C’est donc avec sa première sortie Quik Is The Name (1991) que le producteur de Compton lancera cette institution avec ce fameux morceau intitulé « Quik’s Groove ». Une envie simple de la part de Quik de laisser l’auditeur respirer : « J’ai trouvé le beat tellement bon que je me suis dit que je n’avais pas besoin de rapper dessus. Puis j’ai pensé que ce serait bien que finalement chacun de mes prochains albums possèdent un titre comme ça qui permet de se relaxer pendant quelques minutes » (NPR Music, janvier 2015). Un intermède musical qui sera par la suite toujours très attendu par les fans et qui s’imposera comme l’un des rendez-vous phares de sa discographie.
Une discographie qui, soit dit en passant, est certainement l’une des plus complètes et brillantes qu’ait connu la côte Ouest. DJ Quik fait partie de ces producteurs qui possèdent une signature sonore vraiment marquante et reconnaissable dès les premières mesures. Un artiste malheureusement trop souvent oublié dans les classements des plus grands producteurs de la culture Hip Hop, et pourtant souvent adulé par ses pairs, qui occupent ce même classement… Est-ce que J Dilla aurait été le mêm beatmaker sans l’influence de Quik ? Questlove, du groupe The Roots, est lui catégorique dans son dernier podcast : les premiers projets de David ‘DJ Quik’ Blake ont construit par la suite l’identité de l’icône de Detroit.
Ce manque de reconnaissance ne peut finalement que s’expliquer par le manque de gros hits radio dans sa carrière, puisqu’aucun de ses singles ne se sera hissé dans le Top 10 US. Il faut aller chercher du côté du morceau « Addictive », qu’il a produit pour la chanteuse Truth Hurts, pour voir une trace de Quik à ce niveau-là. Un morceau qui atteindra en 2002 la neuvième position du fameux classement de singles Billboard Hot 100. La prod la plus populaire de DJ Quik sera finalement la moins typée West Coast de son catalogue. Un comble ! Sur »Addictive », on est en plein cœur de Bollywood, avec ce fameux sample non déclaré qui vaudra à Aftermath (le label de Dr. Dre) et Interscope un procès monstre, où les plaignants réclameront 500 millions de dollars (un règlement à l’amiable sera trouvé pour un montant plus raisonnable, mais resté secret).
DJ Quik est un peu plus qu’un simple beatmaker : tout au long de sa carrière, il s’est appliqué à enregistrer, arranger et mixer ses compositions, se créant une solide réputation de producteur et d’ingénieur du son. Il est l’homme de l’ombre derrière le double album All Eyez On Me de 2Pac, sur lequel il occupe différentes casquettes (enregistrement, arrangement, mixage), méritant son surnom de Amerika’z Most Complete Artist. Bien que devenu multi-instrumentiste au fil des années, il n’hésita pas à faire régulièrement appel à d’autres musiciens pour agrémenter comme il se doit ses productions. Une science de la production très proche de celle de Dr. Dre, heureusement sans les excès et le perfectionnisme contre-productif du Doc.
Dans une interview avec Scratch Magazine (avril 2005), Quik y explique son amour pour l’enregistrement sur bandes magnétiques, dans un monde qui a basculé dans le tout digital : « Avec les bandes, vous pouvez enregistrer plus fort que le niveau ‘zéro’, contrairement au digital, où l’ordinateur n’accepte pas de dépasser ce seuil et altère de façon horrible votre son. Sur une bande, ce dépassement crée même des distorsions et harmoniques que vous ne pouvez pas retrouver ailleurs, avec l’enrichissement sonore qui en résulte ». Une recherche incessante de la sonorité parfaite qui a bercé nos oreilles depuis le début des années 90.
Dans cette même interview, il partage même des bons conseils que lui a donné Dr. Dre : « Plus vos éléments sont bas dans le mix, plus vous les entendrez distinctement. Les mixes des beats de Dre sont d’une précision chirurgicale, tout est à sa place avec un rendu harmonieux qui donne une puissance rarement égalée dans le milieu ». Les deux collègues se retrouveront d’ailleurs ensemble en studio au début des années 2000, avec comme résultat le mythique hit « In Da Club » de 50 Cent, sur lequel DJ Quik apporta les percussions (kicks et claps). Dans la même période, ils signeront aussi cette collaboration vicieuse répondant au doux nom de « Put It On Me ».
Pour en revenir à notre sujet principal, la série « Quik’s Groove », celle-ci sera majoritairement composée de morceaux instrumentaux, sauf pour deux titres. On retrouve en effet EL Debarge sur le numéro 4 (intitulé pour l’occasion « EL’s Interlude » et confirmé par Quik lui-même comme faisant partie de la série) et le groupe Jodeci sur le numéro 7. On notera aussi qu’il y aura finalement deux « Quik’s Groove 7 », un sur la compilation The Best Of DJ Quik: Da Finale (2002) et un autre, cité précédemment, sur l’album Trauma (2005). Ce second #7 reste pour l’instant le seul titre de la série sur lequel DJ Quik rappe. Pour le « Quik’s Groove 8 », ne le cherchez pas sur la tracklist du projet The Book Of David (2011), puisqu’il est tout simplement caché à la toute fin du dernier morceau de cet album en hide track.
Cette série porte l’ADN musical de DJ Quik, avec ce groove légendaire pioché à la fois dans l’univers funk et jazz. J’avais imaginé un moment faire un classement de ces titres mais avec cinq classements totalement différents en autant de semaines, je me suis rendu compte que départager ces morceaux serait mission impossible, et sans grand intérêt au final. La force de cette série repose sur le côté éclectique, avec juste ce qu’il faut de renouvellement pour ne pas lasser l’auditeur entre chaque épisode. Des influences multiples avec comme point commun cette vibe West Coast, rien de bien étonnant venant de l’un de ses plus grands ambassadeurs.
Plutôt qu’un classement, vous retrouverez donc ci-dessous un mix de 40 minutes regroupant les 9 épisodes de la série, ainsi qu’en bonus le déjanté « Rosecrans Groove », tiré du projet en commun de Quik avec Problem, et qui possède lui aussi toutes les caractéristiques des « Quik’s Groove » : un délire de son 8-bit sur lequel le producteur de Compton reprend pour notre plus grand plaisir des thèmes connus de la culture pop, en commençant par un célèbre jeu vidéo, qui ne sera pas trop difficile à reconnaître…
Les différents musiciens qui ont épaulé DJ Quik sur ces « Quik’s Groove » : Stan ‘The Guitar Man’ Jones (#1 basse, #1 guitare, #4 guitare) – Rob ‘Fonksta’ Bacon (#2 basse, #2 guitare, #3 basse, #3 guitare, #9 guitare, #9 basse) – Warryn ‘The Boy Wonder’ Campbell (#3 piano, #5 basse, #5 guitare, #5 piano) – Charles ‘Chaz’ Greene (#3 flute) – G-One (#3 batterie, #5 basse) – Erick ‘E-Danger’ Coomes (#6 basse, #6 guitare, #7 basse, #7 guitare) – Sam Kininger (#6 saxophone) – D-Loc Walker (#9 batterie) – Preach Balfour (#9 piano).
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