On ne l’attendait plus dans ce registre. Après le colérique Disizilla qui faisait suite à l’harmonieux Pacifique, Disiz la Peste réapparaît, changé, comme à son habitude. L’Amour, son 13ème album, est l’apogée de sa deuxième carrière avec un travail de fond millimétré et une liste d’invités ambitieuse. Confectionnée par le très renommée Raegular, la couverture du projet intrigue par sa couleur orangée et sa typographie dissimulée. Disiz y est aussi représenté, de façon discrète. Une première pour celui qui s’est toujours mis en avant sur ses pochettes dans sa carrière.
Le ton est ainsi donné dès le premier coup d’œil. L’Amour est une œuvre intimiste qui fait place à un Disiz apaisé et réaliste sur ses émotions. C’est également un album qui concrétise le virage pris de Disiz avec Pacifique. Avec un grand Lucas V à la manœuvre, l’artiste revient avec un univers teinté de vintage et d’ambiances estivales. Une longue attente qui se justifie dorénavant par un album complet, touchant mais pas absent de défaut.
Quelques craintes ont été portées sur l’annonce de L’Amour. Ce thème aurait en effet pu laisser penser à un concept vu et revu. Disiz est d’autant plus un artiste qui s’est toujours épris d’albums à thèmes avec plus ou moins de réussites (Jeu de société). Cet album ne confirme heureusement pas cette théorie. Le rappeur parvient en effet à parler de l’amour de façon diversifiée. On peut voir d’abord les comparaisons originales qu’il met en place avec les morceaux “Catcheur” ou “Poids Lourds”. Disiz insiste également sur des titres intrigants comme “Emoji Soleil Jaune”, Beaugarçonne” ou “C’est le Love Ma Gueule. L’Amour est cependant le mieux raconté par des histoires de vies réalistes. Le titre “Weekend Lover “ a le potentiel de devenir une nouvelle expression de tous les charognards et “KLIMT – Terminal 2” prouve une fois la qualité du storytelling chez Disiz.
L’Amour n’est pas superficiel chez le rappeur. Ses liens amoureux et familiaux sont implicitement racontés tout au long de l’album, où l’on ressent vraiment l’affliction du rappeur. La plupart des textes manque néanmoins de fond à l’image du titre “All In” et ses phrases prévisibles. En voulant trop privilégier la ligne artistique, le rappeur a mis de côté l’importance des paroles. Le titre “Rencontre” laisse particulièrement un sentiment de gâchis avec ses changements d’ambiances très calculées pour plaire à la génération Tik Tok. Une stratégie payante puisque le morceau est numéro un des charts en ce 5 avril 2022. Il est clair que Disiz à chercher à faire parler son cœur par la musique et non par les textes dans ce treizième album. On peut reconnaître par là un homme qui a su s’adapter à son temps et surtout au public rap.
A 24 ans, Lucas V se voit élargir un grand panorama pour son avenir, lui qui n’avait pour l’instant “que” produit un morceau pour Rohff et une production pour le COLORS de l’humoriste Fary. Le jeune parisien a en effet composé la grande majorité de L’Amour et voit le single “Rencontre “ le propulser au sein du mainstream français. Un vrai coup du destin.
Des synthés des 80’s de “Beaugarçonne” aux rythmiques atmosphériques de “Catcheur”, Lucas V oriente l’auditeur dans un univers tournant bien plus à la variété française qu’au rap. L’exemple le plus visible serait “DISPO ?”, sorte d’un remix d’un morceau de La Femme à la sauce rap. Le pari est réussi car dans l’ensemble aucune des productions de l’album n’est similaire et l’ennuie disparaît avec. Le producteur se distingue néanmoins le plus par l’utilisation d’instruments classiques comme le violoncelle de “Poids Lourds” ou le piano de “Sublime”.
L’alchimie avec Disiz est probablement la grande satisfaction de ce projet. Sur les refrains notamment, le rappeur franchit un cap en apportant des variations dans sa voix. Les choix artistiques de Lucas V sont aussi déterminants pour Disiz qui retrouve une deuxième jeunesse. Nul doute que le producteur trouvera sa place avec d’autres grands interprètes à l’avenir.
Les invités de L’Amour ont tous étés conviés pour la première fois par Disiz. Un choix qui rentre en corrélation avec la volonté de se renouveler. Hormis Damso, les invités sont tous issus de la nouvelle variété française avec Yseult et le méconnu Archibald Smith. Chaque collaboration tient un rôle important au sein de L’Amour : la polyvalence.
Avec Archibald Smith, Disiz reprend des codes de l’Afro Swing pour livrer le morceau le plus dansant du projet. Son acolyte apporte une fraîcheur nécessaire à l’album après les trois premiers morceaux axés sur la voix nonchalante de Disiz. Yseult, qui occupe une place importante dans la chanson française, s’accorde elle l’un des passages forts de L’Amour avec “Catcheur”.
Le cas Damso est lui un peu problématique. Très présent ces deux dernières années en featuring, le Belge apporte un côté trash qui manquait beaucoup à la thématique de l’album. Son refrain est cependant trop en marge de l’album et sert uniquement de transition avec le passage ensoleillé de Disiz pour conclure le morceau.
En éternel phénix du rap français, Disiz guérit également ses blessures avec L’Amour. Cette treizième œuvre est une grande réussite dans sa production et dans son identité visuelle. Elle conclut également le parcours d’un homme à la recherche d’une fraîcheur artistique depuis Trans-Lucide et débute une nouvelle ère. Celle de la variété, de la retraite, d’un retour au rap cru ? Nul ne peut anticiper Disiz et que cela reste ainsi.
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