Mr Key & Greenwood Sharps – Yesterday’s Futures

Juin 2015

Mr Key & Greenwood Sharps

Yesterday's Futures

Note :

Après un été littéralement assailli par la West Coast, on se retrouve en ce début septembre pour une chronique de rentrée, qui me permet de vous faire partager une belle découverte, histoire de remettre les pendules à l’heure. Il se passe aussi de très belles choses sur la scène underground, et notamment sur la scène anglaise. On a dégoté pour vous un album insolite, un petit ovni qui flirte avec l’ambient et le trip hop, et nous offre même un hommage au trompettiste Chet Baker sur l’un des plus beaux tracks de l’opus, « Funny Valentine ».

Petite perle de hip-hop UK sorti en juin dernier, Yesterday’s Futures est le premier LP du emcee Mr Key, membre du collectif Contact Play originaire de Brighton et Cambridge (composé de Mr Key, Dirty Dike, Jam Baxter, Ronnie Bosh et Edward Scissortongue). Les puristes se rappelleront sans doute l’incroyable premier album du groupe, Champion Fraff, sorti en 2011 sur High Focus Records. Le label récidive cette année en soutenant le projet solo de Key, cette fois accompagné d’un nouveau talent, le producteur de sons Greenwood Sharps, basé à Londres, et essentiellement connu dernièrement pour avoir sorti un premier EP intitulé Things Familiar, largement plébiscité par la scène electro.

Réfugiés, pour l’enregistrement, dans un cottage écossais perdu au milieu de la brume épaisse des Highlands, Key et Sharps donnent naissance à un sublime premier opus, où le talent de ces deux artistes révèle une personnalité musicale troublante, profonde, envoûtante, baignée de tonalités claires-obscures, rythmée par des cliquetis de pendules, de cloches, des beats ciselés au triangle, des échos montagneux, des synthés glaçants et humides, des voix fascinantes, presque occultes.

Songe musical introspectif aux confins du magique, Yesterday’s Futures est un disque d’ambiance onirique, comme souvent seuls les Anglais sont capables de nous les faire apprivoiser. Sous influence trip hop évidente, Mr Key & Greenwood Sharps prennent de longues bouffées d’inspiration à la Massive, période Protection. Le flow de Key, comme ralenti par un métronome paresseux, n’est d’ailleurs pas sans rappeler les feats de Tricky : voix de basse, caverneuse, dont le grain se confond presque avec le canevas instrumental.

The acid in the rain washed the tragedies away /

And what happened to the passion that you happily displayed

(Millions)

Basculant sans cesse entre passé, présent et futur, abordant, sous toutes ses formes, la perte amoureuse et la dépression, Key enroule un verbe psychanalytique, s’appuyant sur l’aisance sombre de Sharps à dessiner une psyché où se reflètent passion et désespoir, amour et abandon, émancipation et isolement. En réussissant à s’extraire de la difficile lisibilité (souvent) des projets expérimentaux, Yesterday’s Futures offre 50 minutes de musique intelligente, construite qui résonnera dans le coeur des amateurs de précision et de sensibilité musicales.

C’est notre découverte de rentrée. Mon coup de coeur personnel, je ne peux plus me passer d’écouter « Solstice », et que dire de la ligne de basse « d’All Rise » … L’assurance aussi que le hip-hop anglais promet une relève loin d’être anodine. On vous promet d’y revenir très prochainement… Stay tuned.