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Elzhi – Lead Poison

Et dire qu’il justifiait ses trois années de « silence » par l’insatisfaction qu’il éprouvait à écouter sa prose…  Elzhi, qui vient de sortir son dernier LP, Lead Poison, n’a pas menti : ce qu’il propose est au top. Et on est ravis de vous dire pourquoi.

Même si l’imminence de la sortie de son dernier opus n’était plus un mystère, il faut reconnaitre que c’est un plaisir d’être confronté à un projet d’Elzhi. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’ancien Slum Village nous a habitué à de belles choses et que la sortie d’un nouveau projet, surtout quand on l’a annoncé comme étant conforme à ses propres attentes, comporte toujours un risque pour l’artiste et sa communauté de fans. Si Kanye West a largement dépassé ces considérations, les « vrais » d’Elzhi accompagnent sans doute la sortie de cet album d’un mélange d’excitation et d’appréhension. Qu’ils se rassurent, normalement, ils devraient y trouver leur compte.

Celui qui s’est fait connaitre pour la qualité de son flow, le choix des prods qui l’accompagne et sa proximité avec J Dilla a su, une nouvelle fois, s’entourer de belles signatures sur ce projet. Pour mémoire, son précédent opus studio (The Preface), était une bombe du hip-hop underground et le fruit de sa collaboration avec Black Milk à la production. Pour cet album qu’il a financé via une campagne Kickstarter, il s’est entouré de beatmakers chevronnés comme 14KT, Oh No ou encore de Karriem Riggins. Le batteur, dont le nom résonne de plus en plus à nos oreilles, a co-produit le premier track issu du prochain album de Kaytranada (Bus Drive), était aux manettes du « 30 Hours » de The Life Of Pablo et a surtout entamé sa prolifique carrière en studio aux côtés d’un certain J Dilla. Et puisque le hip-hop est aussi une science de transition et de transmission, Elzhi a aussi fait confiance à des producteurs un peu moins connus mais dont le talent et l’ascension sont indéniables (Quelle Chris, BomBay ou JoSelf).

Elzhi – « Two 16’s (prod. by Karriem Riggins) »

Côté écriture, les plus exigeants seront servis : cet album travaillé et réfléchi depuis quelques années propose une écriture soignée et une narration éclectique. Avec un réel talent de conteur, Elzhi nous rapporte les trajectoires cruelles, absurdes et naives de deux gamins de 16 ans (« Two 16’s »). Dans un autre morceau au titre éloquent (« Weedipedia ») il dénonce l’exploitation des petits dealers sur une belle prod’ toute en cuivres, grosses caisses et samples de films de la Blaxploitation signée par Bombay. Enfin, mentionnons ce morceau où il se décrit en… vampire. Mais on vous laisse découvrir duquel il s’agit.

Clairement, la prose est réfléchie et l’humour voire l’autodérison ne sont jamais loin. Mais dans cet album, fruit d’années d’introspection et dans lequel il a impliqué ses fans, Elzhi signe un bel hommage à ses inspirations cinématographiques et musicales à travers le morceau « February » notamment. Si on sait déjà que c’est Dilla qui lui a ouvert la porte de Slum Village, on découvre aussi qu’il est un grand amateur du cinéma de Michel Gondry auquel le clip de ce morceau est un clin d’œil indéniable. Elzhi sait d’où il vient et se le rappelle continûment. C’est un sentiment qu’on retrouve sur plusieurs tracks de cet album (« FriendZone » ou « coSIGN » par exemple). Pas dans une démarche de réminiscence mais plutôt pour analyser son chemin et construire son ambition artistique.

Elzhi – « coSIGN(feat. Skonie) »

Au final, après 3 années d’absence à propos desquelles Elzhi confesse avoir frôlé la déprime, il revient fort. Et grand. Avec cet LP en témoignage. Les mêmes recettes que celles qui lui ont valu la faveur d’un public y sont présentes : une plume acérée, un réel talent de conteur, une science de la musique, une ascendance artistique de premier choix et un amour inconditionnel du hip-hop. Pour le fan, l’attente est récompensée. Pour le néophyte, c’est un plaisir de découvrir l’étendue du talent de ce MC. Si l’album se prête aux louanges, on pourra lui reprocher, via une comparaison avec le précédent opus, l’absence du son qui met tout le monde d’accord, qui marque la mémoire à la manière  d’un « Motown 25 » et offre donc sa signature à un opus, à un artiste voire même l’associe à une époque, le Graal de tout artiste. Pourtant, il ne faut surtout pas laisser passer cet opus même si il n’y a aucune garantie qu’il retienne longuement l’attention. Après, les goûts et les couleurs…

Clément Nadjo

Le hip-hop comme oxygène. La patience du digger, le pardon de l'amoureux. Amateur de bons mots, de belles rimes et de beats calibrés. Humour à qualité variable.

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