Le 25 janvier 2009, au terme d’une vente aux enchères de près de sept heures, l’emblématique chaise électrique du bureau de Suge Knight est adjugée au dénommé Dale Fletcher, qui décidera de l’exposer dans la salle de réunion de son entreprise. Cet épisode trivial met fin à plus de 15 ans d’existence du label qui a fait la gloire du gangsta rap: Death Row Records. À l’occasion des 20 ans de la sortie d’All Eyez On Me, l’un des albums phares de son catalogue, on vous propose un petit retour en arrière sur l’incroyable histoire de cette entreprise.
La naissance de Death Row n’est pas un épisode glorieux. Les méthodes de négociation de Suge Knight, le fondateur du label, étaient pour le moins intimidantes. Usant de sa « force » de persuasion sur le rappeur Vanilla Ice, à qui il réclamait au nom de Mario « Chocolate » Johnson des royalties pour son tube « Ice Ice Baby », il obtient les capitaux nécessaires au lancement de son business. Profitant ensuite de querelles au sein du groupe N.W.A., il convainc Dr. Dre de travailler pour lui et d’enregistrer un album, qui sera le premier sur Death Row Records.
Chaise électrique à l’accueil, beats surpuissants à la technique de production inédite, voix particulières de Dre, Snoop ou 2Pac, relents de weed s’échappant du studio attenant et poignée de main énergique du patron, le terrifiant Suge Knight. Welcome to Death Row Records. En quelques semaines, celui qui a convaincu Jerry Heller de libérer Dr. Dre de ses obligations contractuelles et lui a offert la main-mise sur la direction artistique de son affaire, s’est bâti une fortune. À coups de flair artistique et aussi de crosse, il faut bien le reconnaître. Nous sommes en 1991, le gangsta rap est né et Dre a l’intuition que son talent n’est pas rémunéré à sa juste valeur chez Ruthless Records. Ça tombe bien, encouragé par le succès de N.W.A. et de morceaux comme « Fuck tha Police« , il sent que son style est porteur et ses audaces créatives rencontrent le succès. Il a un projet en tête, un truc un peu dingue, dans la continuité de ce qu’il a commencé avec N.W.A. et qu’il affine au fil des longues heures qu’il passe en studio : son premier album solo, son manifeste, The Chronic. Chez Death Row Records, l’environnement est propice à la création puisque derrière les tables de mixage, il est le seul maître à bord. La prise de risque ne lui fait pas peur, et surtout il a dans sa manche une nouvelle pépite, un rappeur au flow décapant, à la voix un peu nasillarde et dont les mots s’enroulent autour du beat. Comme Dre, il est du cru et même s’il sort à peine du lycée, il semble déjà avoir l’étoffe des grands et une belle expérience du Compton Way of Life : ladies, parties & weed.
Snoop Doggy Dogg est présent sur 11 des 16 morceaux de cet opus où l’on retrouve également d’autres membres de l’écurie Death Row parmi lesquels Lady of Rage, The D.O.C, Nate Dogg ou Kurupt. La famille du G-Funk est là. The Chronic est un tournant dans l’histoire du rap américain. Déjà parce que les morceaux s’inspirent clairement du funk californien avec ses cuivres saillants et ses basses plus profondes, ensuite parce qu’il consacre un courant musical et enfin, parce qu’il met sur orbite deux artistes (Dre et Snoop) qui écriront l’une des plus belles pages de l’histoire du rap. À seulement 21 ans, Snoop a lui-même écrit le premier couplet de « Ain’t Nothing But A G Thang », ce qui fera instantanément de lui une star. La chanson fait partie des (seulement) 11 chansons de rap à figurer au sein du Rock And Roll Hall Of Fame, parmi les 500 chansons ayant marqué l’Histoire.
Dre en profite aussi pour clore les chapitres Ruthless Records et NWA lorsque sur le morceau « Fuck Wit Dre Day« , il règle ses comptes avec Eazy-E et ses anciens compères. Snoop saisit l’occasion d’y ajouter son grain de sel et dire sa façon de penser aux rappeurs de la côte Est qui ont douté de la qualité du rap californien.
