GoldLink – At What Cost

Mars 2017

GoldLink

At What Cost

Note :

​Presque occultée par l’annonce de la release d’un nouveau produit musical de King Kendrick dont peu avaient deviné la teneur (finalement le morceau « The Heart Part 4«  annonciateur de son futur projet, DAMN.), GoldLink, le MC de D.C. inventeur du future bounce revient avec un second LP , At What Cost. Autant le dire tout de suite, les espoirs suscités après And After That, We Didn’t Talk n’ont pas été déçus. Alors malgré une actualité musicale chargée, nous ne pouvions pas ne pas l’évoquer.

Constitué de 14 morceaux et d’un peu plus de quarante minutes de taquineries auditives, l’opus de GoldLink a de quoi ravir les amateurs de musique et notamment ceux qui se laissent emporter par plusieurs saveurs de la musique noire d’Amérique et d’ailleurs. Bien que les analystes et les amateurs dont nous sommes aient tenté de définir ce qu’était le Future Bounce, la définition paraît aussi vaque que l’inspiration de GoldLink qui ne veut pas se reconnaître de limites en se cantonnant à un style musical en particulier. Alors on trouve tout ce qui fait la trame artistique du projet GoldLink et surtout des bonnes vibes. Le MC invite plusieurs influences à la table de production et sait constituer une identité sonore unique. Pas éloigné de ce qui fait le sel des compositions d’un Jay Prince et en digne héritier des sonorités Soulection dont il s’est d’ailleurs éloigné (humainement davantage qu’artistiquement) le plaisir des compositions sophistiquées où les influences cohabitent est indissociable de cet opus.

Accompagné sur quasiment tous les tracks, GoldLink fait la part belle aux associations. Comme si, à la manière d’un mécène, il laissait ses complices d’un morceau exprimer leur prose et qu’il y ajoutait sa patte. Comme pour reconnaître et célébrer leur talent. D’ailleurs, le commentaire vaut aussi pour les producteurs qui l’accompagnent. Salutations marquées à Louie Lastic qui a produit deux tracks de très belle facture avec « Same Clothes As Yesterday » et l’entraînant « Roll Call ». Et c’est justement le son très bouncy de « Same Clothes As Yesterday » qui ouvre musicalement l’opus et revêt une saveur particulière puisqu’il installe l’auditeur dans un confortable fauteuil de sérénité quant à la probable qualité de l’album.

GoldLink – « Same Clothes As Yesterday » (feat. Ciscero)

Si on dit que les premières impressions sont souvent  les bonnes (ou en tout cas celles qui marquent), il faut croire que l’adage tient une part de vérité. Mais GoldLink a quand même pris le soin de ne pas forcément faciliter la tâche de l’auditeur attentif en l’emportant sur un terrain totalement différent dès le morceau suivant (« Have You Seen That Girl? »). Seul en piste et appuyé sur un beat au démarrage balbutiant et dont le piano et le synthé tiendront la mélodie, la fille qu’il cherche a du se réfugier dans les années 80 pour qu’il entame sa quête sur un track aux relents post new wave assumés (et réussis!).

C’est d’ailleurs un trait assez fort de cet opus : d’un track à l’autre et d’un producteur à l’autre, l’univers et l’inspiration qui ont conduit à la composition du morceau change du tout au tout sans sacrifier la qualité musicale de l’ensemble. Il faut dire qu’en convoquant certains des beatmakers les plus talentueux du moment et des artistes de la scène de Washington, GoldLink a minimisé sa prise de risque. Mais Washington n’est pas la seule représentée puisque l’un des artistes de la nouvelle scène de Chicago aurait d’ailleurs pu être crédité, si comme le clame Smino à propos des lyrics de « Meditation », ils sont au mieux le fruit d’une collaboration, au pire l’objet d’un plagiat.

La scène de Chicago, dont les particularités sont une connaissance et un amour du partage des bons morceaux et des belles prods qui semblent régir les relations entre les artistes. Quand le plus en vue d’entre eux (Chance The Rapper) prend le micro, il n’oublie pas de convier ses camarades municipaux. On constate que cette pratique profondément inscrite dans l’ADN du hip-hop est également partagée par GoldLink qui débarque accompagné de ce que la scène de D.C. est capable de proposer le plus en accord avec ses attentes artistiques. Des « vétérans » Wale et Kokayi aux jeunes pousses Lil Dude ou Ciscero, le panel de talents est aussi large que la proposition musicale offerte par GoldLink.
Ajoutez à cela la main heureuse de Kaytranada qui a construit « Meditation » en samplant et en bouclant son « TRACK UNO » et vous comprendrez en quoi cet opus constitue un projet de très belle facture mais aussi un OVNI sur l’échiquier du rap game.

GoldLink – « Meditation » (feat. Kaytranada & Jazmine Sullivan)

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Quel avis se faire de cet LP ? Déjà qu’il est à classer au rang des réussites. Ensuite, qu’il permet d’inscrire GoldLink parmi ces artistes de talent, capables de proposer une musique de qualité sans jamais se laisser enfermer dans autre chose que leurs inspirations et leurs envies. Surprenant en un mot. Pas tant pour la musicalité que le chemin sur lequel l’artiste entraîne son auditeur. Et il faut croire que la balade est belle puisqu’il y a de plus en plus de volontaires. D’un track à l’autre, les styles, les messages et les influences se mélangent et offrent un paysage déjà plaisant que les collaborations viennent magnifier. Pourtant, la faiblesse de l’opus peut aussi résider dans cette approche où de nombreuses influences cohabitent. Simplement parce qu’il ne laisse pas le temps à l’oreille de se familiariser avec un style qu’un nouveau morceau démarre et les nouvelles sonorités avec. Soyons honnêtes, cette remarque est pure coquetterie mais pourrait décevoir les profanes. Pour ceux qui comprennent le Future Bounce et adhèrent à ce mouvement musical, c’est du pain béni. Si ce n’est déjà fait, on vous encourage à vous faire votre avis.

Ecoutez At What Cost de GoldLink