Une fois n’est pas coutume, Houston enfante des talents. Après Travis Scott, la relève semble assurée en la personne de Don Toliver. Même s’il a tout d’un rookie, il concentre tous les atouts d’un professionnel et devient un cumulard, dès lors qu’il s’agit de citer ses succès.
Don Toliver, de son vrai nom Caleb Zackery Toliver, est originaire de Houston. Il grandit dans la banlieue, à Alief, désignée comme le « S.W.A.T » (South West Alief Texas). La musique au coeur, il chérit la Soul et le R&B et se construit à travers des artistes comme Pharrell, Sade, Musiq SoulChild, Kendrick Lamar ou encore Marvin Gaye. Dans le même temps, son père l’abreuve de succès locaux, à l’image des rappeurs Mike Jones et Paul Wall, considérés alors comme deux artistes à suivre.
Mais s’il fallait parler de LA révélation de Don Toliver – celle qui métamorphose autant qu’elle laisse en proie à la prostration – c’est sans doute l’écoute de « Locals Only » par Dom Kennedy, l’excellent rappeur de L.A., qui fut décisive. Enfin, tant dans les inspirations que dans la posture en tant que rappeur, Caleb est admiratif et s’identifie à Dom. Par la suite, il interprète a capella des morceaux, dont ceux de Dom Kennedy et Kendrick Lamar, duquel il retient comme essentielle la mixtape Overly Dedicated.
En 2017, il réalise Playa Familia avec YungJosh93, un ami de Houston. Mais à cette époque, le projet est proche de l’amateurisme et s’assimile à une période de rodage, à laquelle il reviendra cependant lorsqu’il s’agira d’y puiser quelques influences.
Depuis près de deux ans, Don Toliver collectionne les succès. Il les rafle avec discrétion, mais ceux-ci sont loins d’être le fruit du hasard. En 2018, cette ascension soudaine est confortée grâce à une collaboration majeure et époustouflante, sur le titre « CAN’T SAY » de Travis Scott, qui figure sur l’album Astroworld sorti en août 2018.
Sur ce titre, devenu un banger et où il est question des vicissitudes du succès, Don Toliver fait une apparition furtive mais non moins remarquée dans le clip. Flirtant avec les prémisses de la gloire, il devient rapidement le protégé de Travis Scott, au point de signer sur son label : Cactus Jack Records.
La réciprocité amicale entre Travis Scott et Don Toliver n’est plus à prouver, tant les marques d’affections sont manifestes. Dans le biopic Travis Scott: Look Mom I Can Fly produit par Netflix en août 2019 – soit un an après la sortie d’Astroworld – Don Toliver est décrit par Travis Scott comme un talent singulier.
Pour Scott, son poulain ne fait rien comme personne, et il va même jusqu’à déclarer « This kid is, like, he thinking on some whole other shit ». Présent aussi dans le documentaire, Don Toliver ne cache pas son admiration quasi extatique pour Travis. Les ressorts de cette relation s’apparentent à une connexion presque mystique.
Tout porte à croire que Travis a donc misé sur le bon cheval. A chaque nouvelle sortie de projets, Don Toliver marche dans son ombre, comme si les deux frères étaient devenus siamois. Sur l’EP JACKBOYS, sorti en décembre 2019, Don Toliver apparaît sur trois titres sur sept au total, parmi lesquels « WHAT TO DO ? », « GANG GANG » et « HAD ENOUGH » en featuring avec Quavo et Offset. De quoi signer une fin d’année riche en succès.
Car un peu plus tôt déjà, Don Toliver avait dévoilé l’incroyable « No Idea ». Noble morceau aux sonorités japonisantes, celui-ci s’est mue en une météorite virale. Six mois après sa sortie, « No Idea » est propulsé parmi les sujets les plus tendances de Tik Tok.
Le morceau bénéficie d’un effet rebond sans précédent et termine dans plusieurs classements du Billboard. Au plus fort de la tension, « No Idea » occupe alors la 28ème position dans la catégorie « Hot R&B / Hip-Hop Songs » et la 20ème dans la catégorie « Hot Rap Songs Charts ». Aucun doute, le gamin de Houston est à prendre très au sérieux.