Si The Chronic a fait l’effet d’une bombe et consacre Dre comme producteur incontournable de la scène hip-hop, c’est avec Doggystyle, le premier album de Snoop, sur lequel plane l’ombre du funkadelic George Clinton, que les records tomberont un à un. Premier album rap à entrer au Billboard 200 à la première place, et premier pendant trois semaines au Billboard, 12 millions d’albums vendus dans le monde et des tracks de légende qui ont fait de Snoop une icône du rap game.
Le single « Who Am I (What’s My Name)? » est un banger qui électrise encore, presque 25 ans après sa sortie. Tout l’album est en fait une ode au mode de vie à la sauce Compton. S’appuyant sur quantité de samples puisés dans la discographie de George Clinton et sa bande, ce LP est hyper musical, et regorge de mélodies enjouées au clavier et des lignes de basses vaporeuses. Pourtant, Snoop n’y aborde pas seulement des sujets légers puisqu’il y est aussi question de son accusation de meurtre (durant l’instruction, il recevra tout le soutien de son employeur Death Row), de la présence permanente des gangs et des armes dans les rues de cette jolie bourgade du sud de L.A.
Les retombées financières et l’attractivité de son label font de Suge Knight un personnage tantôt sombre et menaçant, tantôt lumineux, qui règne dans cette industrie où les réputations se font et se défont à un rythme effréné. D’autant que la guerre des côtes fait rage et qu’un nouveau trublion vient participer à la fête. Connu pour son flow rapide, sa verve et ses coups de sang, 2Pac est invité par le boss à venir en studio prouver son talent et se confronter aux beats acérés de Dre. De ce rapprochement naîtra comme une évidence l’obsédant « California Love« , le tube qui a conquis la planète entière et dont le clip s’inspire largement de l’univers de Mad Max. Le hip-hop connaît à cette époque son âge d’or : à l’Est, le Wu-Tang, Biggie et Sean Combs rappent la rue, Harlem, le Bronx et le froid du ghetto sur des beats jazzy tandis qu’à l’Ouest, on frime au soleil sur des prods teintées de funk aux effluves de chronic. La culture du gang, endémique en Californie, excite l’imagination de toute une génération de rappeurs qui se font le porte voix des Bloods pour les uns, des Crips pour les autres. Parce que la guerre fait vendre et que finalement, leur approche du hip-hop est la même (bien qu’ils l’expriment différemment), le clash s’avère inévitable. La planche à billets tourne à fond pour les producteurs des deux côtes mais les balles fusent, et il faudra plusieurs fusillades pour calmer cette escalade. Jusqu’à celle qui emportera 2Pac.
Avec le succès des premiers albums The Chronic et Doggystyle, les finances sont au vert. Suge Knight et sa bande vont largement en profiter. En 1994, Dre s’associe avec Fab Five Freddy (célèbre pour avoir animé l’émission Yo! MTV Raps), afin de produire un court métrage intitulé Murder Was The Case, en référence à une chanson de Snoop. Cette fiction met en scène l’assassinat de ce dernier, abattu sur le parking d’un supermarché pour avoir engrossé la femme d’un gangster. À l’article de la mort, il pactise avec le diable en échange de sa résurrection. Il se retrouve pris au piège d’un contrat qu’il ne peut honorer avec ce démon, et prie Dieu pour en être libéré. Sa prière sera alors exaucée, et le film se conclut sur l’incarcération et la mort de Snoop Dogg. Certains y liront un sens caché. Ce diable avec qui il pactise serait-il Suge Knight, son propre patron chez Death Row Records?
Il faut avant tout voir Murder Was The Case comme un prétexte pour réunir toute la clique sur une compilation qui se vendra comme des petits pains (plus de 2 millions de copies au total, dont 329 000 la première semaine). Marketé comme la bande originale du film, l’album regroupe une quinzaine de morceaux pour la plupart inédits, tous interprétés par des proches de Snoop Dogg et du label Death Row. C’est l’occasion pour le grand public de découvrir Tha Dogg Pound, duo formé par Kurupt et Daz Dillinger (aka Dat Nigga Daz), qui étaient tous les deux apparus en featuring sur The Chronic et Doggystyle. L’année suivante, le groupe sortira Dogg Food, un album de G-Funk comme on n’en fait plus… 1994 est également l’année durant laquelle est sorti Above The Rim, le film dans lequel Tupac incarne Birdie, un dealer qui se lie d’amitié avec un jeune joueur de basket. La B.O., dont on retiendra « Pour A Little Liquor », figure elle aussi sur le catalogue de Death Row Records.
