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DJ Elite : « J’adore le studio, c’est là où je me sens le mieux »

La vidéo promo annonçant le tracklist de son projet a fait le tour de la toile depuis une semaine. DJ Elite vient de présenter de la meilleure des manières les contours de son projet à paraître fin mai grâce à une promo des plus efficaces alliant packaging, conception et réalisation. De quoi attirer les curiosités du public, attiré par la liste alléchante d’artistes ayant répondu à l’invitation du producteur. Nous avons donc voulu échanger avec cet artiste aux multiples casquettes pour en savoir plus sur lui: de ses débuts dans la musique, à sa rencontre avec les gars de l’Entourage en passant par ses projets à venir. Sur les murs qui nous entourent, des disques encadrés soulignent les succès de projets comme Destins Liés du S-Crew ou encore Feu de Nekfeu, seuls signes ostentatoires d’un CV déjà bien rempli. Rencontre avec un des personnages les plus influents du rap français.

BACKPACKERZ: Tu débutes très jeune une première carrière de DJ qui t’amène à faire la tournée des clubs un peu partout en Europe et même au Maghreb . Que retiens-tu de cette expérience et quel en est ton meilleur souvenir ? 

DJ Elite: C’est ma toute première expérience devant un public. Je mixais alors devant des inconnus des sons qui n’étaient pas de moi. Mon meilleur souvenir de cette époque restera les personnes que j’ai rencontrées, notamment Gilles Arki qui était mon booker et manager de l’époque et Rémi (DJ Stunt) avec qui j’étais en duo. Puis évidemment, c’est l’expérience en elle-même que j’ai vécu de mes 14 à mes 18 ans en faisant le tour d’Europe mais aussi du Maghreb et même la Chine.  Ce n’était que des clubs, nous étions parmi les plus jeunes DJ d’Europe donc ça intéressait beaucoup les promoteurs de soirées. Faire tourner des petits DJ français, ça attirait énormément de monde. 

Tu es d’ailleurs plutôt un amateur d’électro à la base?

J’étais à fond dans l’électro! J’ai toujours écouté du rap mais quand je mixais c’était de l’électro même si on mélangeait énormément en y ajoutant des drops hip-hop.

Quelles étaient tes références d’alors en électro?

Mon producteur préféré de l’époque s’appelait Klaas. Il faisait de l’électro très énervé, avec des drops de reggae, de rock. C’était fou!

Tu fréquentais les clubs en tant qu’auditeur?

Jamais! Je n’ai jamais aimé cette ambiance que je ne comprends pas. La musique n’est plus l’élément centrale en club où les gens préfèrent y venir pour être vus. C’est aussi pour ça que j’ai arrêté de faire du club en tant que DJ. 

Tu décides alors de suivre une formation d’ingénieur du son à Londres…

J’en avais assez de mixer les sons d’autres artistes et j’avais envie de jouer des morceaux qui m’appartenaient. J’ai d’abord essayé de produire seul devant mon ordinateur mais bien entendu ça n’a rien donné… C’est là que j’ai décidé de partir sur Londres à mes 17 ans et faire des études d’ingé son pour apprendre réellement le son.

Du coup tes premiers morceaux produits étaient plutôt électro?

Tout à fait. Le premier morceau que j’ai produit était un remix électro d’un son de Lenny Kravitz mais tu ne le trouveras pas et si tu le trouves dis-le moi tout de suite (rires)! Maintenant quand je réécoute mes premièrs instrus je pleurs de rire tellement c’est nul! J’avais un pote qui rappait un peu c’est devenu mon cobaye pour mes productions pendant une année environ où tous les jours on se voyait et on faisait du son. Jusqu’au jour où j’ai rencontré un rappeur plus expérimenté et où j’ai commencé à mettre en pratique tout ce que j’avais appris juste avant et c’est là que ça a commencé à bien rouler. 

J’adore le studio, c’est là où je me sens le mieux.

Tu suis également dans la foulée une formation de cinéma? Pourquoi un tel choix?