Avant de révéler un projet complet, Caleb Toliver avait signé deux titres, « Diva » et « I Gotta », chez Atlantic Records en 2017. Par la suite, il change d’écurie, puisque sa mixtape Donny Womack sera une alliance tripartite entre plusieurs labels. Aussi, se retrouvent sur la production de ce premier projet Atlantic records, Cactus Jack Records et We Run It, avant que Don Toliver ne passe définitivement sous l’étendard Cactus Jack.
Seulement quelques jours avant la sortie d’Astroworld, Don Toliver avait donc dévoilé son premier projet, sous forme de mixtape, intitulée Donny Womack. Cependant, le timing n’était pas nécessairement optimal puisqu’il coïncide pile avec la sortie de « CAN’T SAY », véritable onde de choc signée Travis Scott.
Pourtant, cette mixtape est fondatrice et révèle un haut potentiel. Elle est aussi la déclaration sur l’honneur d’un style oscillant aux confins des influences Hip-Hop, Soul et R&B. De plus, il y a une dimension symbolique, puisque Don Toliver présente cette sortie comme un vibrant hommage à l’artiste Soul Bobby Womack et parle même sans rougir de « spin off ».
De fait, le jeune artiste voue une admiration sans bornes à cet artiste, intrinsèquement lié à son enfance. Comme une évidence, Don Toliver n’hésite pas à préciser au sujet de ce de projet “I went with Donny Womack because Bobby had like a tendency of making records that have a lot of soul, a lot of feeling and emotion, but he always comes on the track hot.”
Aussi, avec Donny Womack, il pose base de ses orientations musicales à venir, à tel point qu’il est rapidement présenté comme un rappeur « Trap-&-B ». Exit le côté soul, donc. D’évidence, ce terme décrit avec justesse l’univers de l’artiste, parfaitement incarné par « Run Up » ou « Talk No More » pour la caution R&B et « Holdin’Steel » et « AMG » pour l’éminence trap.
Jusqu’ici et avant la sortie de son premier album à la mi-mars, il était difficile d’identifier les réalisations de Don Toliver. Néanmoins, la sortie d’Heaven or Hell à la mi-mars a permis d’y voir plus clair. C’était aussi une étape particulièrement attendue, car elle a permis de juger si oui ou non, le jeune artiste s’était libéré de la tutelle de Travis Scott.
Comme un gage de remerciement, Don Toliver a bien évidemment céder une place à son mentor sur cet album. C’est sur le sensuel « Euphoria » en featuring avec Kaash Paige que Travis Scott intervient, toujours sous perfusion auto-tunée.
Déjà découvert sur JACKBOYS, on retrouve l’excellent titre « Had Enough » en featuring avec Quavo et Offset. À mi-chemin entre la soul et la trap, le morceau n’est autre que le sample de « SUMMERS » présent sur The Carters de Beyonce et Jay-Z. C’est donc toujours une occasion supplémentaire de laisser du terrain à Travis.
Dans un style différent et énervé, l’artiste offre un moment survolté et percutant avec « After Party » dont l’atmosphère musicale fait écho aux débuts de Toliver avec Playa Familia. Comme un lion en cage, le jeune premier semble laisser libre cours à sa fureur de vivre dans un morceau où il prend son pied en apparence.
À l’aune de la gloire, c’est aussi un excellent prétexte pour dresser le portrait de sa vie. Ride en McLaren et strip clubs, le succès sera doux. Speed dans son flow comme dans sa vie, Don Toliver dépeint un univers avec lequel il n’a plus de prise.
Bienvenu au royaume d’Hadès ! Même ambiance pour le brillant « Can’t Feel My Legs » où l’on sent la patte de Travis ou encore « No Idea », dans lequel l’artiste confesse « We on a long road to self destruction » et erre dans un bar vide, le regard hagard, alors qu’il se rappelle ses amours rances.
Heaven or Hell est un premier album de très haute qualité. En plus de sa parfaite maîtrise de l’instrumental, Don Toliver se démarque par sa voix aux accents robotiques et son univers hybride, entre Soul et Trap-N-B. Néanmoins, à trop suivre Travis Scott, il pourrait bien devenir l’ombre de lui-même et s’oublier. Car Don Toliver a les moyens d’avancer seul, sans être un clone. Mais l’idée d’une émancipation semble déjà faire son chemin, puisqu’il approche d’autres artistes pour des collaborations et sera présent sur la tournée de The Weeknd, à l’occasion de la sortie de l’album After Hours. Une chose est sûre, Don Toliver est un talent d’exception.
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