De l’année 1995, on se souviendra évidemment du tube interplanétaire que fut « California Love ». Que de chemin parcouru par Tupac Shakur depuis « Brenda’s Got A Baby », son premier single sorti en 1991. Enchaînant tournages de films, enregistrements studio, concerts et accessoirement démêlés avec la justice, il brûle la chandelle par les deux bouts. Après 11 mois de prison, il rejoint le label de Suge Knight qui avait payé sa caution. « California Love » est le premier morceau qu’il enregistre dans les studios de Death Row. À cet instant, il ne le sait pas encore, mais sa chanson achèvera de faire de lui l’archétype du rappeur gangsta. Sa chanson ? Pas si vite… D’après ce que veut bien nous avouer Knight, Dre aurait fait (presque) tout le boulot. Tupac se serait contenté, lors d’une visite plus ou moins impromptue dans les studios, d’enregistrer l’air de rien un couplet sur la maquette du producteur. All Eyez On Me est en préparation, et le directeur du label suggère que « California Love », dans une version remixée, y figure. Pour des raisons plus commerciales qu’artistiques donc, ce morceau se voit attribué à 2Pac, qui devient la plus grande star du rap west coast. Cet épisode constitue la preuve d’une aggravation des tensions entre Dr. Dre et Suge Knight, amplifiée par le comportement cavalier de Pac.
Si tout le monde connaît Me Against The World et All Eyez On Me, beaucoup sont en revanche passé à côté de The Don Killuminati: The 7 Day Theory, premier album posthume de 2Pac. Enregistré sous le pseudonyme Makaveli, nouveau nom de scène qu’il s’est choisi, The Don Killuminati est grandement influencé par ses lectures en prison, à savoir Machiavel. La légende veut qu’il ait été enregistré et finalisé en 7 jours seulement, durant la première semaine d’août 1996. Sa sortie initialement prévue pour mars 1997, a été avancée de 4 mois au vu des événements tragiques qui prendront place un mois après la fin de l’enregistrement.
Le 13 septembre 1996, tout bascule. La dernière étoile du label, 2Pac, s’en va rejoindre le firmament. Un événement qui amorcera le déclin de l’entreprise de Suge Knight. À cet instant, Death Row est encore à son apogée et ce malgré de nombreux conflits internes. Le 7 septembre, 2Pac profite de son passage à Las Vegas pour se rendre à la grande finale WBA à l’hôtel MGM Grand. Un combat de boxe entre Bruce Seldon et Mike Tyson. Si ce dernier remporte une nouvelle fois le titre, sa victoire est assombrie par les événements qui vont suivre et qui marqueront à jamais la planète rap.
Après cette rencontre au sommet, Suge Knight, au volant d’une BMW noire, récupère son poulain. Direction le célèbre club 662 pour assister à un concert. Ils n’arriveront jamais à destination. Aux environs de 23h15, la berline s’arrête à un feu rouge, celui de trop. Une Cadillac Fleetwood blanche la rejoint, se range sur la voie d’à côté et la vitre se baisse. Un salut amical ? Non. Quatre balles tirées à bout portant. 2Pac comprend vite que cette attaque le cible. Une balle dans la cuisse, une dans le bassin et deux dans la poitrine. Solide et combatif, il tient bon. Suge Knight quant à lui, s’en sort sans réelles blessures. Étrange, diront certains sceptiques.
S’il n’en est pas à ses premières balles, celles-ci auront raison de lui six jours plus tard. Pris en charge en urgence à l’hôpital, Tupac ira en chirurgie et sera placé dans un coma dont il ne se réveillera jamais. Qui conduisait ? Qui a tiré ? Est-ce l’oeuvre d’un exalté ? Des questions qui, 20 ans après, restent toujours sans réponse. Des plus plausibles aux plus loufoques, toutes les théories ont été minutieusement décortiquées. Nous n’y reviendrons donc pas ici. C’est un fait, suite à ce tragique événement, le label va progressivement prendre le chemin du déclin. Rassurez-vous, nous n’en sommes pas encore là. Death Row n’a pas dit son dernier mot et compte bien offrir des projets qui resteront dans les annales. Suivez le guide.
