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Lil Yachty – Lil Boat 2

Devenues un symbole de l’extravagance à outrance propre à la nouvelle génération de rappeurs, les tresses rouges de Lil Yachty ont donné naissance à pléthore d’artistes s’appropriant le style de Lil Boat. Mais avant d’influencer capillairement ses pairs, le jeune artiste de seulement 20 ans est le porte-étendard de ce rap nouveau à la croisée du chant et de la trap, un rap qui affectionne particulièrement la 808 et l’autotune. En tout juste deux ans de carrière, le MC originaire d’Atlanta a été surproductif et nous a concocté pas moins de 5 projets, dont le dernier en date Lil Boat 2, suite du premier volume sorti en 2016 et caractéristique des lacunes que présente la nouvelle vague de « Lil ».

Propulsé sur le devant de la scène lorsqu’il sort Lil Boat, qui pourrait être le premier d’une longue série sans fin, le succès de Yachty est tout aussi bien dû à sa capacité à créer des mélodies sur des beats résolument trap qu’à son personnage atypique. Pur produit d’internet et de cette nouvelle génération SoundCloud, la critique spécialisée émet dès ses débuts des réserves quant à la qualité de son art et met en exergue la vraie raison de sa popularité, n’empêchant pas le grand succès commercial de la mixtape. Il a sorti très récemment son nouvel album, emmené par une très belle cover d’une sobriété étonnante contrastant avec son univers haut en couleurs. Lil Yachty a-t-il su passer un pallier et faire de Lil Boat 2 un vrai album de qualité, travaillé et réussi ?

D’imprécisions en imprécisions

L’impression générale qui ressort de cet album est un grand sentiment de frustration causé par le caractère bien trop brouillon qui gangrène chacune des sphères de la musique du jeune rappeur d’Atlanta : des productions jusqu’au flow, en passant par les textes. Il persiste cette désagréable sensation de travail non fini, brut mais pas expérimental, avec cependant parfois, des fulgurances qui accentuent la frustration.

En effet, Lil Yachty n’y arrive pas. Souvent off-beat, il peine beaucoup à suivre le rythme de l’instru et il n’est pas rare que nous nous retrouvions devant un couplet qui raye les tympans. Empruntant dans la grande majorité des morceaux le « triplet flow » des Migos, caractérisé par cette façon saccadée de débiter les mots, il ne prend aucun risque et se renferme dans la médiocrité, tentant vainement d’imposer quelques mimiques et ad-libs personnels, on pense notamment à « 66 » . Là où il s’avère finalement être le plus à son aise est lorsqu’il troque le rap pour le chant. Plus précis, moins approximatif, Yachty s’épanouit dans un registre plus mélodique, accompagné évidemment par un autotune très bien maîtrisé, il nous surprend de quelques morceaux relativement bien réussis à l’ambiance planante.

Cette capacité à permuter entre chant et rap lui octroie la possibilité d’une grande variété d’ambiances et d’émotions. La dimension trop brouillon de l’album empêche cependant de se prendre pleinement au jeu et de rentrer tête baisée dans l’univers du rappeur aux dreads rouges. Cette recherche de variété n’est pas sans rappeler ce qu’avait pu nous offrir le talentueux DRAM sur son premier album Big Babby DRAM, mais ici, la mayonnaise ne prend pas et en ressort une fade copie du travail de son compère.

Lil Yachty aurait pu y mettre toute sa bonne volonté, le résultat n’en aurait pas été moins raté. La faute à une production qui gangrène le projet, malgré quelques sursauts légèrement plus glorieux. Le virus le plus tenace n’est pas propre à cet album mais bien à cette vague de rappeurs et s’appelle la 808. Bien utilisée, cette percussion peut donner une certaine puissance et dynamiser un morceau, utilisée à outrance c’est garantir un caractère brouillon au morceau, prenant le pas sur n’importe quel autre instrument. Le commun des mortels n’est l’égal de Kanye West, maîtriser cet outil n’est pas chose aisée et beaucoup de producteurs tentent en vain de la dompter. Pi’erre Bourne n’échappe pas à cette malheureuse liste de producteurs et sa 808 gâche de nombreuses instrumentales au pourtant fort potentiel. L’exemple le plus probant étant « Count Me In » où la grosse basse nous écrase le conduit auditif nous rapprochant toujours un peu plus de la surdité.

