Lomepal – FLIP

Le magnifique et égocentrique Lomepal présente son premier album. Botte secrète jalousement gardée, FLIP témoigne d’un parcours maîtrisé et prouve que le visage pâle le plus narcissique de Paris en a encore sous le pied.

Découvert avec le projet Le singe fume sa cigarette, puis le solo Cette foutue perle et le fabuleux diptyque Seigneur et Majesté, Lomepal a rapidement piqué notre curiosité (lire notre interview). Il y a un an, l’artiste sort ODSL, présage d’une importante transformation. À force de manger le bitume et d’ingurgiter du son, Lomepal atteint avec FLIP la maturité artistique, mais pas l’âge de raison. Prêt(e) à naviguer une heure durant au rythme des introspections de cet adolescent ingrat ? Enfile tes Nike SB et embarque pour une virée nocturne agitée.

Why do we fall, sir?

Symbolique. Le disque s’ouvre avec une chute en skate. Bras croutés et genoux meurtris, Lomepal n’a plus peur de tomber. Lui qui cherche d’habitude à être le meilleur nourrit dans FLIP l’unique souci d’être vrai. Exit les phases techniques pour impressionner, il y a mieux à offrir. Un univers artistique fort, qui dépasse les soi-disant frontières musicales. Confiant, Lomepal expérimente et jette un pavé dans la mare. Inspiré par une atmosphère rock et l’électro planante de Superpoze, il chante de façon naturelle et décomplexée. Le virage amorcé sur ODSL était prémonitoire.

Maquillé en femme, sourire doré aux lèvres, Lomepal revendique sa folie à même l’artwork. Il envoie balader les clichés et adresse à la norme un superbe doigt d’honneur. Jusqu’ici, seul Young Thug nous avait habitués à poser en robe. Un visuel osé, simple et réussi. Travesti en surface, le sale gosse reste pourtant fidèle à lui-même. Minute après minute, les images défilent, les références fusent et les punchlines s’accumulent. Irrévérencieux, égocentrique et désabusé, Lomepal se jette des bouquets de fleurs à chaque titre, sans occulter ses failles.

Amour, skate et bêtise

Trois mots qui font rêver. Et autant de leitmotivs qui parcourent FLIP. L’amour, d’abord, dans tous ses états. Seul ou en couple, Antoine dit Lomepal oppose quotidien et fantasmes (« Yeux disent« ). Malgré les sentiments, une rupture sous-jacente plane sur l’album et semble inévitable. Corollaire de l’amour, le sexe prend une place importante dans FLIP. Cru, animal et sans équivoque dans « Malaise« , il devient plus doux et tendre avec « Danse« . La voix sensuelle de Lost, qui conclut ce dernier titre, donne des frissons et ouvre les portes du nirvana.

Le skate, ensuite. Bien plus qu’un simple passe-temps. Une facette de Lomepal dissimulée jusqu’ici, et qui affleure au moment opportun. Lil Wayne n’a qu’à bien se tenir, le meilleur rappeur-skateur est français. « Bryan Herman«  témoigne de cet amour inconditionnel pour un lifestyle qui n’a pas toujours été à la mode. La bêtise, enfin. Cerveau cassé, troué, saturé. Le gimmick est omniprésent, et prend tout son sens sur « Pommade« , ou encore sur « Billet« , en duo avec l’affreux Roméo Elvis. À qui aurait été berné par le côté réfléchi de l’artiste, Lomepal reste un fêtard invétéré.

La route vers l’enfer

Bien et mal se donnent constamment la réplique dans FLIP. Même quand Lomepal aspire à être un homme bon, le diable n’est jamais loin et ses démons ressurgissent. La rage de vivre côtoie une peur viscérale de la mort, qui le force à brûler la vie par les deux bouts. Janis Joplin. Lou Reed. Les fantômes des 70’s rôdent et incarnent ce mode de vie psychédélique et dangereux. Le blanc-bec rappelle parfois Mac Miller, du côté white trash aux lunettes rondes de John Lennon. La thématique amoureuse et les couleurs pastel font d’ailleurs curieusement écho à The Devine Feminine.

Tantôt drôle et légère, tantôt triste et pesante, l’ambiance de FLIP est presque schizophrène. À tel point que l’album semble décousu par endroits. Les synthés vintage façon M83 (« Bécane ») se troquent subitement contre les lourdes batteries de TR-808 (« Ça compte pas« ). Lorsqu’il est tangible, le bonheur n’est qu’éphémère. Alcool et chanvre sont une simple couche de verni, un patch anti-douleur. Cathartique, le morceau « Sur le sol«  donne l’ultime clé de lecture des troubles de Lomepal. Sèche tes larmes et rapièce ton jean, la route continue.

En bref, FLIP brosse le portrait d’un artiste complexe, dévoile des aspérités nouvelles et enrichit un univers artistique déjà très abouti. Contrairement à Seigneur et Majesté, FLIP dépasse la fiction et puise directement dans la personnalité extravertie de Lomepal. Réussite totale, ce premier album renouvelle notre intérêt pour cet artiste hors norme.

Écoutez FLIP de Lomepal

La Rédac

BACKPACKERZ, c’est une grande mif de NERDZ réunis par l’amour du son et le goût du partage. Une équipe d’explorateurs passionnés, qui sillonnent la galaxie rap et les nébuleuses voisines, à la recherche de ses futures étoiles.

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