Close Counters : une invitation au voyage entre son et mouvement
Véritable condensé d’énergie et de groove, le duo australien Close Counters repousse les frontières du son avec Lovers Dance Academy, un album conceptuel où la musique devient un espace de libération collective. Nés d’une rencontre fortuite et portés par une alchimie musicale unique, Allan et Finn façonnent un univers où broken beat, house et soul s’entrelacent pour une expérience immersive, amplifiée par des visuels soignés et une philosophie de partage. Entre inspirations jazz et rythmes percussifs, Close Counters célèbre la danse comme un langage universel, unissant clubbers et musiciens autour d’une vibration commune. Entrevue avec le duo !
Pour notre public français qui ne vous connaissez peut-être pas, pouvez-vous retracer les débuts de Close Counters ?
Close Counters est né en 2013, alors que nous avions respectivement 16 et 18 ans. Tous deux pianistes depuis l’enfance, nous venions pourtant de parcours musicaux très différents. Allan évoluait dans des groupes de rock indépendant au lycée, tandis que Finn explorait le folk à l’accordéon. Très vite, on s’est plongé dans l’expérimentation avec des synthétiseurs et des drums machines sur Logic Pro.
Nous nous sommes rencontrés pour la première fois lors d’un concert du groupe The Scientists of Modern Music, on a tout de suite accroché. Peu après, nous avons commencé à faire de la musique ensemble, en expérimentant différents genres et en explorant ce qui nous ressemblait.
Quelle place prend l’esthétique visuelle dans vos projets ?
Les visuels et les lumières sont une composante essentielle de notre façon de donner vie à notre musique. Nous adorons utiliser tout un ensemble de lumières et visuels qui correspondent à l’énergie de notre son, pour rendre chaque concert immersif.
L’objectif est de plonger le public dans une expérience totale — que ce soit à travers la musique, les visuels, ou la combinaison des deux.
L’album est décrit comme un concept autour d’un club ou un collectif réunis autour de l’art. Qu’est-ce qui a inspiré l’idée d’une Lovers Dance Academy comme collectif fédérateur ?
LOVERS DANCE ACADEMY est un album conceptuel qui imagine un club ou un collectif artistique œuvrant à la construction d’un monde meilleur. Il représente à la fois une métaphore de la puissance de l’énergie collective dans la musique dance, capable de donner vie aux personnes, et une réalité concrète de cette énergie à travers le collectif qui se cache derrière l’album de Close Counters.
Dance Academy se présente comme un lieu d’apprentissage aux contours flous, qui maintient délibérément un voile de mystère et de fascination.
À quel moment les premières idées ont-elles émergé ? Pouvez-vous nous raconter l’histoire de la création de l’album (collaborations et enregistrement) ?
Nous avons démarré le processus créatif en partageant nos idées dans différents studios, en expérimentant des sons et des textures pour trouver la signature du projet. Une fois les bases posées, on a verrouillé le groove avec de la batterie et de la basse live, avant d’ajouter des couches de percussions pour apporter plus de mouvement et d’énergie.
Les voix sont arrivées en dernier, en mixant des parties solo et collectives pour sculpter la dynamique et l’émotion. Le tout s’est construit de façon ultra-naturelle, chaque couche se nourrissant de l’énergie de la précédente.
Chaque morceau semble représenter une étape différente de la libération personnelle et collective. Pouvez-vous nous guider à travers le voyage proposé dans l’album ? Est-ce que c’est lié à votre propre libération en tant qu’artistes ?
Chaque morceau de l’album est une confession sur les évolutions de la vie et de l’amour. « Freedom We’re Needing », « Feeling Takes Over Me » et « On The Move » explorent le désir profond de liberté à travers le mouvement.
Les titres « Waiting All Night » et « Constant Love » proposent des récits plus personnels du voyage amoureux. « I’ll Be There For You » représente un message collectif d’entraide et de soutien, destiné à élever celles et ceux qui nous entourent ou qui traversent des moments difficiles.
Les morceaux instrumentaux « Dusk » et « Waterfall » apportent des nuances plus subtiles au thème général, en se concentrant davantage sur la musicalité que sur les paroles.