Revenons à l’été précédant l’odieuse fusillade du 7 septembre. Dégoûté par les méthodes très limites de Suge Knight dans le rap business, écœuré par le comportement de plus en plus violent de Tupac, Dre décide de quitter le navire pour monter son propre label, Aftermath Entertainment. Son implication au sein de Death Row a déjà bien diminué depuis quelque temps. Le producteur ne témoigne clairement plus le même enthousiasme qu’à l’époque de The Chronic. Sur Dogg Food et All Eyez On Me, il ne s’est guère plus occupé que du mixage. Il est crédité en tant qu’executive producer, mais ne signe la prod’ que sur deux morceaux: « Can’t C Me » et le remix de « California Love ». La défection de Dre impactera Death Row de façon irréversible, d’autant qu’il sera suivi peu de temps après par Snoop Dogg, son protégé.
Contrairement à son mentor, Snoop aura eu le temps d’enregistrer un second album studio avant de quitter le label, Tha Doggfather. Sorti seulement deux semaines après The Don Killuminati, il ne bénéficie pas du meilleur contexte possible. La disparition de Tupac accapare l’espace médiatique, la planète rap est encore sous le choc. Tha Doggfather se vendra tout de même à 479 000 exemplaires la première semaine, une performance honorable. Il faut dire que le public attendait avec impatience le successeur de Doggystyle. Sur ce second opus, Snoop livre une version plus feutrée du G-Funk qui l’avait propulsé trois ans auparavant au sommet des charts. Un tournant artistique accueilli plutôt froidement par la presse de l’époque. Même Dre se désolidarise de son ancien acolyte en admettant ne pas aimer l’album. Mais n’est-il pas simplement jaloux de ne pas avoir participé à son élaboration ? À chacun de se faire un avis.
Un peu déstabilisé par le décès de 2Pac et le départ de deux autres de ses meilleurs artistes (sans compter celui de The D.O.C. et RBX), Suge Knight se doit de réagir. Comme si cela n’était pas suffisant, il est condamné à neuf ans d’emprisonnement pour avoir enfreint les conditions de sa liberté surveillée (il sortira de prison en 2001, après 4 années seulement). Il lui faut s’assurer du bon fonctionnement de ses affaires avant de disparaître entre quatre murs. Il choisit alors de concocter le best of de son label. Greatest Hits permettra, il l’espère, de réanimer la vibe des débuts. En rassemblant les meilleurs morceaux enregistrés dans ses studios, il compte bien faire oublier cette année noire que fut 1996. La compilation regroupe bon nombre de classiques tels que « Gin & Juice », « Nothing But A G Thang » et « Keep Ya Head Up ». Les plus pointilleux d’entre vous n’auront pas manqué de le remarquer: « Keep Ya Head Up » n’est pas un titre du catalogue de Death Row Records… Ce n’est d’ailleurs pas le seul morceau qui se trouve comme par magie happé par la machine. En revanche, pas un seul extrait de All Eyez On Me ou de Tha Doggfather ne figure sur le best of. Il s’agit peut-être pour Knight de ne pas venir troubler les ventes de ces albums sortis quelques mois plus tôt. Signe supplémentaire de son acrimonie envers Snoop et Dre, Greatest Hits contient deux « diss tracks » dirigés contre eux. Un de ces morceaux est signé J-Flexx (« Who Been There, Who Done That »), qui écrivait parfois les couplets pour Dre.
