Révélé en 2016 avec le freestyle “Fichu”, Django a rapidement créé un engouement autour de son attitude mystérieuse et ses capacités techniques. Ces dernières lui ont cependant porté préjudice car le public s’est empressé de le comparer à un certain Nekfeu. Une comparaison aux premiers abords flatteuse qui va finalement décrédibiliser le rappeur aux yeux de nombreux auditeurs.
Pourtant, l’écriture de Django n’a objectivement jamais eu de rapport avec celle du fennec. Au contraire, le rappeur a développé une technique très parallèle à celle d’un univers beaucoup plus sombre : celui du 667. Dès ses débuts, Django a vociféré des comparaisons cinématographiques et des métaphores en tous genres. Un style qui rappelle forcément celui de Freeze Corleone tout en s’émancipant des formules classiques de l’ego-trip. Malgré cela, Django a été catalogué comme une pâle copie d’autres rappeurs. Une chose qui ne s’est pas arrangée au fil de ses premiers projets, très marqués par l’emo-rap de la génération SoundCloud.
Cinq ans après sa révélation, voici Athanor, le véritable projet attendu de la part de Django. Marqué par une esthétique sombre, ce projet marque un tournant dans la carrière du rappeur. Même si ses influences se ressentent toujours, Django semble enfin avoir trouvé sa pâte à lui. Une identité qui n’est cependant pas parfaite sur le plan musical que nous analysons ci-dessous.
Entre un virage vers l’émo-rap avec Tue moi mon amour, s’il te plaît et un projet clairement inspiré par le 667 avec S/o le Flem, Django a toujours renouvelé sa musique selon ses influences. C’est peut-être ce que l’on pouvait le plus lui reprocher. En recherchant quelque chose de différent, le rappeur s’est perdu dans des copies moyennes de ses influences préférées.
Athanor donne un ton totalement différent. La cover, très sobre et obscure, nous laisse directement deviner la noirceur présente au sein de l’album. Cette dernière s’empare de « Genèse », l’intro du projet qui, comme son nom l’indique, est la définition du renouveau de Django. On découvre une drill électrisante, qui mêle sonorités de guitares avec des chants de guerre. La voix de Django n’a plus l’aspect froid d’auparavant. Elle est maintenant teintée d’une rage qui s’exprime par des intonations plus claires et des ajouts bioniques. L’auto-tune, que le rappeur a peu mis en-avant autrefois, est aussi bien plus présente.
L’univers du rappeur peut vraiment s’apparenter à l’enfer sur terre avec Athanor. Les cinq producteurs du projet, à savoir Flem, Alpraz, Cellulaire, ARCN et Amine Farsi ont bâti une ligne artistique planante et chaotique. L’alchimie entre la brutalité de la drill et des mélodies acoustiques est franchement réussie. On y voit la symbiose entre toutes les influences de Django. Athanor est donc une suite logique pour Django qui, à travers toutes ses tentatives antérieures, a fini par trouver sa pâte.
Pour ceux qui sont restés bloqués en 2016, il faut savoir que Django n’est depuis longtemps plus un gentil freestyler parisien. Son tempérament dépressif, qu’il entretient depuis l’enfance, a ressurgi après sa trop rapide exposition due au freestyle “Fichu”. Aujourd’hui, n’importe quel rappeur en France tend à dépeindre une part de mélancolie dans sa musique. Django de son côté ne se contente pas simplement de raconter ses douloureuses épreuves. Athanor est un véritable outil de guérison pour lui. Ce projet représente sa passion, à savoir l’art, qui lui a sûrement sauvé la vie.
Le suicide est une notion très présente au sein de Athanor. Django en parle d’une façon vraiment macabre en passant par des symboles et des métaphores comme la corde autour du cou ou l’arrivée du fossoyeur. Ce n’est pas une fascination pour la mort mais un juste constat de ses humeurs. Le cœur du rappeur représente ce désespoir en étant comparé à une forêt après un incendie ou à un désert. Mis à part quelques moments d’ego-trip bien tranchants, Django ne laisse aucune place au bonheur. Cela paraît parfois malaisant car on ressent comme un côté forcé dans ce désespoir. Le rappeur aurait peut-être pu trouver un équilibre entre son malheur et son côté ego-trip, histoire de laisser souffler l’auditeur.
Un point nettement plus positif est sa transparence par rapport à sa vie, qu’il cachait énormément par des figures de styles dans son début de carrière, et qui est beaucoup plus mise en avant. On découvre le rôle majeur qu’a eu son père dans sa vie, le respect qu’il porte à son grand-frère et ses folies de jeunesse. Cette introspection nous présente un nouveau visage du rappeur qui s’accorde parfaitement avec la ligne artistique citée plus haut.
Même si ses textes peuvent au fur et à mesure être lassants, la maîtrise de Django est objectivement de haut niveau sur Athanor, son caractère d’écorché vif le poussant à se dépasser. Le morceau “Film” est une démonstration de flows secs et Django ne laisse aucun moment de répit à l’auditeur.
Il extermine chaque production avec une rage naturelle et fait le choix de refrains répétitifs pour accentuer sa souffrance.
Athanor s’inscrit en effet autant dans l’introspection que dans la compétition. Django n’est pas là juste pour témoigner de ses maux mais également pour écraser ses concurrents. Un côté ego-trip qui est bien appuyé par l’aspect sombre du projet.
Les comparaisons ont toujours été une des caractéristiques de Django. Au sein de Athanor, on sent qu’il a voulu réduire leurs nombres pour essayer de plus appuyer l’introspection. C’est une franche réussite car ces dernières participent plus à la compréhension du texte qu’au côté ego-trip. Elles tiennent ainsi un vrai rôle et laissent des images marquantes dans la tête de l’auditeur. On apprend la possible mort de sa mère lorsqu’il se compare à Oliver Twist, sa paranoïa quand il parle de « Englishman in New York » de Sting ou les dures souvenirs de sa jeunesse en s’opposant à la « Bohème » de Charles Aznavour.
Un peu lassant et répétitif sur les bords, Athanor est tout de même un projet sérieux dans sa démarche et important dans la carrière de Django. Le rappeur semble enfin avoir trouvé l’alchimie qui manquait à sa musique et libère une bonne fois pour toute ses désillusions. Et bien qu’il ne soit plus intéressé par la quête du bonheur, son niveau artistique n’a jamais autant rayonné.
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