Après Cozz, Bas, J.I.D sans oublier leur boss J. Cole, qui ont tous contribué à faire de Dreamville un poids lourd de l’industrie en 2018, le duo d’Atlanta EarthGang s’apprête cette année à reprendre le flambeau, avec notamment la sortie imminente de leur premier album studio, Mirrorland. A l’occasion de la date parisienne de leur tournée européenne, nous avons pu évoquer avec les très bons clients Johnny Venus et Doctur Dot tous les sujets chauds du moments, mais aussi leur parcours.
Vous avez construit votre solide fanbase grâce notamment à vos nombreuses tournées. Qu’est-ce que cela représente pour vous de remplir des salles en Europe, et en France par exemple ?
Johnny Venus : Ça nous rappelle qu’on était pas si fous quand on a décidé de s’appeler EarthGang. Ou peut-être que, justement, on était fous ! C’est juste un rêve de passer de sa chambre, jusqu’à voyager dans le monde entier en tournée, aller dans des endroits dont on osait à peine rêver.
On sent une vraie excitation autour de votre groupe ces derniers temps, beaucoup disent que 2019 pourrait être votre année. Arrivez-vous à le ressentir également de votre côté ?
JV : Récemment, j’ai pu le sentir, oui. Jusqu’ici, je crois que j’avais trop la tête dans le guidon pour m’en rendre compte. Quand je bosse sur un truc, je me mets des œillères et je ne fais plus attention à ce qu’il y a autour, même si travailler, c’est du fun pour moi, c’est ma passion. Mais récemment, que ce soit sur Internet ou autour de nous, on sent en effet même que les fans nous soutiennent encore plus qu’avant.
Doctur Dot : C’est clairement différent aujourd’hui, mais je n’oublie jamais comment on a commencé, avec des open mics, des concerts devant trois personnes… Maintenant, tous nos shows sont hyper organisés, c’est la grande différence. Et c’est vrai que quand on traine dans la rue chez nous, on voit que ce n’est plus la même chose. Nier que l’on ne voit pas cette excitation autour de nous serait presque irrespectueux envers tous ceux qui nous soutiennent. On n’avait jamais connu ce niveau jusqu’ici.
Contrairement à certains qui explosent du jour au lendemain, votre progression a été ultra régulière. Comment appréhendez-vous cette trajectoire ?
JV : C’est vrai qu’avec Internet aujourd’hui, on peut devenir une star du jour au lendemain. Mais nous, on a des gens qui nous suivent depuis notre toute première chanson. C’est comme Picasso : je suis récemment allé au musée qui lui est dédié à Barcelone, et chez lui aussi tu vois cette progression graduelle. Il part d’un style très classique, jusqu’à arriver au Picasso que l’on connaît tous, l’époque où tout le monde est devenu fou de lui ! Mais il y a eu une progression, étape par étape, et c’est ça que j’aime. Malheureusement, de nos jours, dans l’art et la musique, tout est tellement fabriqué…
DD : Je crois vraiment à la solidité d’une carrière. Nous, on est allé gagner nos fans un par un. C’est pourquoi je ne refuse jamais de parler aux fans, je réponds aux DMs sur les réseaux, je discute avec eux après les concerts… Je reste le même qu’à l’époque où personne ne nous connaissait.
Votre progression est aussi liée à celle de Dreamville. Quels sont selon vous les facteurs clés de succès du label ?
JV : Pour moi, c’est unity et having fun. Ce sont les deux choses les plus importantes, et c’est pourquoi que ce soit au sein de Dreamville ou à l’extérieur, tout le monde kiffe bosser avec nous, comme par exemple durant les sessions de Revenge of the Dreamers III. Tellement de gens se sont pointés au studio : Akon, T.I., Rick Ross, Khaled, Drizzy, Chris Bosh, l’équipe des Timberwolves… J’ai même joué au billard avec George Hill, c’est fou ! La présence de toutes ces personnalités de talent nous propulsent forcément à un autre niveau. La barre a été mise très haut en ce début d’année.
DD : Ce qui est cool, c’est qu’on a su conserver cet esprit depuis le début. Quand on enregistrait dans la maison de Cole, on était avec J.I.D, Ari Lennox, Bas… et il y avait cette même vibe. La seule consigne c’était : créer sans arrêt, et passer du bon temps. On ne parlait pas d’être ultra-lyrical, ou d’avoir un single radio… rien de tout ça. On vient, on rentre dans la maison, et on crée jusqu’à ce qu’on n’en puisse plus. Et je pense que les fans sentent cette énergie, cette joie dans le travail. Ils pensent qu’on charbonne, mais en fait pas tant que ça, on passe juste du bon temps à faire ce que l’on aime faire. On reçoit ce que l’on donne, tu vois ?
Pour en revenir à ces fameuses sessions Revenge of the Dreamers III. Quels sont les moments qui vous ont le plus marqués ?
JV : Mon meilleur souvenir, c’est juste le kif de pouvoir trainer avec tous mes potes musiciens : Buddy, Smino, Saba… on a passé de super moments avec tout le monde. On a aussi pu faire de nouvelles rencontres, tout en s’amusant. On restait debout jusqu’à 3 heures du matin, et on recommençait dès le matin suivant. Tout le monde passait de studio en studio pour enregistrer, c’était incroyable. Une vraie fun house remplie de pièces surprises et folles.
