Troisième album studio pour le rappeur de Brooklyn qui s’est fait connaître notamment via des collaborations avec Skyzoo et Marco Polo.
Torae est un MC qui a pris le temps de construire sa carrière: depuis ses débuts à la fin des années 90, il sait s’entourer de grands noms du boombap (9th Wonder, Pete Rock, DJ Premier, Large Professor, Diamond D, etc.), assume clairement ses influences (Daily Conversation par exemple était un clin d’œil évident au Daily Operation de Gang Starr) et gère même aujourd’hui son propre label – Internal Affairs – et une émission (The Thor Guide) sur la radio satellite américaine Sirius XM. Farouchement indépendant, il a lancé à l’automne dernier une campagne de crowdfunding pour financer ce nouvel album. Auréolé d’une apparition dans The Breaks – film sur l’âge d’or du rap américain récemment diffusé par la chaîne musicale VH1 et qui a rassemblé 2,5 millions de téléspectateurs – ce Entitled était particulièrement attendu.
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Après une intro assez marrante dans laquelle Torae essaye de décrypter le langage incompréhensible d’un recruteur pendant un entretien d’embauche, on passe vite aux choses sérieuses avec « Imperial Sound ». Ce morceau s’inscrit totalement dans le son qu’il affectionne: une production boombap soignée, efficace, basse et kicks de batteries bien en avant et un côté très cuivré avec la présence du chanteur R&B new-yorkais Sean Taylor à la trompette. L’originalité vient du fait que ce dernier pousse jusqu’à faire un solo qui fait le raccord avec le slam de Saul Williams, l’un des guests de l’album. Vient ensuite l’imparable « Get Down » où, sur une production étincelante du génial Pete Rock – un sample de ce qui ressemble à une vielle chanson sixties cambodgienne, un break impeccable – Torae trouve les mots pour exprimer son abnégation et son indépendance : « But lookee here, lookee here, now dudes starting to care / About who really be spitting, the magic back in the air / I ain’t signed by Hov or endorsed by Dre / Shit I been had something to say« .
Continuant sur cette lancée, le sec et minimaliste « Clap shit up », produit par Nottz et comprenant un featuring de Phonte, tape aussi dans le mille. Échauffé par ce début prometteur, on est ensuite un peu refroidi par « Let Them Know », production un peu trop martiale et grandiloquente signée Jahil Beats (Meek Mill, Bobby Shmurda…) qui, heureusement, n’engloutit pas complètement une punchline aiguisée pour DJ Khaled (« Never need an adlib from Khaled to be the best« ) et un clin d’œil pointu à Treach et au « Hip Hop Hooray » de Naughty By Nature (« I get as naughty as Treach, my problems often is mook« ).
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Les quelques ratés de l’album proviennent du côté un peu trop mièvre d’une paire de tracks, sur « Entitled » notamment et malgré le featuring de la talentueuse Teedra Moses et « Override« , un morceau à la LL Cool J. Pourtant Torae est excellent sur les rythmiques downtempo comme on peut le constater sur les morceaux « Coney Island’s finest » (produit par Apollo Brown) et « The End« . « Crown » prouve que contrairement à ce que pouvait laisser croire « Let them know« , il peut aussi s’adapter à des productions plus modernes. Comprenant un sample bien senti de « Down with the king » de Run DMC, le morceau confirme aussi le talent d’écriture et l’engagement de Torae :
Since James Brown said “I’m black and I’m proud”
They been pumping us with the opposite
Ah, dividing and conquer, it’s pretty obvious
Ah, misled and misguided, this shit monotonous
Ah, my Kings and my Queens, show ‘em how loud it gets
(…)
Kings and Queens, don’t let the system sizzle your dreams
Si Torae se repose parfois sur des productions d’un classicisme un peu trop marqué – essentiellement celles de Praise comme « Together » et « What’s Love » – il peut compter tout de même sur un impressionnant line-up de producteurs comme le défricheur !llmind, qui fait des merveilles avec l’entraînant « Troubled Times » aux sonorités jazz-funk. La cerise étant bien sûr « Saturday Night« , un morceau-caviar produit par DJ Premier – qui sample « Survival of the fittest » de Mobb Deep. Au final on se dit que si tous les morceaux avaient été de cet acabit, ce « Entitled » aurait tourné en boucle toute l’année. Le résultat est plus contrasté mais néanmoins très solide et à n’en pas douter Torae nous reviendra prochainement avec un opus encore meilleur.