A mon retour de Londres, je m’inscris dans une formation pendant trois ans mais tout en continuant en parallèle à faire du son. Dans ma tête, comme j’ai ma formation d’ingé son en poche et que j’adore aussi le cinéma, je me dis que je vais faire une école de ciné « au cas où ». A ce moment, j’ai plein de rêves dans la tête, l’envie de faire plein de choses mais je n’ai pas l’objectif de devenir producteur. Le truc le plus important que m’a apporté cette formation est la certitude obtenue que je voulais faire de la musique et pas du cinéma. Ce ne sont pas des années perdues car j’ai appris pas mal de choses mais dans le cinéma tout est trop long… Du temps d’écriture jusqu’à l’étalonnage, il peut se passer des années. J’aime rêver sur une période rapide; lorsque j’ai un ressenti je le mets en musique et j’ai le résultat tout de suite même si ça ne sort jamais. 

Ta sœur Zoé est aussi dans l’image. Tu peux nous en dire un mot?

C’est ma grande sœur, c’est ma meilleure amie, on est tout le temps ensemble, c’est elle qui me dit quand c’est bien ou nul. Elle m’oriente, elle a une bonne vision et du recul. Elle fait un peu de photo et de la réalisation mais c’est surtout une plume incroyable. Ma sœur écrit des pièces de théâtre et des one-man shows et elle est très très douée!

À quelle période rencontres-tu les gars de l’Entourage et par le biais de quel(s) membre(s)? 

J’avais un pote un peu dans le rap qui les connaissait et eux cherchaient un studio pour enregistrer. A ce moment-là on ne peut pas dire que j’avais un studio mais j’avais de quoi enregistrer. Je crois que c’est Deen (Burbigo) et Nekfeu qui sont venus en premier. Nous avions alors bien accroché, ils sont revenus le lendemain avec les autres membres de l’équipe puis les jours suivant… L’alchimie a eu lieu tout de suite. Le premier projet qu’on a signé ensemble c’était Inception de Deen puis Métamorphose avec le S-Crew. Sur ces projets, je m’occupais principalement de l’enregistrement mais je commençais aussi à faire de la direction artistique, essayer d’être le bras droit de l’artiste, offrir une seconde oreille, sans savoir ce que c’est que faire de la réal’. A partir de ce moment-là, nous ne nous sommes plus jamais quittés, nous avons continué à fonctionner ainsi sur tous les projets suivants. Chaque projet, je l’ai construit avec eux et je les aime autant qu’eux. 

A combien de projets sortis à ce jour de l’Entourage (ou de leurs membres) et du S-Crew as-tu contribué?

Je n’ai pas le chiffre exact mais plus d’une dizaine.

Sur l’album Feu de Nekfeu, tu interviens en tant que producteur exécutif sur l’ensemble du projet. As-tu eu ce niveau d’implication sur d’autres projets?

Les deux projets où j’ai vraiment donné toutes ma vie et ma santé c’est le premier album du S-Crew Seine Zoo et Feu. Après on a autant charbonné sur Destins Liés mais sur ces deux projets, il s’est vraiment passé un truc particulier. 

Tout s’est déroulé dans ton studio?

Pour Seine Zoo, on était dans mon ancien studio et pour Feu on l’a débuté dans mon ancien et on a terminé ici. Je suis arrivé ici en 2015, les derniers morceaux de Feu ont été enregistrés ici. 

Tu as déclaré par le passé que ton meilleur souvenir de concert c’était la Cigale avec le S-Crew…

(Il interrompt) C’est toujours la Cigale je te le dis direct! Ça restera à vie celui-là. Je ne sais ce qu’il s’est passé exactement mais on est tous d’accord pour dire que c’est notre meilleur souvenir. C’était notre plus gros concert de l’époque, avec Panama Bende en première partie, c’est la première fois que j’avais ma famille dans la salle. Même entre nous sur scène il y a eu un truc, je pense que c’est aussi lié au fait qu’on ait beaucoup stressé autour de ce concert. Aujourd’hui on a fait des dizaines de zéniths, on a toujours du stress mais c’est incomparable avec ce moment précis. Là c’était la Cigale, le plus gros concert avant celui-là c’était au Pan Piper donc il y avait une vraie marche de franchie avec cette date. En plus cette salle est incroyable, avec ces balcons superbes et cette énergie incroyable qu’avait le public alors. 

La scène c’est une finalité pour toi? 

