moment que j’ai pris la musique très au sérieux. Ensuite, le vrai tournant a été ma victoire au Buzz Booster en juin dernier (NDLR dispositif national de détection rap), et là ça m’a ouvert de grandes portes.

Depuis, je fais de plus en plus de dates. Hier en première partie de Luidji, ce soir avec ISHA et Limsa d’Aulnay… c’est incroyable !

Comment qualifierais-tu ton projet ?

Mon projet est à mon image. Samir Flynn c’est moi en fait. Samir Flynn c’est ma vraie identité, ce n’est pas un nom de scène. Ce sont toutes mes origines : tunisienne, irlandaise et française. D’ailleurs pour la petite anecdote, je voulais m’appeler « Rimsa » au début, mais c’était pas du tout l’avis de mon cousin Bilal. Lui était déjà dans la musique, notamment en Tunisie où il commençait à se faire un nom. Je m’identifiais beaucoup à lui et sa parole était importante pour moi. En fait, il m’a juste dit « Samir Flynn c’est très bien » et il avait raison. C’est à partir de ce moment que nait mon projet, une personne simple et authentique, un mélange de cultures, juste moi.

Je suis très honnête et très personnel dans ce que j’entreprends dans mon projet. Je ne travaille qu’entouré de mes potes et de ma famille et c’est ce qui colore le plus ma musique, je crois. Par exemple le dernier EP c’est uniquement grâce à ma rencontre avec Polllo (NDLR producteur de Plus rien n’est triste). On se rencontre un jour par hasard et je lui présente une pote à moi. Peu de temps après, ils sortent ensemble et on finit aussi par devenir pote. À coté, il se trouve qu’il fait du son donc on commence à aller ensemble au studio, à enregistrer et c’est comme ça que le projet est né. Il me fait découvrir de nouvelles esthétiques et ça m’inspire de fou. Résultat : il m’accompagne sur tous les titres du projet (Rires).

Puis, il s’est passé exactement la même chose avec Malo (NDLR DJ et producteur). Au début c’était juste un énorme fou rire de voiture en allant à l’anniversaire d’un pote commun et on a fini par faire le Buzz Booster ensemble !

Plus sérieusement, je crois que le fondement de ma musique c’est mes relations. Je n’arrive pas à te répondre avec mes influences musicales ou des artistes en particulier bien qu’il y ait des albums qui m’ont beaucoup touché. J’ai l’impression que ma plus grosse influence c’est les gens avec qui je traîne. Est-ce qu’on vibe ensemble ? On rigole ensemble ? On aime la même bouffe ? Si tout est coché, pas de doute qu’on accroche sur la musique. Je l’assimile un peu à une relation entre footballeurs : on s’entend tellement bien qu’on est hyper à l’aise avec le ballon et on ne se pose pas plus de questions.

Peut-être que si tu me mets dans un studio avec un producteur de bossa nova que je kiffe, et bien je relèverais le challenge de faire un projet 100% bossa nova. Quelques part je suis très influençable… (Rires)

©Margaux Martins

Est-ce que ce dernier EP, Plus rien n’est triste, marque une étape ?

Oui il marque plusieurs étapes, plein de petites étapes.
J’ai eu le titre assez tôt, avant même d’avoir tout le projet. C’était à l’époque de mon squat, je fumais pas mal et j’avais des phases dépressives comme je te disais. Donc me projeter dans l’avenir était compliqué. En plus de ça, les huissiers allaient bientôt toquer à la porte. Je rentrais dans un cycle infernal, vidé d’émotions et de larmes au point que plus rien n’était triste, littéralement. C’est cette atmosphère qui a d’abord teinté le projet que je commençais à concevoir.

Puis il y a eu un switch. Quelques dates apparaissent ici et là, le Buzz Booster, des sons qui marchent de mieux en mieux, une intermittence qui commence à payer… Ma rencontre avec Malo m’a beaucoup aidé à m’éloigner de cette sphère un peu toxique aussi. Comme toutes mes rencontres, encore une fois, avec mes premier·e·s auditeur·rice·s lors des shows, des petits DMs etc…
C’est dans ce contexte bien différent que j’ai fini le projet il y a quelques mois. Pour autant, j’ai voulu garder ce titre en inversant la tendance. Ce sont toutes ces petites étapes qui font que je commence à pouvoir me dire que plus rien n’est triste.

Ces deux sentiments se retrouvent dans le projet. Cependant il y a des sujets comme la nature et l’écologie qui restent teintés d’un certain pessimisme, où tu parles même d' »extinction« . C’était une volonté de ta part de marquer fortement ces sujets ?

Oui mais ce n’était pas forcément voulu. Quand je parle d’extinction, c’est nous. On est en train d’engager la plus grande extinction que la terre ait connu je pense. Et pourtant on est ici tranquillement, on ne pleure pas toutes ces espèces qui disparaissent. C’est un peu comme le titre, c’est assez cynique, plus rien n’est triste.

