Depuis ses débuts, Denzel Curry cultive la notion de collectif et persiste à développer sa musique avec ses plus proches sbires. Sa trajectoire semée d’embûches tend à dévier vers une carrière en solitaire, malgré l’appartenance à son nouveau crew C9. Grâce à son album Imperial, le natif de Carol City s’est imposé comme l’une des révélations Hip Hop de l’année 2016, ce qui lui a valu une place largement méritée dans les XXL Freshman. Avant la seconde venue de l’artiste à Paris le dimanche 11 décembre, The BackPackerz vous propose un focus sur l’étoile montante de Miami.
Né d’une mixité bahaméenne et américaine, Denzel Rae Don Curry nous vient du quartier de Carol City, dans le comté de Miami (le plus au sud de la Floride), connu entre autres pour nous avoir sorti Rick Ross. Très tôt, le bambin traîne dans les bonnes vibes. Ses parents, camionneur pour son père, gardienne dans un stade pour sa mère, écoutent beaucoup de musique et glisseront aux oreilles du jeune Curry : Funkadelics, Marvin Gaye ou encore Outkast… L’enfant, émerveillé par les samples et le boombap, plonge dans le Hip-Hop, apprend la poésie à l’école et vers ses 12 printemps, commence à gratter ses premiers brouillons.
À l’âge de 15 ans, le rappeur décide de partir à l’aventure et se retrouve dans un club à Miami, le Boys & Girls Club. Denzel y croise la route de Primi, qui va jouer à la fois le rôle d’ami et de concurrent. Plutôt doué dans son exercice, Primi apprend l’art du rap à Denzel mais se fait défier en battle par son propre poulain, une première fois, une deuxième fois, puis une troisième… Curry perd à chaque fois, ce qui forgera la tête brûlée du rappeur encore méconnu et qui se fait à l’époque appeler Aquarius’Killa .
Remis de cette mésaventure, Denzel Curry reste un élève studieux et se donne pour objectif d’être diplômé d’un équivalent bac design, qu’il obtient en parallèle de ses premières mixtapes. Il continuera même son cursus en école supérieure à la DASH (Design and Architecture High School) de Miami. Mais la situation devient compliquer lorsque ses parents se séparent. Dans la tourmente, Denzel se fait virer de l’université et c’est à ce moment précis que son avenir commence à se dessiner.
Certain artistes doivent leur carrière à un simple détail, une rencontre . Celle de Denzel prend un tournant en 2011 lorsqu’il entend parler, par l’un de ses proches amis, du rappeur producteur SpaceGhostPurrp. Créateur du collectif Raider Klan, SGP est une rampe de lancement incontournable de l’underground floridien, en particulier sur Miami. Par son flow travaillé à la Three 6 Mafia, Denzel Curry, encore dans ses phases de lycéen designer, intègre progressivement le label Raider Klan Records. Il se fera même surnommer Little Lord Infamous, rien que ça…
Avec le Rvidxr Klvn, Denzel Curry (avec la casquette blanche et noire) va faire la rencontre d’autres rappeurs de Miami notamment Yung Simmie, son plus fidèle compagnon, Xavier Wulf ou encore Pouya, celui qui filme et organise le freestyle ci-dessous. Une année plus tard, Curry sortira sa seconde mixtape nommé King of the Mischievous South, Vol. 1, ce qui lui vaudra d’être entendu à plus grande échelle (par les fous furieux d’Odd Future notamment), d’acquérir une notoriété certaine et d’enfin voir plus grand.
Tout allait bien dans le meilleur des mondes, les copains de Miami commençaient à faire leur trou et une réelle alchimie commençait à s’établir. Cependant, une affaire va mettre la Floride et l’Amérique entière à feu et à sang pendant des mois lorsque le jeune Trayvon Martin, âgé de seulement 17 ans, se fait abattre à l’arme à feu dans un quartier résidentiel de Miami le 26 février 2012. Denzel Curry, né 11 jours après Trayvon, voyait alors un ami d’école, un fan qui écoutait sa musique, disparaître sous les balles d’une triste bavure policière. Ce tragique événement pousse Curry à politiser davantage ses textes, à l’image de son aîné Tupac lorsqu’il sentait cela nécessaire. C’est de ce dernier dont s’inspire Curry pour sortir sa troisième mixtape Strictly for My R.V.I.D.X.R.Z., entièrement dédié à Trayvon Martin. Le rappeur justifie l’engagement et l’inspiration dans une interview pour Complex :
« I wanted to do the same thing for my tape. I was talking about Trayvon Martin because that’s fucked up what they did to him and he still hasn’t had no justice for that. »
Quelques semaines s’écoulent, la tension s’apaise sur la Floride. À côté, l’aura du Raider Klan s’étend jusqu’à New-York, SpaceGhostPurrp s’acoquine avec le A$AP Mob, en particulier A$AP Rocky. Les deux collectifs sont en phase de lancement. Rocky kicke sur des prods de Space et lâche des « Purple Swag », « Pretty Flacko » ou encore « Goldie » qui affoleront rapidement le rap game, à la recherche d’une nouvelle génération. Problème, c’est cette dernière track qui va foutre en l’air l’idylle entre les deux clans avec une sombre histoire de textes volés. La suite de l’histoire se passe de commentaires, des suspicions d’agressions, des insultes à foison par média interposé et même un fight (et des tirs…) après un show du A$AP Mob à Miami un soir de novembre 2012.