Ça fait du bien de promouvoir un peu l’unité
DD : Il y a eu beaucoup d’enregistrements, beaucoup d’idées créatives, et beaucoup de discussions passionnantes. Pas de beef, pas d’ego mal placé. On a créé de super liens avec les gens grâce à la musique, et c’était vraiment nécessaire : ça fait du bien de promouvoir un peu l’unité, plutôt que l’opposition entre les gens, comme on peut trop souvent le voir sur le web, par exemple.
Qu’avez-vous pensé de la réussite de vos collègues Bas et J.I.D l’an dernier ? Cela crée-t-il une sorte d’émulation au sein de Dreamville ?
JV : J’adore voir ce que font ces gars-là, c’est tellement fun de voir où ils en sont aujourd’hui en sachant d’où l’on vient. On a fait notre toute première tournée avec eux, et maintenant tout le monde explose, chacun de son côté. Il n’y a pas de compétition, on est juste là pour leur dire qu’on voit tout ce qu’ils accomplissent, qu’on est fiers d’eux. Cela nous rend heureux, cela nous donne de l’énergie positive et nous donne envie de tout déchirer à notre tour.
DD : Même avant que l’on signe sur Dreamville, on était co-locataires avec J.I.D, et quand il faisait un son, il nous l’envoyait, et nous on était là “wow, ça tue !”, et vice-versa. Il est comme un frère, et il y a une émulation hyper naturelle qui s’installe, mais en aucun cas négative.
Et avec TDE, y a-t-il vraiment un esprit de compétition, comme l’a laissé entendre J.I.D récemment dans une interview ?
JV : C’est marrant parce que les médias ont vite fait de monter tout un truc autour de ça, mais pendant ce temps-là, Reason (de TDE) était avec nous aux sessions Revenge of the Dreamers III, et il part même en tournée avec nous. On a fait de super chansons avec lui, idem pour Isaiah Rashad. C’est juste de l’art, de la musique, de l’expression.
DD : Notre toute première tournée était une tournée TDE (avec Ab-Soul), donc il n’y a aucune féroce concurrence entre nous.
Vous avez annoncé sur Twitter que votre premier album, Mirrorland, était prêt à 90%. Que pouvez-vous nous dire sur son contenu ?
JV : Je peux vous dire que vous allez passer un bon moment à l’écouter, avec un large éventail d’univers et des possibilités illimitées.
DD : C’est un chef-d’oeuvre, un projet-passion. Il y a beaucoup de vie là-dedans, comme des immenses tableaux, de grands miroirs dans lesquels on peut trouver un peu de tout. C’est le genre de projet sur lequel on bosse toute une vie, en gardant des sons de côté, etc.
Mirrorland va faire partie de la vie des gens
JV : Ce projet va faire partie de la vie des gens, j’en suis sûr, avec un tas de légendes prêtes à l’emploi pour vos comptes Instagram !
DD : Mirrorland va devenir un album à la Pink Floyd, tu vois ? Avec des posters et des t-shirts qui continueront de se vendre sur des générations, même si les gens n’ont jamais écouté Pink Floyd. Je pense que cet album peut avoir le même genre d’impact. Peut-être que dans 40 ans, les enfants porteront des t-shirts EarthGang, même s’ils ne nous ont jamais écouté.
Le single « Proud Of U » avec Young Thug a été très bien accueilli. Comment se morceau s’est-il fait ?
JV : On s’est rencontré sur le KOD Tour de Cole, sur lequel il y avait aussi Jaden Smith et Young Thug. J’ai fait le beat alors qu’on était à Toronto. On trainait souvent ensemble et on se répétait souvent “je suis fier de toi mec” quand on se racontait nos différents accomplissements de la journée. On s’est dit que ça pourrait être cool de capturer ce moment pour ceux qui n’étaient pas là avec nous. On a loué un studio au moment de Thanksgiving avec Young Thug, et on a enregistré. Voilà !
Pour finir, à quel point J. Cole est-il impliqué sur cet album, et plus généralement dans votre carrière ?
JV : Il n’a touché à rien ! Non je rigole. Il nous donne tout un tas de conseils, le mec a décroché plusieurs disques de platine quand même, donc il nous donne ses astuces, sur les structures de chansons notamment, mais aussi pour les concerts. Les siens sont tellement dingues ! Il nous demande comment on veut enregistrer, comment on souhaite structurer une chanson, quelles réactions du public on attend, etc.
On fait vraiment tout nous-mêmes, mais Cole nous aide à faire le tri, il nous donne son avis sur tous les morceaux, les choses que l’on pourrait peut-être modifier, etc.
DD : Mais ce que l’on aime le plus chez Cole, c’est qu’il respecte totalement l’artistique. Il n’interviendra jamais trop dans nos processus. Il nous laisse tout faire, jusqu’à ne rien écouter avant qu’un son sorte, si jamais c’est notre volonté. Il attend qu’on lui demande, et à partir de là seulement, il passe en mode conseiller. Du moment où il signe quelqu’un, il lui laisse le temps qu’il faut pour grandir en tant qu’artiste.
[UPDATE du 6 septembre 2019 : l’album Mirrorland est désormais disponible]
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