Sans surprise, cette sortie est très largement produite par des artistes de Chi-Town, parmi lesquels on retrouve les beatmakers maison de SAVEMONEY comme Thelonious Martin, Knox Fortune et Nico Segal, mais aussi d’autres producteurs locaux comme le duo Nez & Rio, Smoko Ono ou DJ Taye. Le résultat nous donne une palette sonore très (très) large qui commence par le titre « 24K Gold/Sanctified », produit par Thelonious Martin, et dans lequel Joey se surprend à être encore en vie (« We still alive y’all, I’m still alive, yeah ») dans une ville où le nombre d’homicide atteint des chiffres effarants. Un morceau d’ouverture qui définit bien l’état d’esprit actuel de Joey Purp, concentré dorénavant à plein temps sur les 2 lignes directrices de sa vie : sa fille Meela et sa carrière musicale.
I know we still alive but I wake up to bullets flying, Meela crying
Ambulances speeding past, pray none of my niggas die
On enchaine avec une suite du morceau « Godbody » présent sur son précédent opus, une 2ème partie produite par DJ Khalil (un beat dans la lignée de la grande époque Just Blaze) avec en guest un RZA qui se charge de lancer parfaitement les hostilités. Un titre dont la basse fera des ravages dans vos boomers, tout comme les confessions de l’artiste : « I know that they are not who they pretend to be / Ain’t no more convincing me / Money turn your kin into your enemy / Streets will turn your mans into your memory », ou encore « I dream of Porsches / and families that don’t know divorces / wake up to warring and niggas dying and buying Jordan’s ».
« Hallelujah » sert de transition pour rentrer dans le cœur de l’album dont l’identité sonore n’arrêtera pas d’évoluer. C’est le cas notamment du morceau « Elastic » (dont la rythmique choisie n’est pas sans rappeler son hit « Girl @ » avec Chance The Rapper) qui nous offre un moment groovy directement pioché dans l’univers funky des Neptunes. On peut aussi ressentir l’héritage musical de Chicago dans « Aw Sh*t! », titre construit sur une base de Juke Music complètement addictive. Des morceaux très différents sur lesquels Joey y adapte son flow et surtout le ton de sa voix avec une facilité et une efficacité plutôt déconcertante, à tel point qu’à la première écoute on croit entendre des guests sur des morceaux qui n’en avaient pas.
Le titre éponyme « QUARTERTHING », produit par Knox Fortune, mélange gros synthés avec un break tout droit sorti de la fin des années 80, sur lequel Eazy-E pourrait débarquer à tout moment à bord de sa 6-4. Là encore, le mix des genres fonctionne parfaitement, donnant à Joey un espace d’expression sans limite. Pour ceux qui ne connaissent pas le producteur Smoko Ono, les 2 titres suivants serviront de très bonne présentation, que ce soit ce « Paint Thinner » à l’énergie débordante ou ce « Look at My Wrist », dont l’intro traumatisera votre système auditif.
Avec « 2012 », Purp revient sur le décès d’un ami survenu lors de cette année et les conséquences qui en suivront dans sa vie. Un titre introspectif produit par le toujours très bon Knox Fortune, beaucoup trop sous estimé dans ce rap game. Pour la suite, c’est au duo de beatmakers Nez & Rio (à qui l’on doit le « Man Of The Year » de ScHoolboy Q) de prendre le contrôle de l’album pour les 3 prochains morceaux. « Fessional/Diamonds Dancing » est, là encore, un exercice de style vocal pour Joey Purp qui s’essaie une nouvelle fois à quelque chose de différent, tout comme sur le morceau « Karl Malone », téléguidé par l’auto-tune et dont le refrain est un cocktail explosif dans tous les sens du terme. Le titre « Bag Talk » est un savant mélange entre une boucle de piano abstraite et un flow entêtant, un choix de single assumé par l’artiste, bien loin des standards mainstream.
Joey Purp a décidé de challenger son auditoire tout le long de ce projet. Rien n’est acquis, à l’image de cette fin d’album peu conventionnelle où l’excellent dernier titre « Lebron James » est interrompu brutalement au milieu du second couplet. Une drôle de façon de s’éclipser de son propre projet tout en laissant le soin à un certain GZA de refermer ce chapitre avec le morceau « In The Morning », une interprétation a capella de 8 mesures de grande classe :
I wake to the sound of the alarm clock ringing / Squirrels leave the burrows, early birds are singing / Just coming out of a dream state, awake / Visions fade, I think new thoughts and meditate / I open the curtains and pull back the drapes / A beautiful blue sky reflecting off a lake / Eyes fixated on the amazing view / The windows to my soul I am gazing through / The sun has risen in the east.
Au final, QUARTERTHING est un album éclectique qui demande un certain décryptage pour bien comprendre la démarche de son auteur, dont les larges influences vont de Lil Wayne au Velvet Underground en passant par le Wu-Tang Clan et les Sex Pistols. Une culture rock et punk revendiquée, qu’on ressent dans sa façon d’écrire, avec notamment des refrains aussi longs que les couplets, et cette furieuse envie de faire les choses à sa façon sans se soucier des normes. Bien conscient de la complexité de ce projet, Joey déclarait récemment « I’m looking forward to seeing how people feel about this record at the end of the year after they have time to live with it and digested it », rendez-vous pris à la fin de l’année donc ; même si j’ai déjà un avis bien tranché sur la question..
Cette chronique est une contribution de Matic, fondateur du blog lehiphopsurecoute.com.
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