Oxmo Puccino est pour beaucoup l’une des plus belles plumes du rap français. A l’instar de Fabe ou de Rocé, Ox’ fait du niveau lyrical de ses albums une priorité. Sonorités Time Bomb, flow mélancolique et donc lyrics métaphoriques, ce premier album Opéra Puccino combinera tous les précoces talents du Black Jacques Brel… chronique.
Sorti en 1998, Opéra Puccino s’impose comme un des albums phares de cette année folle, à mon humble avis la plus prolifique pour le rap français. Allez, voici une liste de 10 albums sortis cette année-là, histoire de se rendre compte des quelques merveilles de l’époque sur lesquels vous devez au moins aller balader vos oreilles :
Oxmo a, à l’époque, 23 ans et fait partie du fameux collectif Time Bomb, fondé par les deux producteurs de cet album : DJ Sek et DJ Mars. Ce label indépendant, c’est un peu l’équipe de France Espoirs de l’époque. Regroupant des artistes tels que Pit Baccardi, les X-Men, Lunatic (Booba et Ali), l’effectif sévit lors de nombreuses réunions pour des freestyles notamment sur la radio Générations, dans l’émission Original Bombattak2, dont voici un extrait :
Fort des sorties des morceaux « Pucc Fiction » (en feat avec Booba) et « Mama Lova » (avec Khéops), l’attente autour de cette première galette du rappeur du 19ième (et aussi frère du basketteur Mamoutou Diarra) est presque un supplice. Grâce à ce flow particulier, à ce talent de freestyler et aussi à la ressemblance physique, on parle déjà du Biggie français.
Amour, avenir, solitude, suicide, amitié ou encore jalousie, seront les thèmes prépondérant de cette pépite dans laquelle Ox’ nous invite à un voyage que lui seul a la capacité de rendre aussi poétique, quelle que soit la destination.
L’album s’ouvre sur un extrait du film Mississippi Burning, un drame qui raconte l’histoire vraie de trois militants pour les droits civiques, qui furent assassinés par des membres du Ku Klux Klan. Une citation qui plante le décor :
Entre storytelling mafieux, chansons qui nous plongent dans les abîmes des pensées d’Ox’ mais aussi des moments plus légers, le Black Mafioso nous propose quelques morceaux devenus classiques. Tout d’abord « L’Enfant seul », ce poème sur la souffrance de la solitude, d’une technique incroyable, d’une écriture exceptionnelle.
« Maîtrise lancinante, sentiments en ciment sinon dans six ans
on me retrouve ciseaux dans le crâne dans le sang gisant »
« 24 heures à vivre », un feat incroyable ! A cette époque, pendant que Ravanelli se fait crocheter par Rabesandratana, la connexion rapologique Paris Marseille est elle magique.
« Faut que je mette cette fille enceinte de mon fils
Qui, j’espère, sera doué, méchant et rappera comme son putain de père »
En point d’orgue, « La Loi du Point Final », morceau qui aurait pu être le point final de l’album. Un feat avec un Lino au sommet de son art, dans lequel Oxmo Puccino nous parle de ses pensées suicidaires et du coté irréversible de la mort. On ne peut s’empêcher de voir le clin d’oeil au « Suicidal Thoughts » de Biggie…
« Faut surtout pas qu’les frères cessent de s’pointer finalement
puisqu’ il faut qu’il n’en reste qu’un pour qu’une race soit en paix »
Pour moi comme pour d’autres, Opéra Puccino est l’album qui vous immerge dans « le vrai rap » ; celui qui m’a donné l’envie d’aller relire les lyrics à tête reposée, d’essayer de comprendre les textes imagés d’un véritable poète, le Black Cyrano. Un album qui alterne entre énergie du désespoir et acceptation des désillusions, une œuvre intemporelle qui placera Oxmo au top de l’échelle des rappeurs français et qui lancera la brillante carrière d’un artiste qui n’aura cessé de se renouveler, depuis bientôt 20 ans.
Bref, un classique, un chef d’œuvre…(ré)écoutez plutôt
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