J’adore le studio, c’est là où je me sens le mieux et j’adore être sur scène mais en équipe. Sur scène solo ça ne m’intéresse pas. J’ai goûté à ce concept où chaque année je pars en colonie avec mes potes depuis dix ans. Ce n’est pas que le concert, c’est tout ce qu’il y a autour. Ce sont des souvenirs de fou gravés à vie. 

Tu entretiens l’image d’un gars plutôt en retrait. Pourquoi ce choix de ne jamais te mettre en avant? 

Ce n’est pas un personnage. Je ne suis pas à l’aise avec la mise en avant. J’y ai goûté avec le S-Crew avec la cover arrière où j’étais solo avec le tracklist. A l’époque je trouvais ça super mais au final je n’ai pas compris l’engouement autour de moi, les gens pensaient que je rappais, personne ne savait vraiment ce que je faisais, je me suis senti alors un peu illégitime. Voilà pourquoi j’ai préféré rester en retrait. Je n’ai pas envie d’avoir cette vie-là où tu ne peux pas aller au restaurant sans que l’on te dévisage. S’il y en a qui me reconnaissent bravo à eux c’est que ce sont des connaisseurs, mais si je peux éviter tout le reste c’est très bien comme ça. 

Le fait d’avoir un projet en ton nom qui arrive, ça te fait quoi ? Tu acceptes cette mise en avant un peu nouvelle?

Je suis mis en avant mais pas plus que ça. Je ne suis pas sur la pochette et il n’y a même pas mon nom donc ce projet c’est moi mais je ne suis pas réellement mis en avant au final. C’est en réalité un vrai travail d’équipe. 

Depuis combien d’années existe ta structure Blackbird et qu’y proposes-tu comme prestations?

Elle existe depuis 2009, je propose des enregistrements, des mixs, de la réalisation, de la production, des arrangements, tout ce que tu peux faire en indé on le fait. On ne le fait juste pas avec n’importe qui. Aujourd’hui j’ai la chance de pouvoir choisir avec qui je veux travailler, ce qui est un luxe. Ne serait-ce qu’avec mon équipe, déjà cela me prend énormément de temps. Il y a tout le temps un mec qui veut enregistrer, sortir un projet et en réalité la priorité leur sera toujours donnée. Quand j’ai le temps et qu’un projet me plaît alors c’est parti. Avant de travailler avec un artiste il faut qu’humainement et musicalement on s’entende.

Ton projet Blackbird rassemble un bon nombre d’artistes issus d’horizons divers. C’est un projet que tu travailles de longue date. Prendre ton temps c’était important pour toi ou c’est que tu es trop occupé par ailleurs ?

Oui et non. Vu que je travaille avec pas mal de monde, dès que j’ai une ou deux journées de détente, je me mets sur mes petits sons à moi. Il y a 4 ans maintenant je me suis dit que j’allais faire mon projet en le postant comme ça sur internet. Plus ça avançait, plus je trouvais ça chaud et j’avais envie d’un faire un truc plus significatif. L’idée a muri sur ces trois dernières années sans avoir de plan fixe et depuis un an je me suis dit qu’il fallait lancer ce projet-là. 

Avant de travailler avec un artiste il faut qu’humainement et musicalement on s’entende.

A quand remonte le plus vieux morceau du projet?

Ce sont les deux tracks d’Aaron Cohen qui ont été réalisés le même jour, il y a trois ans. 

A l’inverse, quel est le plus récent?

Le plus récent c’est le track d’Ormaz et Tortoz sur « Testarossa ». 

C’est avant tout des potes, on sent que tu as voulu faire un projet avec tes amis…

Oui ce sont toutes les personnes que je côtoie autour du BlackBird Studio. Il n’y a pas tout le monde mais il y a une bonne partie de ceux avec qui je kiffe travailler. J’ai déjà au moins une fois travaillé avec chacun d’eux.

©JuPi

Qu’est-ce que tu as voulu apporter avec cet album ?

J’ai voulu mélanger ce que je faisais avec l’univers de chaque artiste du projet. Il n’y a pas de message particulier juste: « Prends-toi le projet et kiffe ».

Quelle couleur as-tu voulu donner au projet ? 

