BACKPACKERZ : Quels sont les premiers souvenirs de rap que tu as en tête ?
Coelho : J’ai été confronté au rap très tôt dans ma carrière par mon frère qui a trois ans de plus que moi. C’est 50 Cent quand j’étais en primaire qui m’a marqué en premier. Ensuite je suis rentré en sixième, une période durant laquelle mon frère et ses potes rappaient dans le garage de mes darons. C’est là que j’ai fait posé mes premiers seizes et que j’ai commencé à manier des instruments de studio.
Tu est donc plus issu d’une époque old school que d’une époque trap ?
Je suis né en 1995 donc on va dire que l’ère du rap français de 2005 fait partie de mes premiers souvenirs. Je pense à La Fouine, Salif, Sniper ou Rohff. La trap est arrivée après que je me suis mis à écouter du rap donc je pense être influencé originellement par une école old school. Je suis aussi beaucoup influencé par le R&B contemporain avec des artistes comme Solange, Chris Brown ou SZA.
Tu as sorti le très bon Odyssée en 2020. Est ce qu’il y a une forme de regret sur ce projet par rapport au Covid ?
Forcément cela a chamboulé nos plans car on avait une tournée et une release party de prévu. Mais je pense que ça a chamboulé la vie de tout le monde en fin de compte. On a fait de notre mieux pour que cela ne devienne pas un handicap pour le projet. On a réussi à avoir une bonne promo à distance et on ne s’est surtout pas arrêté de faire de la musique. Il fallait vraiment rester endurant pendant cette période pour éviter de se perdre.
Tu reviens avec une trilogie commencée en 2021 avec , comment as tu voulu construire cette dernière ?
A la base c’était pour avoir un rythme de sortie régulier. Je voulais faire trois projets de cinq titres pour arriver à la fin à un quinze titre au final. J’ai sorti un premier volet comportant cinq titres mais cela m’a un peu frustré. J’en ai donc rajouté sept sur ce deuxième volet. A travers cette trilogie j’avais envie de raconter la routine qui s’installe dans un quotidien malheureux. Les EPs racontent ce sentiment d’attente d’un avenir meilleur, qui rend ainsi tes journées plus longues.
Que représentent ces toilettes que tu mets en scène sur la cover de ce deuxième volet ?
Sur la cover du premier volume je représentais le réveil et donc logiquement avec ce deuxième volume je représente l’instant de la toilette matinale. Ce sont vraiment des instants classiques d’une routine en fin de compte. Je ne voulais pas imaginer ma routine par des moments plus évidents comme lorsque je vais en studio. Je voulais plus représenter quelque chose de commun pour parler à un maximum de personnes.
Avec cette trilogie ambitieuse, te sens-tu à un moment décisif dans ta carrière ?
Je pense que chaque projet est une pression conséquente. C’est néanmoins sûr que le prochain projet risque d’être encore plus décisif. Je ne pense jamais à m’arrêter, j’espère juste pouvoir en faire plus à chaque projet.
Ce projet symbolise ainsi la monotonie. Est-ce ta plus grande peur ?
C’est quelque chose dont j’essaye de sortir à chaque fois que j’entre dans une routine. J’ai fait beaucoup de taff alimentaires et j’avais vraiment du mal à rester longtemps dans ces derniers. Le manque de passion dans ces emplois peut provoquer une routine déprimante sur le long terme. La seule routine qui ne me frustre pas est celle de la musique bien qu’elle peut être difficile parfois. C’est un style de vie ou tu te sens libre même si tu dépends énormément de toi et du succès de ta musique.
La notion du travail revient en effet beaucoup dans ta musique. Quelle vision as- tu de ce monde ?
Je n’aime pas ce monde effectivement. Je pense que les gens aiment plus l’argent qui découle de leur travail en grande majorité. Il y a des tas de personnes dont des connaissances à moi qui exercent des métiers qui ne les passionnent point mais qui leur rapporte beaucoup. Tout le monde n’a pas envie d’être auto entrepreneur, de prendre des risques donc c’est quelque chose que je peux comprendre. Moi c’est vraiment tout ce que je n’ai pas envie de faire de mes journées. Je ne suis pas anti-travail, je veux simplement vivre grâce à ma passion. Si un jour je n’ai pas le choix je retournerai travailler comme tout le monde. J’espère que ce jour n’arrivera jamais.
