Kid Cudi avait repoussé la sortie de ce sixième album durant de longues semaines, le temps de se confronter à sa déprime et ses pulsions suicidaires. Même si la mélancolie est quelque chose d’inhérent chez lui, Scott Mescudi semblait vraiment avoir touché le fond… au point de se faire hospitaliser. En réalité, c’était pour mieux renaître de ses cendres avec Passion, Pain & Demon Slayin’, dévoilé le 16 décembre dernier.
Après deux albums mitigés, Cudder revient ainsi à l’ambiance de Man on the Moon avec un sixième opus au format hors-norme : 19 tracks qui forment 1h30 de récits personnels. A la manière d’un ouvrage ou d’une pièce de théâtre dramatique, Passion, Pain & Demon Slayin’ se découpe en quatre actes : Tuned, Prophecy, Niveaux de l’Amour et It’s Bright and Heaven is Warm.
Le voyage introspectif commence en douceur avec le pénétrant « The Frequency », dont le clip tournait depuis quelques temps avant la sortie de l’album. Cudi s’y déhanche dans l’obscurité d’une forêt hypnotique sur une prod de Mike Dean alliant basse et electro. A l’image du titre de l’acte, ce morceau sonne comme une mise au point, à la fois envers les détracteurs de Speedin’ Bullet 2 Heaven mais également sur sa musique, qu’il qualifie de “fréquence”. Le ton est donné : « Élargissez votre point de vue et adaptez-vous à ma musique. Écoutez-la seul pour bien l’apprécier et laissez-vous emporter par l’ambiance”. On n’ira pas le contredire sur ce fait : l’écoute de ses albums nécessitent une immersion totale.
S’en suivent les sombres « Swim in the Light » et « Releaser ». Contrairement à son titre, la première laisse entrevoir les eaux troubles du rappeur, qui malgré tout garde la tête hors de l’eau : « Vous pourriez essayer d’endormir la douleur, mais elle ne disparaîtra jamais”. Quant à « Releaser », elle est tout à fait mystique avec l’association d’un rap susurré et de chœurs alternant grave et aigu. On n’est pas loin de l’ambiance d’un rituel chamanique d’une tribu amérindienne, du moins l’idée qu’on peut s’en faire.
Il faudra donc attendre « By Design » avec André 3000 pour enfin changer d’ambiance. Le featuring avec l’Outkast est franchement génial, avec un tempo qui s’accélère au fur et à mesure, jusqu’à totalement assumer ses sonorités tropicales… C’est simple, tout le monde danse (ou au moins bouge la tête) à la fin du morceau.
Ce deuxième acte s’oriente donc sur l’aspect spirituel, si cher à Cudi. Scott Mescudi a toujours cru en sa destinée et c’est quelque chose qu’il partage avec Willow Smith sur « Rose Golden ». Leurs voix s’y mélangent dans un sublime refrain où on n’est pas très loin de toucher la grâce. Probablement l’un des meilleurs morceaux de l’album.
On enchaîne directement sur l’hypnotique featuring avec Travi$ Scott dans « Baptized in Fire ». Il s’agit du troisième single de l’album, et on ne peut que saluer cette excellente balade dans les flammes de l’enfer, qui scelle la seconde collaboration entre les deux artistes, après « Through the Late Night ».
On finit l’acte tranquillement sur deux voyages dans l’espace avec « Flight At First Sight/Advanced » en featuring avec Pharrell Williams et l’excellent « Does It ».
Cudi dédie donc cette troisième partie à l’amour, qu’il a même titrée en français dans le texte. Si ce dernier semble y trouver la paix intérieure ou du moins y panser ses blessures, c’est le moment de l’album où on décroche.
Si on peut reconnaître une sensualité pas désagréable à « Dance 4 Eternity », « Mature Nature » et « Kitchen », les morceaux s’enchaînent, la lassitude se fait sentir et on a presque envie de passer à la chanson suivante sitôt qu’une autre recommence. Heureusement, le quatrième acte arrive et l’espoir d’une fin heureuse renaît.
Pour cette ultime étape, certains auront peut-être noté la référence du titre à l’album de DMX It’s Dark and Hell is Hot.
André Benjamin y est de retour dans “The Guide”, qui nous expose une passion amoureuse avec une femme à la forte personnalité que Cudi semble considérer comme son âme sœur, du moins son idéal.
On arrive rapidement au dénouement avec la dernière chanson et collaboration avec Pharell dans « Surfin’ ». Pas de doute, la fin est heureuse dans cet hymne à la liberté, qui marque une rupture de rythme et d’ambiance pour une conclusion en beauté. Le clip semble d’ailleurs se passer dans le même décor que « Frequency » mais dans une atmosphère clairement plus festive.
Ce Passion, Pain & Demon Slayin’ est au final une plutôt bonne surprise. Malgré quelques longueurs sur la fin, il reste un album « inspirant » (comme l’a qualifié Kanye West), produit par la fine fleur du hip-hop et comportant des collaborations aussi surprenantes qu’intéressantes . L’Auto-Tune y est un instrument à part entière, au sein d’une ambiance sonore générale qui se veut planante voire hypnotique, comme si le Cudder s’exorcisait de ses démons au travers de l’album. A l’image de la cover, Cudi semble ainsi sortir de l’obscurité pour nous offrir une nouvelle palette de couleurs. Et on ne va pas s’en plaindre.
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