Muneshine – In Transit

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Juin 2014

Muneshine

In Transit

Note :

S’il y a un un reproche que je pourrais adresser à TOUT type de média Hip-Hop Français (The BackPackerz en tête) c’est de ne parler que de deux types de rap : le rap Français et le rap US. Alors oui, j’entends bien la nécessité d’écrire sur la scène rap locale tout comme l’évidence de traiter la musique Hip-Hop US, sûrement la plus riche et talentueuse. Mais, d’autres, comme les scènes canadienne ou britannique foisonnent également de bon rap et méritent tout de même qu’on  y jette une oreille attentive de temps en temps.

C’est donc dans cette optique d’ouverture géographique que je suis depuis quelques mois le site www.hiphopcanada.com qui m’a permis de découvrir quelques pépites de la scène nord-américaine. Parmi celles-ci, un album a particulièrement retenu mon attention: In Transit du rappeur / producteur canadien Muneshine.

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Muneshine

A l’écoute de cet album, la première chose qui frappe est l’incroyable diversité de style entre les différentes instru qui rend In Transit difficilement « classable ». Alors que l’entame se fait dans un style Hip-Hop 2000s plutôt traditionnel (sample vocaux, boucle de piano), on est rapidement surpris par l’arrivée de lourdes nappes électroniques donnant une agréable ambiance « future beat » à certains morceaux. Entre temps, Muneshine et ses acolytes à la prod (une belle liste d’invités dont je vous parle plus bas) s’illustre également dans un style plus jazzy avec les sublimes « Fall Back, Spring Forward » et « Venus & Mars« .

Alors que ce mélange des genres aurait pu donner l’impression d’un patchwork un peu désordonné, In Transit demeure étonnement cohérent et homogène. Pas étonnant quand on sait que l’album a la particularité d’avoir été écrit et composé exclusivement dans les transports: dans l’avion, le train, le bus et même en marchant dans la rue d’après Hip Hop Canada. Un curieux pari qui s’avère gagnant puisqu’on est tenté de s’imaginer dans quelle situation a été écrit chaque titre… J’attends vos avis dans les commentaires 🙂

Que ce soit à la prod ou sur les vocaux, le moins que l’on puisse dire est que le rappeur de Toronto sait s’entourer. Pour l’épauler au micro, on retrouve, entre autres, une valeur sûre de la scène canadienne en la personne de Moka Only (connu pour sa collaboration avec Chief), la chanteuse Jenn Grant qui prête sa voix sur le sublime titre éponyme ainsi que le talentueux rappeur de Brooklyn Fresh Daily qui livre un couplet magistral sur le morceau « Life Goes On« Mais la partie la plus étonnante de la liste des invités est bien la production. C’est simple, on retrouve uniquement des grands habitués du site: Oddisee, Exile, Kev Brown, DJ Spinna, Freddie Joachim et LAKIM (Soulection).

A ce moment de l’article, deux possibilités: soit vous vous poser la même question que moi (comment cet inconnu a-t-il pu aligner tous ces producteurs sur son album) soit vous connaissiez déjà un peu le bonhomme et saviez que derrière ce nom se cache une belle carrière Canadienne, Américaine et surtout Japonaise où le nom de Muneshine rayonne pour sa collaboration avec le rappeur D-Sisive. Loin du circuit commercial, Muneshine a tout de même connu un certain succès en tant que producteur avec D-Sisive en particulier avec le morceau « Nobody With A Notepad« .

Vous l’aurez compris, la production de cet album est de haut standing et ravira particulièrement ceux d’entres vous qui, comme moi, apprécient l’incursion de sonorités beat music dans le rap. Mais n’ayez crainte, la partie vocale de cet album est loin d’être en reste. En termes de flow tout d’abord, Muneshine fait partie de ces rappeurs que l’on peut écouter tout un album. Contrairement à d’autres rappeurs que j’adore (Eminem, B Real, Busta Rhymes), la voix de Muneshine n’est pas nasillarde ou trop aggressive. Elle n’est pas monotone pour autant mais simplement apaisante et agréable à écouter.

Niveau lyrics, j’ai particulièrement apprécié le côté « Native Tongues » et léger des thèmes abordés. Entre l’histoire d’amour de « Venus & Mars » ou l’egotrip bourré de références basket et Hip-Hop de « Life Goes On« , Muneshine apporte un peu d’air et de légèreté qui manque parfois cruellement à notre cher rap. Après tout c’est vrai, on n’a pas toujours envie d’écouter la bande son du ghetto ou le rap revendicatif de nos frenchy…

« Trust me – I never saw a test that I couldn’t get an A on
A masterpiece that I couldn’t sketch with a crayon (nope)
A burger and a Becks I couldn’t prey on
But hang on, stay calm – we got next and it’s game on
NBA Jam, Mune’ Scottie Pip’
Killer in the clutch, catch a body it’s obvious
You’re not a part of this, not a lot of you thought of us
But here we are, now Robbie born to be Rihanna rich »

Muneshine – « Life Goes On »

Alors soyons clair, cet album n’est pas l’album de l’année et n’est certainement pas à élever au rang de classic. Pourquoi ? Car In Transit ne possède pas de tubes. Certes, les morceaux « Life Goes On« , « In Transit » et le remix de « Venus & Mars » de Freddie Joachim sont particulièrement réussis mais ils ne vous ferons pas lever de votre siège. La force de cet album est, au contraire, d’être une vraie histoire, une oeuvre qu’on écoute d’un trait sans coupure car aucun morceau ne mérite d’être jeté.

Avec In Transit, Muneshine réalise toute de même une belle performance: celle de réunir sur un même projet des producteurs hier reconnus pour leur son boombap (Spinna, Kev Brown, Exile) et cette nouvelle génération de producteurs future beat (Elaquent, Lakim, Freddie Joachim). Le résultat est un élégant révélateur du son Hip-Hop en 2014: tiraillé entre l’héritage des 90s et les sonorités des musiques électroniques voisines.

En tout cas, c’est décidé, je vais me pencher davantage sur cette scène Hip-Hop de Toronto qui semble avoir un peu plus à offrir que les gémissements de Drake…