« Amis du verbe bonsoir et bienvenue à bord du premier album de Kacem Wapalek« . Après avoir fait languir ses fans tel ce bon vieux Dr. Dre, le rappeur lyonnais a, en ce début de mois de mai, gentiment déposé dans nos oreilles,  son premier album, Je Vous Salis Ma Rue. L’attente fut diablement longue mais elle en valait la peine.

Pour les non initiés, Kacem Wapalek est un rappeur français originaire de Lyon. Il officie derrière le micro depuis près d’une dizaine d’années et a construit sa réputation grâce à de nombreux freestyles vidéo, notamment avec le beatmaker Oster Lapwass ainsi que d’autres membres du collectif l’Animalerie (Lucio Bukowski, Anton Serra…). Freestyles dont il récupère au passage quelques unes de ces meilleures phases sur les morceaux « Vint sur ving » ou encore « Gosse beau« .

Après avoir tourné dans toute la France avec des artistes comme Chinese Man, Birdy Nam Nam ou Akua Naru, Kacem Wapalek a voulu prendre son temps pour construire un album qui lui ressemble. Le temps, voilà d’ailleurs qui semble une des grandes préoccupations de notre poète du jour. Le temps passe à toute vitesse et Kacem a des choses à nous dire sur cette magnifique instru ambiance « Le cuir usé d’une valise » de La Rumeur et son sax’ mélancolique. Il nous avoue également en avoir à rattraper, lui qui s’est longtemps dit que sortir un album de rap ce n’était pas facile.

Dès les premières tracks, le ton est donné: le flow est juste, le verbe maitrisé et chaque 16 réserve son lot de surprises entre jeu de mots, assonances ou contrepèteries…C’est ma prof de français de 3ème qui aurait été ravie. Mais attention, la science du mot de Wapalek n’en fait pas pour autant du « rap d’intello » car ce gros travail d’écriture est appuyé par une habileté au micro rarement égalée. Les rimes entremêlées du poète lyonnais sont crachées sur l’instru avec une habileté folle. A mi-chemin entre Fabrice Luchini et Fabe, Kacem Wapalek allie la prose et le flow comme personne.

Et si ma parole est d’argent je veux des disques d’or

mais pour qu’un disque dur faut pas qu’il dise quedal sinon le disque endort

et dans ce cas dur de ne pas chuter comme un cascadeur

– Vingt sur Vingt

Il faut dire qu’avant de mettre un pied en studio, le bonhomme a pu aiguiser ses rimes dans diverses circonstances: freestyles, soirées slam, ateliers d’écriture ont, pour sûr, cultivé son sens de la répartie et son talent pour la joute verbale. Celui-là même qu’il nous expose dans le titre « Vingt sur vingt« , mon passage préféré de l’album, sur lequel Kacem ne rap pas mais glisse littéralement sur cette magnifique boucle signée Guts.

Guts ! Encore ! Et oui, l’ex-producteur d’Alliance Ethnik fait encore une fois parlé de lui en produisant la quasi intégralité de ce Je Vous Salis Ma Rue. Accompagné par Blanka (La Fine Equipe) au mastering, Guts a habilement construit l’univers sonore idéal pour accompagner les pérégrinations du MC lyonnais. Empruntant tant au jazz qu’aux musiques orientales, les productions de Guts sont souvent justes et suffisamment éclectiques pour nous permettre d’admirer toute l’étendue du talent de Wapalek.

Bien que l’album reste à mon sens un vrai album de rap français, on remarque ici et là l’influence d’autres styles musicaux comme la chanson française sur la balade « brassensienne » « Marie Jeanne » construite sur le même concept que le célèbre morceau de Rick James. On ressent également un background roots dans la façon dont Kacem module sa voix à divers endroits, ce qui pourra je pense en agacer certains.

Véritable OVNI dans le paysage rap français actuel (avec lequel il règle ses comptes dans « Les Faux« ), Kacem a tout de même trouvé un invité qui ne soit pas en décalage avec son univers en la personne de Némir qui signe un refrain efficace sur  » Comme d’hab’ « , probablement le seul morceau de l’album calibré pour un passage radio.

Enfin, ce qui est appréciable chez Kacem Wapalek, c’est que l’exercice de style permanent n’empêche pas le rappeur lyonnais d’aborder des sujets profonds tels que l’intégration des minorités et parfois même politiques comme la montée du FN ou la situation au proche orient et en Afrique sub-saharienne.

« La France aux français, l’Afrique aux friqués » – Politiques

Vous l’aurez compris, ce Je Vous Salis Ma Rue est une franche réussite. En 16 titres, Kacem Wapalek prouve qu’il est à la fois une des plus belle plume du rap français mais aussi (et surtout) un rappeur à la technicité hors pair capable de mettre à l’amende n’importe quel MC par sa diction et son flow venus d’ailleurs. Avec son rap positif, drôle et dénué d’insultes Wapalek évite tous les écueils traditionnels du genre et réussira sûrement le pari de vous faire (ré) écouter du rap français.