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Pharoahe Monch – P.T.S.D.

Si on peut reprocher une chose à Pharoahe Monch à propos de son dernier album, P.T.S.D, c’est bien de nous avoir fait attendre autant avant d’avoir ce disque entre nos mains. En effet, P.T.S.D qui devait à l’origine n’être qu’un EP, en guise de suite à son précédent album W.A.R (We Are Renegades), est attendu par les fans depuis la sortie du premier single « Damage«  en Septembre 2012. Il aura donc fallu attendre pas loin de 20 mois pour finalement écouter la suite d’un des tous meilleurs albums de 2012 selon moi. Au vu du résultat, on ne lui en veut pas trop pour le retard.

P.T.S.D est l’acronyme américain pour Post Traumatic Stress Disorder, qui désigne des troubles psychologiques à la suite d’un traumatisme comme un accident de la route, un attentat ou au retour d’une guerre. Les guerres de Pharoahe sont multiples. La plus évidente est celle qui l’oppose à l’industrie musicale qu’il avait fuit et fustigée dans son précédent album. C’est également le combat qu’il mène depuis des années contre la dépression et le stress, thème omniprésent dans l’album et notamment dans « Time2 » produit par le canadien Marco Polo. Preuve également de cette instabilité psychologique, on retombe tous les quatre morceaux dans un univers futuriste et hostile avec les interludes « Recollection Facility » dans lesquelles une voie robotique rappelle à Pharoahe les expérimentions mentales qu’il est en train de subir. Dark, glauque et qui rappelle à coup sûr le film de science-fiction, 12 Monkeys avec Bruce Willis.

La musique de Pharoahe est toujours subtile et pleine de clins d’oeil pour l’auditeur fidèle. Par exemple, le morceau « Damage » est le dernier volet de la « série bullet » (après “Stray Bullet” et “When The Gun Draws ») dans laquelle Pharoahe donne la parole à une balle pour dénoncer le port d’armes aux US. Le beat est un peu mou à mon sens, mais les lyrics tellement au dessus du lot qu’on ne peut que tendre l’oreille. Conscient et engagé, le rap de l’ex-Organized Confusion peut également virer dans l’egotrip comme en témoigne le génial « Bad M.F ». Un des tous meilleurs morceaux de l’album selon moi sur une des trois productions signées par le fidèle Lee Stone, présent sur les précédents albums de Monch.

Respecté autant par ses pairs que par ses fans, Pharoahe ne semble pas avoir trop de mal à faire venir du beau monde sur ces albums, et ce malgré le modèle de production indépendant. En plus des très bons producteurs Marco Polo, Quelle Chris, Lee Stone et The Steps Kids, la qualité des invités permet d’élever P.T.S.D au niveau d’excellent album. On retrouve par exemple Black Thought sur « Rapid Eye Movement ». Le MC vétéran des Roots à la chance d’être un des rares rappeurs à ne pas faire pale figure devant la puissance lyricale de Pharoahe. Au contraire, je dirais même que le rappeur de Philadelphie tire clairement le morceau vers le haut avec un couplet vraiment dingue avec ce genre de bars:

I’m diabolical, follicle triggers that I cock anAnnotated squeeze
Sending shots to ancient Greece to pop Socrates
I bear arms like button-downs without the sleeves
Manic depressive and possessive like apostrophes

(Black Tought – « Rapid Eye Movement »)

 

Autre collaboration qui nous ramène à la bonne époque du label Rawkus, le tubesque « D.R.E.A.M » avec Talib Kweli qui détourne le « I’ve Got Dreams to Remember » d’Otis Redding à la sauce funk. L’occasion de remarquer à quel point la production de cette album est originale et en tout point différente des standards du genre. Ni boombap, ni sonorités trap du rap actuel, la musique de Pharoahe emprunte des voies délaissées par la plupart des rappeurs: riffs de guitare, batterie rock et productions instrumentales très minimalistes un peu à la manière des Roots.

Sur certains morceaux, la production s’efface même presque entièrement pour laisser place à la puissance des mots. Comme sur « Broken Again », l’émouvant récit de la descente aux enfers du rappeur, tombé dans la drogue; à qui l’héroine n’a laissé ni ami, ni famille… Une introspection poignante et effrayante sur un passage sombre de la vie du rappeur qui ramène immanquablement à notre esprit ces images terribles de shoots vus dans le Requiem for a dream de Darren Aronofsky.

They told me to see the glass half full cause some see it as half empty
I chose to see the glass twice the size it needed to be
Smashed it against the wall in the kitchen
On the floor going through withdrawals I was itchin’
She rescued me, my heroine to the end
But then she morphed into heroin in a syringe

(Pharoahe Monch – « Broken Again »)

 

A l’heure des remixes lâchés à la va vite sur Soundcloud, P.T.S.D est un vrai album narratif. On y suit un rappeur torturé, en colère mais tout de même optimiste et décidé à se battre, aux antipodes donc du fatalisme qui est monnaie courante dans le rap. Grâce à une production riche à éclectique, on passe d’un état à l’autre à la manière d’un film. Musicalement, cet album ne ravira peut-être pas tous les auditeurs mais le rap a besoin d’artistes possédant de telles qualités d’écriture. J’ajouterais que rare sont les rappeurs à réussir le défi de rester à la fois cohérent et innovant sur deux décennies. Pharoahe Monch est de ceux-là. Bravo !

P.T.S.D est disponible en:  Digital | Vinyl CD Streaming

Antoine Bosque

Receleur de discographies sur Emule dans les 2000's. Illmatic addict, mais adepte du rap c’était mieux maintenant. Digging in the cloud pour le meilleur et parfois pour le pire.

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