Quelques semaines après la sortie de Greatest Hits, le label lance une seconde opération de promotion, plus originale celle-là: un Christmas album. Les albums de Noël sont aux États-Unis une tradition de fin d’année presque aussi vieille que l’industrie du disque. Ce Christmas On Death Row, soyons francs, n’a de valeur (presque) que pour l’illustration de sa pochette. Fin 96, le g-funk a entamé son inexorable descente aux enfers, et on sent bien que plus personne n’y croit. Quand on écoute cet album de Noël, on s’aperçoit d’ailleurs que le gangsta rap y tient une part relativement peu importante, en partie supplanté par un R’n’B mièvre et coulant défendu par des artistes comme Danny Boy et Miche’Le. Hormis les morceaux de Snoop Dogg et de Tha Dogg Pound, la seule belle surprise vient du morceau de Nate Dogg, « Be Thankful ». Cette balade entre g-funk et néo-soul est la chanson la plus aboutie du projet. On peut néanmoins se consoler en se souvenant que les bénéfices engendrés par la vente d’environ 200 000 copies de Christmas On Death Row furent à l’époque reversés à une association caritative.
Parmi les disques sortis à partir de 1997 sur Death Row Records, on ne compte aucun album majeur. Le gangsta rap façon west coast vit ses dernières heures, et les fondateurs de ce courant seront bientôt balayés par The Game, les Black Eyed Peas et le reste de la nouvelle génération de rappeurs californiens. Sur la côte est, cette transition se fera légèrement plus tard, à la toute fin des années 90. Ceci explique sans doute pourquoi Death Row enterre la hache de guerre sur l’album de Lady Of Rage et invite les new-yorkais DJ Premier et Easy Mo Bee pour produire quelques morceaux de Necessary Roughness. À noter que ce dernier avait déjà travaillé avec 2Pac chez Interscope Records, lorsqu’il avait produit « If I Die Tonight » et « Temptations » sur Me Against The World et « Str8 Ballin' » sur l’album de Thug Life. Le reste de Necessary Roughness est produit par Daz Dillinger. Daz était l’un des derniers artistes à être resté fidèle à Suge Knight après son emprisonnement. C’est lui qui assurera l’intérim de la direction du label. Seul à la barre, il en profitera pour enregistrer Retaliation, Revenge And Get Back, son premier album solo. Datant de 1998, il représente pour beaucoup le dernier véritable album d’un courant musical à la veille de son extinction. Même s’il très est loin de rencontrer le même succès que The Chronic, il clôt avec un certain panache le chapitre g-funk de l’Histoire du hip-hop. La loyauté de Daz envers son patron ne durera qu’un temps, puisqu’il quittera lui aussi le navire peu de temps après Retaliation, Revenge And Get Back pour fonder sa propre maison de disques, D.P.G. Recordz.
La suite est un peu triste, pour tout vous dire. Des albums de R’n’B insipides signés Miche’Le et Danny Boy, des compilations à n’en plus finir, et une poignée d’albums de rap dont le 2002 de Tha Dogg Pound, lui même composé presque exclusivement de fonds de tiroirs et de remixes d’anciens morceaux du groupe. La guéguerre entre Suge Knight et Snoop Dogg s’éternisera jusqu’à la liquidation de Death Row Records. Plusieurs compilations de morceaux inédits datant de la période 92-96 sortiront, sans l’accord du principal intéressé: le très menaçant Dead Man Walkin’, Greatest Hits, ou encore Death Row: The Lost Sessions Vol. 1. Ce conflit au grand jour aura au moins permis de déterrer quelques perles enregistrées par Snoop à la grande époque… Autre exemple de coup bas porté par Knight à ses anciens partenaires: l’album Suge Knight Represents: Chronic 2000. Ce titre aurait dû, à peu de chose près, être celui du second album de Dr. Dre, projet qu’il a abandonné en quittant Death Row Records. Voilà comment est né The Chronic 2001, voilà comment Knight a perdu toute crédibilité artistique.
Que reste-t-il de la mouvance gangsta en 2016 ? Si le G-Funk tel qu’on l’a aimé dans les années 90 a quasiment disparu du paysage hip-hop, l’attitude de défiance et de rébellion, elle, subsiste. Certains des artistes qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire du gangsta rap sont encore dans le game, comme Dr. Dre, Snoop Dogg et DJ Quik. Ils sont parties prenantes de la transformation qu’a connu le rap post-âge d’or, et proposent désormais une musique renouvelée. Pour notre plus grand plaisir, ils savent encore parfois prendre des risques. Snoop Dogg n’a plus besoin de faire ses preuves en 2013 lorsqu’il choisit Dâm-Funk pour produire ce qu’il faut bien reconnaître comme le meilleur album de funk hybride de ces dernières années, 7 Days of Funk.
