Nobody’s Smiling, c’est le 10ème album studio au compteur de Lonnie Rashid Lynn Jr., a.k.a. Common. Cela fait un album tous les 2 ans et demi en moyenne depuis Can I Borrow A Dollar en 1992. Common est un rappeur qui prend le temps de bien faire les choses (en général). Son oeuvre est cohérente et consistante dans l’ensemble (si l’on oublie la tentative ratée de rap-electro-pop dans l’album Universal Mind Control). Pour la production, il a une nouvelle fois fait confiance à No I.D., son partenaire de longue date. Ce dernier, lui aussi originaire de Chicago, avait fait du très bon boulot sur les 3 premiers disques de Common, et sur The Dreamer / The Believer, dernier album en date.
Le ton de l’album est donné d’entrée de jeu par le titre et par la pochette. Common n’a pas envie de se marrer et affiche clairement un air très sérieux. Il a toujours eu la réputation de rappeur activiste mais jamais sa musique n’avait été aussi torturée. C’est donc un tournant radical après The Dreamer / The Believer, une nouvelle perspective. On reconnait l’empreinte de No I.D. dans la production, qui puise sa source dans le boombap des années 90 sans s’égarer dans une nostalgie triste et vaine. L’homme derrière l’instrumental de « I Used To Love H.E.R. » n’a pas peur de se remettre en question et de moderniser son style. L’exercice est périlleux et malheureusement pas toujours réussi (l’instrumentale de « Nobody’s Smiling », la chanson titre, est particulièrement hideuse), mais dans l’ensemble ça fait l’affaire. On remarque aussi que le tempo est plus lent qu’à l’accoutumée et que les instrus sont plus sèches, ce qui est complètement adapté à l’ambiance du disque.
Le personnage principal de l’album, c’est Chicago, a.k.a. The Chi. Comme la plupart des rappeurs, Common est fasciné par sa ville d’origine, sa ville de coeur. À l’écoute de Nobody’s Smiling, on navigue pendant un peu moins d’une heure dans les rues et avenues d’un Chicago mi-réel, mi-fantasmé. C’est dans la capitale de l’Illinois que Lonnie Rashid Lynn a grandi, galéré, aimé, et trouvé son inspiration. D’ailleurs la première chanson de l’album, « The Neighborhood », s’ouvre sur un sample de « The Other Side Of Town » de Curtis Mayfield, lui aussi originaire de Chicago. Plus qu’un simple décor, c’est un écosystème qui donne vie au chaos et à la violence, à l’avidité et à la vanité. Dans ses textes, Common entremêle sa propre existence à celle de sa ville. Pour moi les meilleures chansons du disques sont les plus autobiographiques.
« Survivor, soldier, a child is destined / A star is born in a Chicago storm / The name is Common / I’m anything but the norm, uh. »
Les fans de J Dilla auront le plaisir d’entendre le vibrant hommage que Common rend au beatmaker le plus influent de sa génération dans « Rewind That ». Il y décrit la relation qu’ils entretenaient, amitié qui allait bien au delà de la simple collaboration musicale. Sortez les mouchoirs, c’est la séquence émotion de Nobody’s Smiling.
« In Q-Tip’s basement, I first met Jay Dee / I still remember the first beat he played me / He came to the Chi laid three that was crazy / Didn’t even know me and gave ’em to me for free. »
Au fil des années Common a su préserver la qualité de son écriture et de son flow. Il est toujours aussi agréable à écouter. Cela dit, toutes les chansons de l’album ne sont pas aussi réussies que les superbes « No Fear » et « Kingdom ». C’est dans le rap conscient, voire le rap « intello » que le chicagoan est le plus doué. Malgré son talent de lyricist, il ne parvient pas à nous intéresser avec « Hustle Harder » ou « Out On Bond » (disponible sur la version deluxe uniquement) qui paraissent très superficielles. Alors qu’il avait invité Nas et John Legend sur The Dreamer / The Believer, Common a préféré faire place aux jeunes talents pour son 10ème album, signe de confiance et de maturité. Ouvrez l’oreille et la bonne pour Vince Staples qui donne de la voix sur deux titres de Nobody’s Smiling: « Kingdom » et « Out On Bond ». Autant vous dire que ce jeune artiste est sur le radar de The BackPackerz et que vous entendrez parler de lui d’ici peu.
Nobody’s Smiling a toute sa place dans la discographie déjà bien fournie de Common. Certes il ne révolutionne rien et contient une part de déchet mais il a ce côté rassurant que peuvent avoir les réapparitions d’anciennes stars du rap. Certains artistes ont tellement contribué à la fabrication de l’esthétique Hip-Hop, ont tellement influencé nos goûts en la matière que l’on craint de les voir peu à peu s’effacer. Common fait partie de cette élite on peut lui être reconnaissant de nous offrir son rap magique tous les 2 ans et demi.
Nobody’s Smiling est disponible en: Digital | CD | CD (Deluxe) | Vinyle
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