La musique est ainsi devenue ton travail. Est-ce qu’elle t’a éloigné de certains proches comme tu l’évoque à certains moments dans ta musique ?
Évidemment car tu prends un chemin différent des autres et tu vas vers des ambitions plus atypiques. C’est un peu comme lorsque tu finis ton parcours scolaire. Chacun prend son chemin et tu finis donc par t’orienter vers des gens qui ont les mêmes goûts que toi. Cette routine de la musique m’a donc conduit à moins sociabiliser et à adopter un chemin différent des autres.
On retrouve souvent un aspect cinématographique dans ta musique avec des références culturelles faites dans tes clips et tes paroles. Cet univers est t-il très important dans ton processus créatif ?
Il y a beaucoup de films ou j’essaye de trouver des réponses et ou parfois je les trouve. Cela a donc clairement un impact sur ma vie et mon écriture. Je ne pense pas être aussi torturé que des personnages que tu peux trouver dans Taxi Driver ou Requiem for a Dream mais cela peut m’ouvrir l’esprit sur ma vision des choses et ainsi influencer ma musique.
Tu est l’un des premiers rappeurs à collaborer avec Tuerie. Comment s’est déroulée cette collaboration ?
Je l’ai découvert comme un peu tout le monde avec Bleu Gospel l’an dernier dans des storys de Neefa et Mehdi Maizi. J’ai vu qu’il était signé sur le label de Luidji donc je me suis dit que c’était de bonne augure. Et effectivement je me suis grave pris le projet que j’ai trouvé unique. Je ne sais plus de quelle manière mais on a commencé à se follow sur insta et ensuite les choses se sont enchaînées. On a beaucoup échangé musicalement et il a compris dans quelle axe je voulais orienter ma musique. Il a voulu donner une part de soi dans ce featuring et il l’a franchement bien fait. Le thème du morceau est d’accepter nos démons intérieurs tout en avançant dans la vie. On s’est bien complété sur le sujet et je suis très fier de ce morceau.
Quel est ton lien avec ipndgo, qui est présent sur ton nouveau projet et qui est aussi un rappeur nantais ?
C’est un gars à moi qui chante depuis peu en français. Il a vraiment une belle voix et j’adore ce qu’il propose, on travaille ainsi avec lui et mon reuf. Je l’ai même amené à signer chez Tunisiano comme moi. Maintenant on est en équipe de travail réduite avec lui et on essaye de le pousser au maximum. Son prochain projet est prêt, on prépare les clips avec lui actuellement.
Quelle est ta vision du rap à Nantes actuellement bien que tu ne revendique pas spécifiquement que tu viens de là-bas ?
Je revendique la ville sur les réseaux sociaux mais je n’ai jamais éprouver le besoin de le faire à travers ma musique. Dans mes paroles on peut comprendre que je ne viens pas de Paris et je montre parfois dans mes clips la ville mais ça ne va pas plus loin. Sinon je pense que Nantes va s’améliorer avec les nouveaux studios qui sont mis en place comme celui de Krumpp . Il y a aussi une bonne base de rappeur avec Roots Wayne, Heskis, Vadek, Fullbaz et Don Max qui sont pour moi ceux qui peuvent le mieux réussir. Je trouve que la scène n’a jamais été aussi solidaire également. Elle se professionnalise aussi de plus en plus.
La suite, tu l’envisages comment ?
On va essayer de défendre le projet à fond en concert sur la deuxième partie de l’année, c’est-à-dire à partir de la rentrée prochaine. On va ensuite commencer à travailler sur le troisième volet qui ne sortira pas avant 2023. J’ai envie de prendre le temps de bien faire les choses et d’aller au bout de mon idée originelle.
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