Pour ce qui est de la conscience politique et sociale, il faut désormais se tourner vers des mecs tels que Kendrick Lamar, nouveau roi de la scène west coast. En seulement trois albums, il s’est imposé comme la voix du peuple américain, et non pas seulement celle des afro-américains. Créant sa propre identité musicale, il prend le trône laissé vacant par 2Pac il y a près de 20 ans. Dr. Dre a eu le nez fin en le débauchant de chez TDE juste après Section.80.
La scène west coast actuelle se différencie nettement moins du reste du rap américain que dans les années 80/90. La trap music exerce une influence énorme sur la nouvelle génération incarnée par DJ Mustard, YG ou Ty Dolla $ign. Leur musique se rapproche inévitablement des héritiers du dirty south et laisse de côté son identité purement californienne. Le rap perd en diversité et c’est peut-être dommage, aux moins pour certains. On est toujours en attente d’un renouveau g-funk, à la manière du retour en grâce du boombap il y a quelques années. La réédition des albums phares du catalogue de Death Row Records pourrait peut-être raviver ce courant du hip-hop si dansant et subversif. C’est du moins ce qu’on espère.
Pour célébrer les 20 ans de la sortie d’ All Eyez On Me, la Fnac propose une opération spéciale sur les albums (CD et vinyles) du label Death Row, à prix attractifs.
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Excellent article sur l'histoire musicale de Death Row ! On en apprend beaucoup et merci bien !
Juste le seul bémol pour la fin c'est que vous raccourcissez trop la scène californienne actuelle alors qu'elle a un vrai style. Dire que DJ Mustard, YG ou Ty Dolla $ign s'inspirent de la trap d'Atlanta est faux car ils ont développé leur vrai style West Coast avec la Ratchet Music qui s'inspire plus de la Bay Area que Compton/LA dans les 90's. Et les 2 derniers albums de YG sont énormément acclamé par la critique et sonnent comme des "The Chronic" "Doggystyle" de nos jours. Alors ne soyez pas réducteurs avec la scène californienne actuelle, elle est négligée à cause d'Atlanta mais qualitativement est peut-être redevenue la meilleure scène aujourd'hui.
Merci de ton intérêt! On en a pas mal appris aussi en écrivant cet article. Pour ce qui est du parti pris sur la scène californienne actuelle, c'est celui très personnel du mec bloqué sur le flow de 2pac et les beats de Dre. Je reconnais un certain manque d'objectivité et le but n'était pas pour moi de froisser les différentes sensibilités. Pour moi l'ouest n'a pas dit son dernier mot, en témoigne l'énorme succès de Kendrick Lamar, mais c'est vers le rap indépendant que je choisis de tourner mon regard à présent. Peace!
Ouais puis le G-funk n'est pas mort avec Death Row sur la scène californienne (on peut penser ce qu'on veut de kendrick lamar ou autre mais ce n'en est pas, le mec pourrait venir de n'importe quel bled des states, sa musique n'a aucune identité west coast je trouve), il a continué de manière bien puissante chez les très productifs chicanos de Hi-Power par exemple (capone-e, mr criminal...) ou bien big stalks (dont l'album Cali Dippen est une tuerie) script loc ou d'autres encore, faut juste chercher un minimum. tous ces artistes ravissent tous les amoureux de G-Funk que je connais. Certes ils ne bénéficient pas de l'exposition médiatique internationale de snoop, game ou kendrick mais quand l'auteur de l'article dit qu'il ne trouve en californie que de la trap, du dirty south et qu'il "est toujours en attente d’un renouveau g-funk, à la manière du retour en grâce du boombap il y a quelques années", faut arrêter de déconner. Si il attend que les grands médias et industries du divertissement musicales lui jettent ça dans le bec, ben oui, il peut attendre longtemps. mais bon dans les 90's (surtout la premiere moitié), le rap fallait aller le chercher, pour le G-Funk maintenant faut faire pareil et c'est bien moins compliqué, y'a le net.