Dernièrement, je m’intéresse et m’informe sur la pollution des océans, l’élevage intensif. Toujours dans ce principe de rester très personnel, tout ça revient dans ma musique. Après, je ne suis vraiment pas dans un discours moraliste. Moi aussi je mange McDo, je ne trie pas toujours mes déchets. Je suis plus à dire que c’est entre les mains de tout le monde sans exceptions. Par ailleurs j’adresse en même temps ces messages pour « les plus puissants et l’élite« , même si je suis à peu près convaincu que si on ne les force pas, ils ne feront rien.

Penses-tu porter ta voix à des fins politiques ou sociales en ce sens ?

Si ma musique peut aider à porter des messages qui me tiennent à cœur, à fond. Si un jour je peux faire « une Coluche », c’est incroyable. Rester à sa place d’humoriste et à sa place d’artiste tout en faisant passer des messages forts, c’est le mieux. Jamais je n’aurais la prétention ni même l’envie de dire que mon art est un outil militant.
Je veux aussi pouvoir parler de l’amour que j’ai pour Malo, des filles que j’aime (Rires) et garder cet art comme une sorte de thérapie personnelle. Par contre, je pourrai faire des concerts à retombée caritative, me rapprocher d’associations, faire de la prévention ou d’autres actions ponctuelles… C’est aussi ce que j’ai voulu faire via ma participation à Hip Opsession.

Maintenant, les vrais combats, je les ai vus chez mon père ou ma mère. J’ai grandi dans un environnement très politique. Quand j’avais 12 ans, mon daron était en procès contre son patron pour harcèlement moral et toute sa vie il a été syndiqué. Ma jeunesse a été traversée par ses luttes syndicales. Du côté de ma mère, c’est son engagement écologique dont j’ai hérité. Vivre de la manière dont on voudrait que le monde vive. Mes études de sociologie m’ont aussi ouvert les yeux et j’ai appris à m’intéresser à la politique et au monde qui m’entoure.

Je pense qu’il y aura quand même une différence entre la musique que je fais et ce genre de combats. C’est un outil qui peut être cool pour véhiculer certaines valeurs mais je suis loin d’être parfait, je fais juste de la musique et du rap.

©Margaux Martins

Cette année c’est l’édition des 50 ans du hip-hop. De quelle manière toute cette musique s’est inscrite en toi ?

C’est d’abord venu de mes parents. Ma mère qui vient de Saint-Denis s’est prise de pleine face l’arrivée du hip-hop en France dans les années 80’s. Elle allait beaucoup en concert et était active dans les mouvements black-blanc-beur et SOS Racisme avec le « touche pas à mon pote ». Quand elle me racontait ses histoires j’étais encore trop jeune pour comprendre et je trouvais ça un peu ringard (Rires). Donc ce serait te mentir de te dire que j’ai écouté très tôt du rap ou que je m’intéressais à cette culture. Moi c’est vraiment parti avec les Rap Contenders, l’Entourage, 1995, Orelsan

J’habitais dans une petite ville périphérique de Toulouse. C’était plutôt vide et calme. C’était compliqué pour moi de m’identifier aux artistes de cité de l’époque. Donc voir des gars qui racontent des histoires plutôt ordinaires et qui s’habillent comme toi, je m’y retrouvais bien. Et puis je trouvais ça trop cool : les gars fument des joints, sèchent les cours et gagnent de l’argent ! On voulait trop leur ressembler.

En revanche je ne me suis jamais pris la culture hip-hop. Même encore aujourd’hui, c’est encore une notion qui peut un peu me rebuter. Autant je pense qu’il faut être respectueux de cette culture et de cet héritage, autant je pense qu’il ne faut pas être trop puriste. À trop fermer un mouvement et à dire : « ça c’est le hip-hop« , avec la danse, le graffiti, il faut qu’il y ait ci, qu’il y ait ça… tu fais perdre le mouvement en puissance. Qu’est-ce que le hip-hop aujourd’hui ? Moi je suis de cette génération qui prend autant d’IAM, de Damso, de Laylow ou de JuL. Le rap, maintenant, c’est le synonyme de « musique », comme le rock a pu l’être.

En revanche, je pense aussi que c’est très important de comprendre comment s’est construite cette musique et d’où elle vient. Le devoir de mémoire de cette histoire est très cool. Pour le coup ici (NDLR au festival Hip Opsession), on inclue toutes les générations et c’est vraiment bien.

Plus que quelques heures avant de passer devant 2500 personnes…

Ouais c’est une dinguerie. J’ai tout juste 2500 abonnés sur Instagram (Rires). Hier je passais dans la même salle que Luidji, j’ai pu vendre du merch et des gens me demandaient même une photo. Aujourd’hui je suis à l’hôtel, nourri, logé, blanchi, avec mon frérot et ce soir je passe au Warehouse. Je finis mon concert et je suis aux premières loges devant des artistes que je kiffe. C’est vraiment fou, j’ai trop hâte !

On sera avec toi ! Merci pour ton temps.

Avec plaisir, merci à toi.

______

Merci à Samir Flynn pour cette discussion.

Remerciements à Nolwenn et Mélody pour avoir organisé cette rencontre et nous avoir accueillis.

Merci à Margaux Martins pour les clichés du concert

Antoine Gady

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