La sortie d’un album sur le label Stones Throw est toujours un événement pour tout rap head qui se respecte. J’ai donc jetté une oreille curieuse sur ce Rap Album One de Jonwayne (son nom de baptême est Jon Wayne, true story!). Ce rappeur au blaze étrange a fait surface en 2011 avec deux démos (Bowser et I Don’t Care). Mais c’est en 2012, année de sa signature sur Stones Throw que sa carrière décolle. C’est durant ces trois dernières années qu’il a réussi à affirmer son style, qu’il a peaufiné au fil de trois mixtapes : la série des Cassette. Celles-ci sont littéralement sorti au format cassette, délaissé depuis longtemps (et à raison) par l’industrie musicale. Jonwayne n’est pas un artiste dont on peut dire que sa musique est « abordable ». D’abord, il rappe la plupart du temps sur des instrus qu’il produit lui même, à l’atmosphère glauque et mélancholique et à la finition plutôt brouillon. Lorsque ce n’est pas le cas, il utilise des beats pompés sur d’autres artistes plutôt avant-gardistes (Mndsgn, Madlib…). Quant à son flow, il est plutôt lent et monocorde. Mais alors quelle-est donc la force de ce rappeur? Ses textes, assurément. On est loin du rap gangsta ou du bling bling. On pourrait presque dire que Jonwayne est un poète du rap. Dans ces chansons, il cite Samuel Beckett et Charles Bukowski plutôt que 2Pac ou Jay-Z. Assez parlé du passé. Jonwayne transforme-t-il l’essai avec Rap Album One?
L’album s’ouvre sur un air planant, sans drums. Seulement une basse qui tonne, un synthé qui rayonne, et une mélodie au piano. L’ambiance est presque mystique. La voix rauque de Jonwayne fait son entrée :
« I can’t wait for the sky to fall / Picture me rising up until I burn / Like a comet from the ground / Bones turn to dust, I’m a desert in the urn. »
On reconnait immédiatement la patte de l’artiste, empreinte de noirceur et de finesse. Ce n’est pas le rap jazzy auquel Stones Throw nous avait habitués, mais qu’importe. On redescend assez vite sur terre avec le second titre de l’album : « You Can Love Me When I’m Dead ». Cette fois le beat est rampant et minimaliste, on pense plus à « Yonkers » de Tyler The Creator qu’à J Dilla. Sur ce titre, Jonwayne joue les braggadocios et délivre quelques brillantes punchlines :
« And I’ll be famous when they catch up with this time machine shit / But by then you’ll have to dig me up / Vinyl over a skeleton, set the record straight / Bones to crates, time’s irrelevant. »
« Find Me In The Future » renoue avec le style de rap que l’on pouvait entendre sur les Cassette. C’est pour moi un des meilleurs morceaux de l’album. Jonwayne y déverse son mépris pour le rap game, et se prend un petit peu pour Dieu :
« I’m here to upset the balance of the universe / Capsizing certain rap acts the size of Jupiter »
Ce qui est regrettable, c’est que le milieu de l’album n’est pas à la hauteur des premiers titres; le soufflé se dégonfle. Dans les 2 parties de « The Come Up » en featuring avec Scoop DeVille, Jonwayne nous fait part des difficultés de sa jeunesse (problèmes cardiaques, tyrannie de ses camarades à l’école…). Même si il nous gratifie de quelques belles rimes, on constate une baisse de régime générale. Dans ce ventre mou c’est surtout la production qui en prend un coup, souvent minimaliste et terne. Je l’ai déjà dit, Jonwayne est très doué avec les mots. Mais malheureusement ça ne suffit pas toujours. Son flow monocorde gagnerait à être relevé par des instrus un peu plus travaillées. Les trois morceaux qui viennent conclure l’album atténuent un peu ce sentiment de déception. Sur « How To Be A Gemini », le MC muscle son jeu et offre un flow un peu plus percutant. Le titre final, « Sandals », est co-produit par Mndsgn. C’est pour moi l’une des meilleurs instrus de l’album. Le beat, initialement boiteux et minimaliste, se transforme en une pépite jazz-funk qui sonne comme un croisement entre Toro Y Moi et Flying Lotus. Là encore, Jonwayne nous éclabousse du talent de sa plume :
« It’s real when I think about you thinking ’bout me / Shoes in the closet, my stomach’s got too many knots / To justify tying laces and looking sharp. »
Sortir un album, c’est un passage obligé dans la carrière de tout artiste souhaitant consolider sa crédibilité et voulant s’exposer à un public plus large. Dans le cas de Jonwayne, je ne peux m’empêcher de penser que peut-être cela pouvait attendre. Raccourci de quelques morceaux un peu plats, ce Rap Album One aurait pu être une excellente Cassette 4. Les artistes qui touchent à la fois au beatmaking et au rap à un tel niveau restent tout de même rare. On peut aussi saluer la prise de risque artistique d’un rappeur qui s’éloigne des sentiers battus et qui contribue vraiment à l’enrichissement de la scène rap actuelle.
« Maybe you can see why I don’t do those silly dances / With the proverbial gun to my face / This ain’t Kansas / Rap game famine / This album is an epitaph / I’ll show you the real meaning of Sufferin’ Succotash. »
Rap Album One est disponible en: Digital | Vinyle | CD
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