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DJ Weedim : "Il faut toujours produire plus pour exister"

Difficile aujourd’hui d’écouter du rap français sans entendre parler de DJ Weedim. Devenu incontournable dans le paysage français avec un nombre de collaborations donnant le vertige (Vald, Alladin 135, Alkpote, A2H…), DJ Weedim est aussi célèbre pour ses premières partie de grands noms du rap US comme Snoop Dogg, Migos, ou encore Young Thug. Nous avons donc voulu en savoir plus sur ce producteur aux multiples casquettes et nous l’avons donc rencontré dans son studio basé à Châtelet. Il nous recevra avec le sourire, beaucoup de professionnalisme et une pointe de folie qu’on ne peut lui retirer. Rencontre avec un grand nom du rap jeu français. 

The BackPackerz : Quel est ton premier souvenir de musique ?
DJ Weedim : La première fois que j’ai vu un CD. C’était un CD de U2. 
Et ton premier souvenir rap ?
C’était la compilation Rapattitude, j’étais en Afrique en vacances, c’était le morceau de Tonton David « Peuples Du Monde ». Ensuite j’ai donc découvert NTM, Assassin puis Dee Nasty, grâce à qui j’ai découvert ce qu’était un scratch. J’avais neuf ans à cette époque-là et je n’avais pas accès au câble avec les chaînes cainri, donc je n’étais pas autant avancé que d’autres sur la culture Hip-Hop.
Tu as donc débuté dans la musique par le DJing. Combien de temps t’es-tu uniquement consacré à cet art ?
De mes 20 à mes 30 ans, je n’ai fait que ça. 
Puis qu’est-ce qui t’a poussé à « faire de la musique » ?
J’étais DJ, je kiffais la musique donc logiquement j’ai commencé à en faire. Il n’y avait aucun plan financier derrière cela, c’était juste du kiff. 
Ta rencontre avec Joey Starr a été décisive pour toi. Tu peux revenir dessus ?
C’est vrai qu’à ce moment-là il s’est passé quelque chose. On mixait dans un bar qui s’appelle le Twenty One sound bar à Bastille. Joey y venait souvent car il y a du bon rhum et Joey adore le bon rhum. A cette époque je faisais beaucoup de mixtapes avec des Jamaïcains, des remixes crunk- ragga. Il avait écouté ça et il avait grave kiffé. Il m’en parlait tout le temps jusqu’au jour où il m’a proposé de participer à une de ses compiles, j’ai bien sûr dit oui et je lui ai fait écouté mes morceaux. Voilà comment ça a commencé. Une vraie opportunité est née à ce moment. 
Tu es à la tête de ton propre label : dis nous aujourd’hui tout ce que tu couvres au sein de ce dernier.
On fait aujourd’hui tout ce qui touche de près ou de loin à la musique : de la scène, de la production musicale, du mixage, du graphisme, du vêtement. La vidéo c’est Julius, c’est PTPFG c’est sa boîte, mais de toute façon c’est la même équipe. Nous produisons certains concerts même si on a signé à présent avec un tourneur. La dernière Maroquinerie ainsi que la Cigale à venir c’est nous qui produisons. L’idée c’est vraiment de tout faire nous-même. Ma vision des choses, c’est qu’aujourd’hui dans la musique il faut tout faire. Aujourd’hui on peut vraiment dire qu’on réfléchit les pourquoi du comment, chose qu’à l’époque je ne faisais pas du tout. 

Le label en tant que tel existe depuis combien de temps et combien de personnes le composent ?
Ça fait un an. On est trois associés. Il y a Keurvil, lui c’est le coach, toutes les idées, les graphismes, les concepts viennent de lui et il y a également Mofo aussi sur le graphisme. Moi mon rôle c’est de faire de la musique et de produire des artistes. Il y a des décisions qu’on prend bien sûr ensemble mais les gens qui m’entourent, leur priorité c‘est que je fasse de la musique. Même pour un artiste, ce qui est important c’est que quand il vient faire de la musique avec moi, son équipe parle avec la mienne. Comme ça nous on ne parle pas ensemble de contrat, d’oseille etc. Sinon ça vient casser le truc. Nous on est la pour la musique.
La Boulangerie Française Volume 2 est ton premier album . Qu’est-ce qui t’a poussé à passer sur ce format et ne pas faire une seconde mixtape ?
Le label venait d’être monté, avant ça j’avais fait des projets majeurs avec pas mal d’artistes donc il était temps de faire mon premier album grâce à cette structure. C’est plus de travail car plus de paperasse etc mais quand tu est bien entouré c’est très cool.
Tu offres des collaborations inédites. Comment tu décides des associations ?
Ce que je kiffe c’est faire du son. Je ne peux pas bosser avec des rappeurs que je ne connais pas et que je n’apprécie pas. On traîne ensemble, on passe des soirées ensemble, on est pote. Je n’ai jamais envoyé de beat par mail. L’idée c’est de faire de la musique à deux, ensemble, c’est ma conception des choses. 