 

Lyricalement faible

La frustration qui nous habite tout au long de l’écoute de Lil Boat 2 n’en est que renforcée lorsqu’on va au delà de la forme et que l’on s’intéresse au fond. Sans réel intérêt, les thèmes abordés sont aussi peu variés qu’intéressants : pour faire court, le concept de l’album est l’ostentation de la richesse de Yachty. Cela pourrait être bien fait et connaissant l’excentricité du personnage, pourrait même être très drôle, mais on est face à l’incapacité du rappeur à exprimer sa folie à travers ses écrits. Dopé par un ego surdimensionné, Lil Yachty regarde de haut un rap qu’il voit en réalité d’en bas. Il toise ses pairs en affirmant être un modèle « rap niggas tryna steel my style », en étant sur ce point, il faut l’admettre, plutôt dans le vrai, ayant lancé la nouvelle vague de rappeurs aux style capillaire mystérieux et aux grillz multicolores.

Il clame être le meilleur et la source d’inspiration de beaucoup, ce n’est pas pour autant que Lil Yachty part à la guerre seul. Le rappeur d’Atlanta est épaulé par une flopée de petits camarades qui viennent donner un peu de lumière et de cachet à un album qui en a peu. Sont ainsi présents Trippie Red2 ChainzQuavo et OffsetUgly God ou encore Lil Pump apportant chacun une réelle valeur ajoutée permettant de briser quelque peu la monotonie du projet.

Des fulgurances à travers la pénombre

Malgré tout les défauts et ratés de ce projet, Lil Yachty est capable de nous surprendre sur quelques morceaux ou quelques couplets de qualité. Lil Boat 2 est un album de circonstances et va être différemment apprécié selon le contexte dans lequel il est écouté. La légèreté du ton sera plus épanouie sous un chaud soleil d’été, bière à la main, que dans cette froide fin de morne hiver. Des chansons quelque peu chantées comme « she ready » ou « Boom » trouveront plus de légitimité à l’arrivée des beaux jours. Sur le troisième couplet de « Boom« , le jeune rappeur d’Atlanta nous démontre qu’il est capable de gros couplets orientés trap. Son flow sautille sur l’instru, avec une technique parfaitement maîtrisée et une éloquence de grande qualité. Le majeur problème est que cet exemple demeure un cas isolé et que l’on ne retrouve pas toute cette justesse au cours de l’album.

Lil Yachty semble après écoute dépassé par un registre musical qu’il a lui-même initié et promu, tentant vainement de garder son statut de porte-étendard et de précurseur intacts. Lil Boat 2 est le préquel non nécessaire à un album qui n’était déjà lui même pas nécessaire, il n’échappe pas au terrible théorème des suites qui veut qu’elles soient toujours de moins bonne qualité que les projets originaux. S’il est parfois bon, il est trop souvent brouillon pour incarner la superstar qu’il prétend être dans ses nombreux délires d’ego-trip. Branché sur courant alternatif, l’album court-circuite malheureusement très vite et nous grille le cerveau à coup de 808 et de couplets off beat désagréables, les feats de qualité apparaissent comme la pommade pour guérir nos blessures. C’est un projet à écouter d’une oreille distraite, en fond sonore.

Lil Yachty – Lil Boat 2

Théo Lovestein

Malgré sa myopie, critique d'un oeil avisé. Son père a un jour dit de lui : "S'il passait autant de temps à ranger sa chambre qu'à écouter du rap, on pourrait bouffer par terre."

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