Earthgang, les esthètes d’Atlanta

Earthgang, les esthètes d’Atlanta

C’est lors de la sortie du dernier né d’Earthgang que ma curiosité m’a incité à en savoir plus sur ce groupe aux goûts picturaux discutables. Pourtant, à en croire ce que le web veut bien m’apprendre, ce duo d’Atlanta kicke des beats professionnellement depuis 2009 et semble même jouir d’une réputation plutôt séduisante chez les esthètes du rap game underground. En particulier pour ceux qui rôdent du côté d’Atlanta ou qui sont attentifs à sa scène hip-hop.

Un duo donc. Composé de Johnny Venus et Doctur Dot qui ont commencé  à se prêter beats et rimes dès 2007, au lycée. Parce qu’ils sont passionnés (comme nous),  qu’ils ont un petit talent à la rime  (comme certains d’entre nous), et que la musique semble être leur chemin vers la spiritualité, ils se sont dits que ça aurait du sens de s’y essayer. Alors ils s’y collent avec, comme à chaque fois, leur amour de la musique, leurs influences, leurs styles et leurs ambitions.

S’ils sont bien du Sud comme le chante leur accent, fermez les yeux et écoutez la musique qui accompagne leur prose pour comprendre que leurs influences sont ailleurs. Leur musique est riche de soul, rauque comme le funk qui tiraille les guitares électriques et probablement aussi un peu légère puisqu’ils citent le comique Richard Pryor comme une source d’inspiration.

S’il va falloir user d’une deuxième main pour compter l’âge d’Earthgang, sachez qu’ils n’ont pas laissé le temps au mic de prendre la poussière puisqu’ils se sont montrés plutôt actifs et notamment depuis 2010 et leur premier EP The Better Party. Depuis pour EarthGang, l’inspiration artistique ne s’est jamais vraiment tarie puisqu’ils ont enchaîné les projets en sortant 2 EP en 2011 (Mad Men puis Good News), un en 2013 (Shallow Graves For Toys) et enfin un dernier opus  dont vos serviteurs prendront le soin de déceler les pépites, Strays with Rabies il y a juste un mois (le 6 novembre dernier). Précisons enfin que sur leur titre « Monday » issue de la mixtape Torba sortie en début d’année, ils se font accompagner du sieur Mac Miller. Enfin, une dernière chose : cette boulimie de studio s’accompagne d’une vraie actualité scénique puisqu’ils assurent la première partie du black hippie Ab Soul sur sa tournée américaine.

L’oreille à l’affût donc, nous entendons au loin les hurlements des bêtes errantes enragées (le titre de cet album – Strays with Rabies). Emplis d’appréhension, on s’avance, même si l’artwork qui accompagne cette release inspire peu confiance, nous prenons notre courage et nos oreilles à deux mains pour s’en faire un avis. Et il est plutôt agréable au final. Si l’album est assez inégal d’un point de vue qualitatif, il contient quelques fulgurances qui valident le talent et l’expérience des compères. On pense notamment aux jolis « Missed Calls » ou à « Liquor Sto’ ».

Malgré leurs influences multiples, la boucle de clavier utilisée, et qui fait le gimmick de « Missed Calls », rappelle les rolls qu’affectionnent tant les producteurs de Géorgie. Le rythme est lent et la basse est lourde, appuyant  encore l’ascendance sudiste du duo et l’enracinement de leur hip hop dans le paysage local. De plus, l’ambiance onirique et les chœurs vaporeux font de ce morceau une belle réussite. La caisse claire imprime le tempo et la ligne de basse profonde définit l’ambiance. Après, il n’y a plus qu’à se laisser porter par ce morceau où nos 2 compères content leurs déboires amoureux et font un parallèle avec les actes manqués.

Earthgang – « Missed Calls »

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Autre trouvaille mais toujours ancrée dans l’esprit sudiste de « Missed calls », « Liquor Sto’ ». Le morceau fonctionne grâce à une belle instrumentation et des flows bien kickés qui donnent l’assurance que nos amis ont du métier. L’instrumentation justement : les voix criardes utilisées en boucle, les basses rondes et profondes et une boucle sur quelques notes de piano rappellent les prêches des papes d’Atlanta, OutKast, et les sonorités de leur double album Speakerboxxx/The Love Below.

Earthgang – « Liquor Sto' »

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Cela dit, il est presque injuste d’attirer l’attention sur ces seuls morceaux tant l’album est capable de se nourrir d’autres influences et d’user de soul voire même de gospel (très présent) dans des morceaux comme « A.W.O.L ». ou « Punchanella ».

Pour finir, voilà un groupe qu’il est bon de connaître et qui représente un autre versant de la scène d’Atlanta, notamment dans l’affirmation de ses racines musicales. Ils ne seront plus des inconnus désormais et présentent l’intérêt de pouvoir être surprenants puisqu’en prenant 2 morceaux au hasard, on pourrait ne jamais imaginer qu’ils soient d’eux. C’est un atout : c’est qu’ils maîtrisent leur style et sont à l’aise dans différents contextes musicaux. Le point faible (mais est-ce le leur ?), c’est qu’ils sont de ce fait difficilement classables et qu’une industrie en recherche de repères pourrait bouder ce trait de caractère. L’éclectisme d’Earthgang est un atout mais peut donc être source de confusion parfois. Et ca se ressent sur l’album où la qualité des morceaux est très inégale. Des pépites ou des titres qui gagnent à se faire connaître y cotoient des morceaux moins attrayants.

Les présentations sont faites. Earthgang donc. Enchanté.

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