Comment ça se passe avec les artistes : tu leur suggères des morceaux et des featurings ou ça se fait naturellement ?
Ça se passe par affinité, on se croise en studio, je propose des choses, je fais écouter et les choses se mettent en place ainsi. Les rappeurs ont encore quelques barrières et on parfois du mal à se mélanger, je suis justement là pour essayer de supprimer ces barrières et de créer ces associations. On y vient tout doucement. 
Y a-t-il des artistes qui ont refusé ton invitation ? 
Non, des choses ne se sont pas encore faites pour des raisons de planning mais c’est tout. Après si un jour un artiste refuse je peux tout à fait comprendre. Ce qui est marrant avec le rap c’est que tout va très très vite. Des artistes que tu ne connais pas le lundi, mercredi tu peux avoir fait un truc mortel avec eux. 

Tu fais des morceaux dans l’ensemble très ambiancant mais tu fais aussi des morceaux plus doux. Tu prends plus de plaisir à produire quel type de son ? 
C’est vrai qu’en ce moment comme on joue beaucoup dans des festivals ou autre, j’ai envie de faire davantage de bangers car j’ai envie de voir les gens s’exploser.  Après un joli morceau ça fait toujours plaisir également. 
Si demain un artiste vient et te demande de bosser sur un projet un peu sentimental, ça t’intéresserait? 
Oui si la musique est belle je ne vois pas de raison de refuser. Faire un album de rap engagé là ça me casserait les couilles. Un combat politique via la musique rap je n’y crois pas. Je sais que c’est l’origine du truc mais on est passé à autre chose. Regarde Joey Starr aujourd’hui il va à l’Elysée il fait Molière alors qu’il y a vingt ans il voulait cramer l’Elysée. Les trucs engagés ne me parlent pas du tout. La politique tout ça c’est pas mon truc de toute façon. 
Certains voient pourtant la trap comme un mode d’engagement…
Bah dans un sens oui. S’en battre les couilles c’est déjà une forme d’engagement. 
Quel est ton processus créatif ?
Aujourd’hui tout se passe à l’ordinateur. Je n’ai pas de formation musicale à la base. Souvent je pars d’un sample, puis je le triture dans tous les sens. En ce moment, la mode de la musique c’est un simple et des drums de bâtards. En plus les BPM se sont accélérés. Il y a deux ans on était sur du 120 BPM aujourd’hui c’est plutôt 160 BPM donc c’est plus la teuf et moi j’adore ça. 
Tu fais des collaborations de prods?
Moi je bosse avec Chapo, sur les drums c’est le boss. Je bosse aussi avec Eisenberg avec qui je collabore prochainement sur le remix de La Boulangerie Française avec 8 remixes electro.
Tu as toujours été aussi productif ? Ou tu as eu des phases down ?
Oui j’ai toujours eu ce rythme. En vrai il a toujours fallu que je bosse pour me débrouiller donc c’est vrai que j’ai été ultra productif. Dans le rap, quand tu es personne il faut exister et donc pousser les murs. Aujourd’hui on fait du consommable, c’est valable pour tout pas que dans la musique. On prend, on consomme puis on jette. La musique pour moi n’échappe pas à la règle voilà pourquoi il faut toujours produire plus pour exister. 

