Peux-tu te présenter pour les lecteurs qui ne te connaissent pas ?
Bonjour les lecteurs, bonjour à tous ! [rire] Je m’appelle Chester, je rappe depuis une dizaine d’années, j’ai commencé à la fin du lycée à peu près. J’ai déjà sorti 4 projets mais aussi beaucoup de singles, de clips, beaucoup de tremplins et de concours ! J’ai fait pas mal de concerts, avant le covid surtout, même si là ça reprend bien donc c’est cool ! Et maintenant, Wisteria, mon 5ème EP arrive !
Tu es diplômé des Arts de la scène et du spectacle, est-ce que cela t’aide dans tes projets musicaux ?
Ouais ça m’aide pour les concerts, surtout ! Dans l’école où j’étais, il y avait un peu de tout, j’avais pris une option avec du chant, de la danse, du théâtre, de l’impro… Ça m’a apporté pas mal de trucs ! Ça m’aide sur scène, pour être à l’aise. J’avais déjà des bases que ça a confortées. Après, j’ai eu des cours de chant qui m’ont plus ou moins aidé on va dire. C’était plus en m’exerçant moi tout seul que j’ai peaufiné tout ça. Donc oui, ce diplôme d’études artistiques m’a aidé pour me lâcher devant les gens et pour les concerts notamment.
Tu es sensible à l’univers artistique depuis pas mal de temps ?
Franchement, à part la musique… Je suis sensible à l’art, mais je ne suis pas non plus un grand fan d’art. Je n’ai pas d’autre grande passion artistique à part la musique. L’écriture, quand même beaucoup, puisque aussi à l’école c’était quand même les matières littéraires qui m’intéressaient le plus. Donc je dirais plus l’écriture et la musique.
Quel est ton rapport à la musique ? Comment as-tu commencé à t’y intéresser et à quel moment as-tu eu le déclic d’en faire ?
Je m’y intéressais déjà depuis tout petit, j’écoutais beaucoup de rap avec ma famille, mes potes et surtout mes sœurs qui m’en faisaient écouter. Aussi des chanteurs comme Corneille, tout ce qui se faisait à l’époque un peu R’n’B, j’ai été pris très vite dedans. Je n’ai pas forcément eu envie d’écrire au début, ce sont des potes qui m’y ont un peu poussé. Le premier son que j’ai fait était un morceau reggae. Ça, peu de gens le savent parce qu’on a supprimé les sons de YouTube. Mais le premier son était reggae et je l’ai vraiment fait en me disant “vas-y, je sais un peu chanter, je sais écrire, on va voir” ! À cette époque, ça a pris un petit engouement avec mes potes et même des gens que je ne connaissais pas m’ont dit “ah c’est pas mal, il y a un truc !”. Après, je me suis dit que j’allais écrire d’autres morceaux, et c’est à ce moment que je me suis plus accès rap avec une touche reggae dans le chant des fois – je pense que ça se ressent aujourd’hui. C’est parti comme ça !
Tu sors début juin ton EP, comment tu te sens ?
J’ai trop hâte ! Le temps est passé très vite depuis le moment où on a pris la décision de le sortir. Mais ouais, j’ai trop hâte parce qu’on s’est bien appliqués, on a plus travaillé en profondeur. On a fait quelques concessions qui nous ont fait du bien aussi ! C’est-à-dire que, j’ai fait des concessions sur mon écriture, j’ai l’ai un peu simplifié grâce à Keno ! Tous les morceaux ont été faits avec lui, alors qu’avant j’écrivais de mon côté et il m’envoyait des prods, ce qu’il fait qu’on devait toujours corriger le truc. Là, on a tout fait ensemble, au même endroit, donc je pense que la couleur du projet va se ressentir ! Puis Keno et moi, on n’écoute pas trop le rap de la même manière, on n’a pas la même sensibilité. Moi, j’étais vraiment un peu trop prise de tête dans l’écriture : il fallait imager, faire des jeux de mot… Donc Keno a permis que je trouve un juste-milieu. Il y a eu un travail sur la voix aussi ! Avant, je rappais plus déter.
C’est drôle parce que c’était l’une de mes questions ! Je voulais savoir comment s’était passé le travail avec Keno au niveau de la prod, parce qu’il y a véritablement une alchimie !