Il y a plein d’ambiances, il y a de la pop folk avec Anaika, des choses plus funk avec Changerz, des bangers avec PLK et Tengo, du chill avec Aaron Cohen ou encore Mariah et Elya. Il y en a vraiment pour tous les goûts. Je voulais que chaque artiste apporte son univers et que ma patte fasse le liant autour d’eux sur le projet. Je trouve qu’au final tout se marie très bien. Ça a été bizarre sur ce projet, comme je l’ai fait sur une durée très longue, il y avait des moments où je n’avais plus de recul sur mon travail et à ce moment-là est réapparu dans ma vie un génie du nom d’Oliver (Drumdreamers), ça fait dix ans que je le connais mais nous n’avions jamais bossé ensemble encore. Je lui fais écouter le projet qu’il kiffe mais sur lequel il me suggère très vite des arrangements. Et là de suite j’ai réalisé qu’il fallait que j’arrête de faire les choses dans mon coin et que j’avais besoin de m’entourer. Je lui ai alors proposé de bosser sur le projet avec moi et du coup il y a certains morceaux qu’il a complètement retravaillé, d’autres où on est carrément parti sur des co-prods comme le morceau « Notting Hill » par exemple. Et ça m’a vraiment débloqué dans le projet, j’ai trouvé quelqu’un avec qui échanger et avec qui je parlais le même langage et pu faire de la musique.

Tu encadres plus particulièrement certains artistes du projets, tu peux nous en dire un mot?

Anaika qu’on produit, c’est un artiste Blackbird et Piment Music. Il a d’ailleurs placé une prod importante puisque c’est à lui que l’on doit « A l’ammoniaque » de PNL. Nous sommes en train de bosser sur son projet folk-world et qui est vraiment lourd et qui devrait sortir autour de la rentrée. C’est un artiste incroyable. Et Ormaz de Panama Bende, on est sur un très très gros projet et là aussi c’est prévu pour la rentrée.

Quelle fut la plus grande difficulté du projet?

De le terminer! Jusqu’à la semaine dernière c’était encore galère. Je n’arrive pas à me dire que c’est terminé. Je peux travailler sur un morceau pendant deux ans pour au final ne rajouter qu’un charley. Donc au final je me suis fixé une date de mastering pour donner une deadline mais sinon je serais encore dessus.

Tu as le syndrome de Némir?

Non lui il est pire que moi. Mais sûrement un peu de perfectionnisme…

Parle-nous de cette promo géniale que tu viens de lancer pour annoncer le projet…

C’est grâce à la cover. J’ai appelé un pote graphiste qui s’appelle Nathaniel Benitah et qui est un véritable génie et qui a tout le temps de supers idées. Je lui ai montré le style de cover que je voulais, un truc qui reprenne les codes de Sgt. Pepper des Beatles. Il m’a fait des propositions et au final j’ai pris quasiment la V1. Les corps des artistes sur la pochette sont tirés de vieilles pubs et c’est à ce moment-là que nous avons eu l’idée des fausses pubs. Au final, on a réussi à sortir cette idée de spots avec les fausses marques affichant les artistes du projet. J’ai ensuite cherché une équipe de réals et je suis rentré en contact avec Nathan et Thomas, ils sont aussi fous que nous, ils n’ont peur de rien! Ces mecs-là nous ont suivis dans nos délires et voilà le résultat.

D’autres clips sont-ils à attendre prochainement ?

Je n’ai pas le chiffre exact mais il y en aura!

Pour conclure, ne penses-tu pas justement que tu rentres dans une nouvelle phase de ta carrière où tu vas accepter d’être un peu plus en avant et où on va enfin entendre parler de toi en tant que DJ Elite et non pas en tant que « DJ de Nekfeu ou de l’Entourage » ?

Pas du tout. Ça ne me dérange pas qu’on dise ça de moi car c’est le cas. J’ai mon reuf qui est au somment et c’est donc normal qu’on dise ça. Après lorsque tout un article ne repose que sur cette idée, là ça me dérange. Je suis à ma place, je suis derrière et je suis très bien.

©JuPi


BACKPACKERZ remercie DJ Elite pour sa disponibilité ainsi que Juliette de Bendo Music pour avoir rendu cette interview possible. 

JuPi

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