L’indépendance c’est un mot d’ordre pour toi ?
C’est ultra important ! Nous on fait la musique, on la conçoit je ne vois pas pourquoi j’irai la donner à quelqu’un pour la vendre. On fait nos propres vidéos avec nos idées, nos stylistes. Nous faisons vraiment tout nous même ! Une major aujourd’hui ne te file même plus d’oseille elle attend que tu perces ! Regarde ce qu’on entend à la radio. Moi ce n’est pas le format qui me convient. On garde notre truc. 
Il semble que le live soit une finalité pour toi et ton entourage…
Oui à fond, on fait ça pour la scène. Après je pense toujours au souvenir que les gens auront sur les musiques qu’ils entendront. C’est mon état d’esprit quand je produis. 
Comment se passent les tournées ? C’est le bordel où vous êtes très organisés ? 
On part très en forme on rentre très fatigués. On fait la fête tout le long. Après moi je ne bois bas, j’essaye de bien manger et je fais un peu de sport. Après Bifty est dans l’opposé en style de vie mais moi je n’ai plus vingt ans. 
Ton entourage avec lequel tu bosses : Vald , Alkpote… parle-nous de votre relation. 
Ça a commencé en studio et après c’est devenu de l’amitié. Même si on ne passe pas nos vies ensemble forcément des liens se sont créés en studio et il y a eu à chaque fois un bon feeling. 
Comment tu expliques l’explosion de Vald ?
Mon analyse c’est qu’il y a le talent avant tout. C’est indéniable. Déjà sur scène, il arrive, il te fait une heure et demie de show il n’y a pas une erreur. C’est carré de fou. Ensuite je pense qu’il plait aux gens. C’est le petit gars normal qui ressemble à tout le monde. A ses concerts je voyais pleins de petits Vald partout dans la foule. Effectivement, un peu moins de mixité qu’à d’autres concerts de rap. On est dans le pays des étiquettes, du cliché. Il y a 20 ans, un rappeur devait être noir ou arabe, être méchant et venir d’une cité. Aujourd’hui ça a changé avec des Nekfeu et d’autres, mais c’est vrai qu’on peut être un peu surpris par la faible mixité à ses concerts. Je pense qu’il faut demander à un sociologue d’analyser cette situation. Après Vald est en major, ça aussi ça aide. 

Le succès d’estime d’Alkpote ne se voit ps forcément dans les chiffres. Pourquoi Alk, qui a pourtant une belle longévité, n’a jamais connu le destin de Vald ?
A la base, Alk ne voulait pas être médiatisé. Tu sais il y a une récompense aux USA qui élit le meilleur album de l’année selon des professionnels en dehors de toute considération de ventes. Alk il est dans ce truc-là. C’est un méga rappeur ultra technique, les éloges on les connait et voilà… Après Alk n’est pas en major, il est super extrême dans ses propos donc ça a quelque fois bloqué sa carrière. Après c’est le consommateur qui décide, il faudrait faire un sondage dans la street. Ça ne l’empêche pas d’être respecté. Après c’est quoi le bonheur ? C’est vendre le plus d’albums possible ? Dans le rap on ne parle que de chiffre. Ce phénomène tu ne le vois pas dans les autres styles de musique, c’est que dans le rap.  Aujourd’hui vivre de sa musique même si tu ne vends que 200 disques ça déchire ! 

Qu’est-ce que tu n’as pas encore fait que tu aimerais faire demain en musique ?
Rien de spécial. J’attends le nouveau truc qui sera à la mode pour pouvoir m’en inspirer et créer autour de ça.
Comment perçois-tu la dynamique du rap français aujourd’hui ?
Il n’y a qu’à voir la programmation des festivals, aujourd’hui il n’y a quasiment plus que du rap. La musique c’est la jeunesse et les jeunes écoutent du rap. Le rap c’est la nouvelle pop, depuis cinq ans le spectre s’est élargit il y en a pour tous les goûts, y a du rap de ménagère comme du rap de caillera je trouve que c’est bien qu’il y en ait pour tout les goûts.
Tu penses que le rap est enfin accepté dans notre société ?
Ça dépend à qui tu en parles. Il y a ceux qui se font de l’oseille dessus et qui n’ont aucun problème avec le rap et puis tu as ceux qui voient encore ça comme le mal. Tu vois aux USA tu fais écouter du Juvenile à une mamie elle va s’ambiancer direct, c’est culturel. Donc encore une génération en France et on sera sûrement bons aussi.
Quels sont tes projets à venir ?
Beaucoup de choses ! Premièrement le remix de l’EP Boulangerie Française, 7-8 titres remixés par différents producteurs. Le morceau avec Roméo Elvis est remixé en reggae, 13 Block en dub tep… L’album instrumental de La Boulangerie Française Volume 2. Une collaboration avec 2CheeseMilkShake aussi. Mais avant ça au mois de juin, pour les festivals on a l’album tant attendu avec Bifty La Potence qui va sortir. 6Rano qui était sur La Boulangerie Française qui a son EP qui arrive aussi avant l’été…

The BackPackerz tient à remercier DJ Weedim pour son accueil et sa disponibilité lors de cet interview. L’album de DJ Weedim et Bifty La Potence sera disponible le 8 juin prochain et sera défendu sur la scène de La Cigale à Paris le 28 novembre. 
Crédits photos : JuPi

JuPi

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