Un City Fidelia plus pop pour son nouvel EP ‘City Of The Lost Angels’
Si la scène américaine occupe une place prépondérante, voire aveuglante dans le monde du hip-hop, le Canada n’est pas en reste et possède son lot d’artistes talentueux. Artiste fortement apprécié par la rédaction et dont nous vous livrions le portrait lors d’une interview l’année passée à l’occasion de la sortie de son EP Free Dumb, City Fidelia a encore frappé avec un nouveau projet intitulé City of the Lost Stars.
Après la sortie de son premier Freedumb, qui a chaleureusement été accueilli par la presse et par les amateurs de hip-hop, il y avait logiquement une certaine attente pour la suite des aventures musicales de Luigi « City » Fidelia. Faisant quelques apparitions en featuring sur des albums autant orientés R&B que rap, le jeune artiste canadien ne laissait aucun indice concernant l’orientation artistique qu’allait prendre son futur projet. Les seules informations qui sont alors à notre disposition sont que Luigi travaille avec un producteur japonais, Ava1anche, qu’il avait rencontré un an auparavant lors de sa tournée.
C’est seulement le 22 juin dernier que City Fidelia réapparaît avec le single « Deep ». Ce single a été créé à l’occasion de la première collaboration entre le MC canadien et le producteur japonais qui l’avait contacté quelques mois auparavant afin de faire de la J-Pop. Emballé et pesé en l’espace seulement d’une journée, les deux artistes se décident à étendre leur partenariat à l’exécution d’un EP entier.
Un premier single surprenant
Les sonorités de ce premier morceau sont très pop, il ne rap presque pas et se contente de chanter empruntant une tonalité et un rythme non pas sans rappeler ce que peut nous offrir The Weeknd. Un morceau qui marque donc une légère césure avec ce à quoi il nous avait habitués. En effet, exit la 808 et toute autres percussions qui lui étaient si chères sur « Freedumb », la production de ce single sonne bien plus « live instrumental » et il faut avouer que ça lui rajoute du charme et un côté plus « frais ». Rythmé par une ligne de basse Calvin Harriesque, « Deep » avait comme but principal de scier aux goûts des japonais, ce qui justifie l’utilisation surprenante de l’autotune, effet vocal prisé au pays du soleil levant.
« Étendre ma musique et faire quelque chose sur laquelle les gens qui ne parlent pas anglais peuvent danser «
C’est avec ce leitmotiv en tête que Luigi aborde le quatrième projet de sa discographie, qui se veut comme une nouvelle étape de sa vie d’artiste. A l’instar de Kanye West dont nous pouvons aisément scinder la carrière en fonction de son évolution artistique, le jeune artiste canadien a cette volonté que sa musique soit le reflet de son état d’esprit. S’il affirmait lui-même lors de notre rencontre que The Blindspot était son College Dropout, on peut ici faire le parallèle pour City Of Lost Angels avec le magnifique 808s & Heartbreak. Cet EP a de plus par rapport à ce qu’a pu nous offrir Fidelia, un côté expérimental, plongeant dans des sonorités avec lesquelles il n’était pas coutumier.
Un album résolument plus pop
Composé uniquement de 4 titres, Luigi nous offre une ouverture de bal en grandes pompes avec le titre « For The Low ». Les douces notes de synthétiseur sur lesquelles le morceau début amènent à penser que la suite de l’EP sera à l’image du single « Deep », bien plus live/pop. L’arrivée fracassante d’une 808 vrombissante conduit cependant à une réévaluation des attentes du projet. Probablement le titre le plus abouti de celui-ci, il incarne ce que le rap City Fideliesque peut apporter de mieux, à savoir un flow toujours juste et un texte travaillé avec un fondement spirituel : l’essence même de ce qu’il qualifie de « conscious trap ». Le MC canadien dépeint la triste course à la popularité que nous vendent les différents réseaux sociaux en insistant sur le caractère illusoir et factice de celle-ci.
« Worth » est résolument plus pop, il se range dans cette catégorie de morceaux quelconques, sans réel charme pour retenir une attention particulière. Shootée à l’autotune, la voix de City Fidelia résonne sans vrai écho sur une production banale aux forts accents R&B. Un titre qu’on imagine facilement figurer sur l’album HDRXX de Future, rappeur qui s’était lui aussi essayé au chant le temps d’un projet. Bien que profond et rempli de vérité, le message transmit que « la vraie valeur est de savoir ce que l’on vaut, car cela dictera la façon dont les gens te traitent » est atténué par le côté pop/dansant du morceau.
Dernier morceau présent sur l’EP, « Changed Me » est probablement le titre qui a été le mieux réalisé. Une production complexe down-tempo sur laquelle Luigi utilise cette fois ci l’autotune modérément et à bon escient. Composée d’ambiances très différentes au sein du même titre, Ava1anche rattrape l’ennui artistique qu’il nous a proposé dans « Worth ». C’est sans hésitations possibles le morceau le plus influencé par la nationalité japonaise du producteur. On y retrouve un très beau sample des cuivres bordéliques de « Blood On The Leaves » de Kanye West, des passages flottants qui apportent de la douceur , mais plus surprenant encore, un certain parfum de West Coast flotte sur le son, diffusé par des notes de synthétiseur typiques de l’époque du grand Dr. Dre.
Les but principaux de cet EP qui se voulait comme une expansion musicale et une oeuvre dansante sont complètement respectés. City Fidelia a décidé de prendre de légères distances avec le rap pour se concentrer au chant. Force est de constater que le résultat n’est pas désagréable, mais n’est pas non plus à la hauteur des attentes placées, lui qui avait convaincu son monde avec « Freedumb ». Le mélange des deux cultures, japonaise et américaine, reste cependant une riche idée qui se développe de plus en plus, offrant de nouvelle perspectives à ce style de musique que nous chérissons tant. City of the Lost Angels s’avère donc être un projet décevant à première écoute mais qui, au fil des écoutes et grâce à un échange appréciable avec le MC canadien, trouve son sens artistique.
Vous pouvez écouter l’EP entièrement ci-dessous.