Comment vous voyez cet album par rapport à la série SOULACOASTA ? Est-ce que ça représente une évolution de votre son et votre univers ?
Cet album marque une rupture avec SOULACOASTA 1 et SOULACOASTA 2, qui étaient davantage construits sur des samples et entièrement instrumentaux. Cette fois-ci, nous avons adopté une approche plus organique, intégrant des voix sur presque tous les morceaux et faisant intervenir le groupe live qui nous accompagne sur scène.
Ce projet représente une évolution naturelle de notre son — insufflant plus d’énergie humaine, de collaboration et de profondeur à la production, tout en conservant le groove et les fondations rythmiques qui nous caractérisent.
Inspirations musicales et palette sonore
Quels sont les artistes qui vous ont inspiré pour Lovers Dance Academy et comment ils vous ont inspirés à façonner la touche sonore de l’album ?
Pour Lovers Dance Academy, nous avons puisé notre inspiration auprès d’une palette d’artistes variés qui ont façonné notre approche du rythme, des textures et des arrangements vocaux. Les pionniers de la house comme Masters at Work, Louie Vega, Kenny Dope et Dave Lee ont influencé notre façon de placer les voix au centre, leur permettant de s’élever avec aisance sur des productions riches et rythmiques.
Parallèlement, nous avons été inspirés par l’énergie brute et live de groupes comme SAULT, apportant une dimension plus organique et dynamique à l’album. Les vocalistes de Girls of the Internet et Dames Brown ont nourri notre approche des harmonies superposées et d’une expression vocale travaillée.
Les rythmes complexes et les sensibilités jazz des collectifs broken beat comme Bugz in the Attic, Kaidi Tatham et Jazzanova nous ont poussés à explorer de nouveaux territoires rythmiques.
Singles et narration
Les singles “Freedom We’re Needing”, ”Feeling Takes Over Me” et ”On the Move” explorent tous le désir de liberté à travers le mouvement. Alors que ”Waiting All Night” et ”Constant Love” sont décrits comme des récits personnels sur le parcours de l’amour. Quelles expériences personnelles ont inspiré ces morceaux ?
L’un des aspects les plus passionnants de la collaboration avec un groupe de vocalistes diversifié·e·s réside dans les perspectives uniques et les expériences vécues qu’illes apportent à chaque morceau. Bien que nous ne puissions pas parler directement au nom d’Allysha, Jace, Shiv ou Lyric Jones, des fils conducteurs thématiques traversent clairement ces chansons — l’amour, la passion et la libération.
Des titres comme « Freedom We’re Needing », « Feeling Takes Over Me » et « On the Move » incarnent un désir collectif de liberté, exprimé à travers le rythme et le mouvement. Parallèlement, « Waiting All Night » et « Constant Love » explorent des récits plus personnels du voyage amoureux, reflétant son intensité, sa persistance et sa profondeur émotionnelle.
Écosystème musical collectif
Vous êtes tous les deux impliqués dans d’autres groupes comme, 30/70, XPress Point ou encore Turbo Chook. Comment naviguez-vous entre ces collectifs/groupes et comment s’influencent-ils et se nourrissent-ils mutuellement ? D’autres projets que vous voulez citer ?
Chacun de ces projets évolue dans son propre univers sonore distinct, ce qui leur permet de s’inspirer mutuellement sans se superposer ni entrer en concurrence. XPress Point explore une esthétique dream-soul des années 80, tandis que Turbo Chook plonge dans une musique électronique énergique et décalée.
Ce contraste sonore maintient la fraîcheur créative et garantit que chaque projet conserve son identité tout en influençant leurs approches artistiques respectives.
Au-delà de ces groupes, Finn a sorti son premier album solo de jazz, Dawn is a Melody, chez Mr Bongo l’année dernière, révélant un côté plus introspectif et improvisationnel de son art. Allan a travaillé comme producteur pour des artistes comme FELIVAND et Wallace, apportant son sens du groove et des textures à leur musique.