Durant une année, Denzel Curry va travailler dans l’ombre du collectif. La mort de Trayvon et les péripéties du Raider Klan font cogiter ses neurones. Comme pour Xavier Wulf (autre membre du RK) avant lui, il décide de quitter le collectif courant de l’année 2013.
Dans la foulée, son premier album Nostalgic 64 est disponible dans les bacs et rencontre un relatif succès dans l’underground notamment par l’énorme banger « Threatz » en featuring avec Yung Simmie, toujours membre du crew à l’époque, et le fils de Shaggy, Robb Bank$.
Néanmoins, son ascension toute tracée va de nouveau prendre un coup de couteau dans le dos lorsqu’en mars 2014, l’un de ses frères est à son tour victime de violence policière et décédera à la suite d’un coup de taser, soi disant, mal effectué. Denzel tombe très vite dans une longue dépression.
Heureusement, sa force de caractère l’incite à ne pas laisser tomber et de créer, toujours créer. Il bosse sur un deuxième album 32 Zel/Planet Shrooms qu’il décide de scinder en deux parties : l’une dans la veine dans le plus pur « style Curry », l’autre plus expérimentale. Ce nouvel album est accompagné d’un personnage post-dépression : Ultimate ou ULT Denzel Curry, référence à la track 4 de l’album mais qui fait essentiellement suite à sa rencontre avec Andre 3000, qui l’a visiblement beaucoup aidé dans cette période difficile.
C’est également au cours de cette dépression que le rappeur fera la rencontre de deux managers, Rees Escobar et Mark Maturah, créateurs d’un collectif nommé Cloud 9. Les deux collaborateurs aident Denzel à traverser cette période difficile et lui proposent de rejoindre le crew « seconde génération » qu’ils vont rebaptiser C9. L’objectif étant de créer un groupe de rappeurs et producteurs dont le talent et la créativité ne font qu’un. La preuve ci-dessous avec ce très bon « 2055 BET HIP HOP AWARDS C9 CYPHER »
En compagnie de ses nouveau potes, Denzel Curry décide de jouer le jeu C9 et ULT à fond. Clin d’oeil, ULT Denzel Curry se coiffe de 9 dreads sur la tête et devient plus reconnaissable, une façon de se démarquer et de se faire remarquer. Après plusieurs essais plus ou moins réussi, notamment sur la track 6 Billion Dollar Nigga qui reste un échec retentissant, ULT Denzel Curry met en ligne LA track qui va faire la renommée de Raven Miyagi. Le morceau « Ultimate » et son refrain enragé devient le fond sonore « ultime » à mettre sur les mème Vine dit « I am the one ».
La transition avec son dernier opus Imperial sorti en début d’année 2016 est désormais évidente. Première piste, le son est nommé « ULT » et envoie, une nouvelle fois, une claque au monde du rap. Le nouveau Denzel se paie désormais des featurings avec Joey Bada$$ ou son compère de Carol City, Rick Ross. Début d’été, il envoie même une petite pique aux rappeurs underground dans un tweet désormais supprimé.
« I’m no longer working with nobody from the underground
Shit wack as hell now »
Au delà de ce coup de gueule et bien qu’il ne souhaite pas faire machine arrière avec le Raider Klan, Denzel Curry se montre quand bien même ouvert aux collaborations avec les membres ou ex-membres du crew, pour lesquels il a toujours de l’estime. Au point même qu’il commence à re-fréquenter son ex-producteur SpaceGhostSpurrp après une série de clash très violents en début d’année 2016, après que ce dernier se soit moqué de la mort d’A$AP Yams. Mais SPG semble s’être depuis racheter une conduite et la unreleased track avec A$AP Rocky, postée directement sur la chaîne Youtube du A$AP Mob, va dans ce sens.
Après le succès commercial et critique de son premier album Imperial, Denzel Curry peut désormais ambitionner la carrière dont il a toujours rêvé, en solo et avec le collectif C9. Contrairement à ce à quoi il a été habitué lorsqu’il évoluait dans l’underground, toutes les lumières seront désormais braquées sur lui pour son prochain album, que nous sommes beaucoup à attendre de pied ferme.
En attendant la sortie de ce futur album, on vous propose une playlist de 10 featurings pour (re)découvrir le Denzel Curry du passé et du présent.
En concert à Paris le dimanche 11 décembre, la tornade Denzel Curry va faire trembler les sols de la Bellevilloise pour un show qui s’annonce mémorable. En partenariat avec Allo Floride, The BackPackerz vous permet d’assister à la seconde venue du rappeur en terres parisiennes. Le concert affiche d’ores et déjà complet, c’est l’une de vos dernières possibilités d’assister au concert.
Pour tenter de remporter vos places pour cette soirée, rien de plus simple :
Le tirage au sort aura lieu le 09/12. Le gagnant sera prévenu par e-mail.
Crédit photo : Kopeto
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