Une chose est sûre, Jay Prince sait pitcher un projet. Il livre, avec Late Summers, sa quatrième mixtape et si l’on sent qu’il a trouvé la veine dans laquelle il s’exprime le mieux, nos oreilles et nos soirées d’été n’en sont que d’autant mieux servies.
Si la différence entre mixtape et album et les critères de différenciation entre ces deux types de projet pourraient ouvrir à d’interminables débats sûrement stériles parce que basés sur des critères mouvants, nous prenons le parti d’aborder une release pour ce qu’elle est : un projet porté par un artiste qui construit sa carrière entre affirmation de soi et prise de risque. Et celui qui suit l’évolution de l’artiste Jay Prince sait combien ces deux composantes (pas antinomiques d’ailleurs) sont présentes dans son moi artistique. La constante reste quand même la musicalité qui s’inscrit en filigrane de chacun de ses projets. Elle est changeante et s’appuie sur des éléments divers d’un projet à l’autre mais elle reste le fil conducteur de ses propositions. Il livre donc avec Late Summers un fable ou plutôt une suite de récits sur sa vie, l’évolution de sa carrière et sa manière d’appréhender la musique et ses relations. Voilà, on peut considérer que tout ce qui compose la vie d’un artiste a été dit… plus sérieusement, il est certain que citer ces poncifs n’ouvre que peu les yeux sur le crédit qu’il faut accorder à cet opus tricoté avec amour et vibes lancinantes.
Jay Prince – « Mandem »
Sur ce morceau qui n’a fait qu’attiser la curiosité des fans et a semblé rallonger leur jeudi, Prince se fait accompagner de Shakka dont il dit dans une interview à The Fader qu’il apprécie l’homme et son travail. Cette démarche semble accompagner le process créatif de ce projet puisque 6 tracks sur les 11 qui constituent l’opus offrent une place à un featuring. Et c’est d’ailleurs une des tendances que favorise le label Cosa Nostra Records qui a sorti ce projet et qui suit également les destinées de GoldLink dont le dernier projet présentait la même caractéristique…
Notons également que si Jay Prince s’est distingué sur ses précédentes sorties en assumant la production, il laisse cette fois la main à des acolytes tous bien inspirés et ayant saisi la trame de ses attentes. Si on considère que J.LBS est aux manettes de « Mandem », les néophytes diront « Ok cool », les nerdz de rappeler que ce Monsieur a commis quelques belles prods notamment pour TDE et le 90059 de Jay Rock en particulier.
Cela dit, si les producteurs de succèdent (Axlfolie, Cubeatz, Marty Khan ou Jonah Christian), il faut reconnaître que cette mixtape offre une certaine continuité voire une homogénéité musicale. Notamment si on la compare au précédent projet commis par le rappeur de l’East London qui proposait des morceaux aux inspirations plus variées et sur lequel il assumait l’intégralité des productions.. Adossé à des beats aux relents boom bap down tempo résolument modernes où les claviers et les drills tiennent une part importante, ce projet offre peut être moins de possibilités d’apprécier les facilités du flow du rappeur. Et ce n’est pas forcément à considérer comme une critique tant les précédentes releases ont permis à Jay Prince d’exprimer son talent.
Talent qu’il déploie dans toute sa mesure quand il sollicite Aminé, l’un des derniers trublions en date du hip-hop, et lâche le morceau le
plus chill de cet opus avec « Vice » qui n’appelle qu’à passer du bon temps en bonne compagnie. Comme dans chaque projet, il y a un ou plusieurs morceaux qui sortent du lot. Si « Vice » présente la composition la plus sophistiquée avec ses différents nappes d’instruments qui associent le clavier, la batterie à des chœurs bien sentis, son originalité vient taquiner l’oreille comme un grain de sel planqué au cœur d’un fondant au chocolat.
Jay Prince – « Vice » feat. Aminé
Que retenir de ce joli projet? D’abord sa qualité et son homogénéité assez frappantes. Tant en termes de musicalité que dans la qualité constante des productions proposées. Aussi qu’il s’inscrit dans une continuité et qu’il témoigne de la place de plus en plus prégnante de Jay Prince dans le jeu qu’il fait pencher sur la West Coast si on s’intéresse à l’origine de ses acolytes sur cet opus. Enfin, reconnaissons que le titre de cette livraison en dit long sur la vocation qu’il lui donne et on ne va pas le lui reprocher : la mission est remplie et quelques titres devraient éclairer plusieurs apéros estivaux. Chacun se fera son avis.
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