Finn est également designer graphique sous le nom de Piewack, ayant créé des visuels pour des artistes tels que Hiatus Kaiyote, Ella Thompson, The Teskey Brothers, et bien sûr Close Counters. Chacun de ces débouchés créatifs nourrit leur projet, les maintenant en constante évolution et affinant leur son.
L’alchimie musicale de Melbourne
La scène australienne broken beat/neo-soul/house semble en effervescence ces derniers temps. Comment voyez vous cette évolution de votre côté ?
La scène australienne du broken beat explose littéralement, et c’est super excitant de voir ce mouvement prendre de l’ampleur. La compilation They’re Energised d’Allysha pour Co-Op capture parfaitement cette dynamique, réunissant Close Counters avec des artistes comme Setwun, TOTEK, Kuzco et Ziggy Zeitgeist.
La scène bouillonne d’énergie et de nouvelles sonorités, avec une vraie communauté artistique qui se pousse mutuellement. Pour nous, c’est l’aboutissement d’une évolution naturelle. Ces genres gagnaient en popularité depuis un moment, et là, on assiste clairement à leur grand décollage, avec de plus en plus de monde qui accroche !
Votre scène ressemble davantage à une grande famille musicale qu’à un environnement compétitif. Pouvez-vous nous expliquer l’esprit de collaboration entre vous ?
Oui, il y a vraiment cet esprit de famille dans notre scène. La collaboration repose sur le partage et le soutien mutuel, plutôt que sur la compétition. Chacun·e est sincèrement enthousiaste à l’idée de voir les autres évoluer, et cette dynamique crée une vraie émulation collective.
On se pousse constamment à explorer de nouvelles idées et sonorités, que ce soit en collaborant sur des projets, en échangeant en studio ou en se soutenant sur scène. L’énergie est toujours ouverte et inclusive, avec cette volonté de bâtir quelque chose ensemble.
Résonance mondiale
Des curateurs comme Gilles Peterson, Jamz Supernova et Folamour adorent votre son, ça fait quoi d’être reconnu par des grands curateurs comme eux ? Est-que vous avez déjà joué en Europe ?
C’est incroyable d’être reconnu par des curateurs aussi influent·e·s que Gilles Peterson, Jamz Supernova et Folamour. Ce sont des références majeures dans la scène, et leur soutien donne une vraie légitimité à la direction que l’on prend avec notre musique.
Pour ce qui est de l’Europe, oui, on a eu la chance d’y tourner. L’an dernier, on a joué dans des lieux incroyables comme le Jazz Café à Londres, Sisyphos à Berlin et le festival Lost Village dans le Lincolnshire, entre autres. On a aussi eu l’opportunité de se produire à Monaco, Paris et Malte. Chaque date a été un moment fort, avec une énergie unique et la chance de connecter avec le public à travers différents pays.
Pour nos lecteurs parisiens qui ne connaissent pas la scène musicale de Melbourne, comment décririez-vous son caractère unique et son esprit créatif ?
La scène musicale de Melbourne repose sur la diversité et la collaboration. C’est un mélange éclectique de genres, allant de l’électronique et la soul au jazz et au rock, avec un véritable esprit de soutien entre artistes.
La ville déborde d’énergie créative, avec une multitude de lieux cachés où se jouent des concerts intimistes. Il y règne un fort sentiment de communauté, où les musicien·ne·s s’encouragent mutuellement à expérimenter et à affirmer leur identité sonore.
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour 2025 ?
De bonnes ondes, de la nouvelle musique et encore plus d’occasions de jouer en live aux quatre coins du monde ! On a hâte de continuer à avancer et de voir où cette année nous mènera. Merci pour le soutien !
Un dernier mot ?
Un immense merci à tou·te·s celles et ceux qui nous accompagnent sur ce nouvel album – votre soutien signifie tout pour nous. On a hâte de partager la suite… On se retrouve sur le dancefloor !
Si vous deviez citer 3 sons pour nous faire découvrir la scène de Melbourne/Naarm, ce serait lesquels ?
The early Bird Catches – Karate Boogaloo
Valley of Peace – TEYMORI
Numb – Thando
Interview réalisé par Frédéric Dumeur, rédacteur basé à Montréal.