Je disais à Keno tout à l’heure que j’avais publié la cover sur Instagram et je me suis un peu donné pour faire une grande légende, et j’ai vraiment dit “écrire c’est bien, mais écrire avec son beatmaker et son meilleur pote c’est mieux”. En soit, c’est vraiment ça qui s’est passé et c’était trop bien qu’on fasse tout le projet ensemble, parce que ça permet la symbiose que tu as ressenti. On était ensemble du début jusqu’à la fin, on est parti de rien et on a fait le chemin à deux sur tous les sons c’est vraiment cool ! Le son est plus logique; on a créé plus rapidement et les idées sont venues plus vite. Avec Keno, on se connait depuis qu’on a 6 ans, donc il peut me guider sur des trucs où moi je ne suis pas trop sûr. Surtout que des fois, j’ai plein d’idées en même temps et je ne sais pas laquelle il faut faire en premier. Donc le fait qu’on ait été ensemble pendant tout le projet ça se ressent.
Il y a eu une véritable adaptation de ta méthode de travail, c’est un peu un nouveau Chester ?
Franchement grave, c’est un peu le jour et la nuit ! Avant, je travaillais avec un autre manager, j’avais la main sur le projet mais ce n’était pas pareil. Je ne visualisais pas le projet comme si c’était le mien que je dictais de A à Z. Il y avait des gens qui m’entouraient mais je n’avais pas encore assez confiance en moi pour dire “non je préfère faire ça”. Je suivais un peu les avis en me disant que c’était bien pour moi. Ça m’a apporté des bons trucs, mais aujourd’hui, je suis en indé avec mon pote et je me dit “c’est mon projet et je veux qu’il pète”.
Dinos dit dans un son “je suis arrivé dans le rap avant la mort du troisième couplet” et j’ai aussi vécu ça. Il faut moins rapper mais pas pour faire quelque chose de moins bien, justement les mots ont plus de valeur puisque tu en mets moins. Ça a été dur pour Keno de me convaincre de moins écrire, de moins raconter ma vie, de ne pas tout remplir et de laisser ses prods respirer un peu. Ça vient de l’esprit freestyle, j’adore ça ! Parfois j’ai encore des choses qui me tiennent à cœur où je lâche pas la grappe dessus, mais on a trouvé un juste milieu. On fait chacun des concessions sur ce que l’autre veut, et on arrive à un résultat qui nous va tous les deux. Finalement, le fait d’être avec Keno, donne naissance à un projet musical et pas forcément freestyle, on fait du son, du vrai son !
J’ai ressenti dans ton projet une volonté d’authenticité, tu poses les bases avec le premier morceau, tu dis “on va faire du vrai rap”, quelle est ta vision du vrai rap ?
Grosse question [rire] ! Oui je dis “on f’rait du vrai son, on f’rait du vrai son”. Quand j’écoute du rap, j’ai besoin de comprendre ce que le mec va me raconter. Quand je dis “on f’rait du vrai son”, c’est qu’on va faire comprendre nos idées, que ce soit dans la prod ou les textes : on va faire une proposition singulière et sincère ! Faire du vrai son autant qu’on est de vraies personnes. Au final, je n’ai pas envie de faire des morceaux où je parle de meufs par exemple, parce que ce n’est pas ma vie. Le premier morceau illustre bien le propos. Je suis content que parle du premier son parce que c’est notre madeleine de Proust. C’est véritablement du Keno x Cheste : c’est ce qu’on sait faire de mieux. Si plus tard il y a un type beat de nous sur YouTube ce sera un truc comme ça. C’est plus personnel, c’est nous ! On l’a mis en premier et ensuite, les autres sons pourront peut-être toucher plus de gens, mais on voulait ouvrir le bal avec ça.
On parle de sincérité, c’est quelque chose qu’on ressent dans le projet quand tu abordes ce qui ne va pas, tu nous parles de tes angoisses, tu dis “c’est du rap simple pour un type compliqué”. Est-ce que tu avais cette volonté de te présenter comme tu es, avec le bon mais aussi le mauvais ?
Je l’ai toujours fait mais j’ai toujours été un peu pudique dans ma musique. Je ne le disais pas vraiment, un peu en sous-titre. Avant, Chester c’était plus chill et cette image m’a aussi saoulé au bout d’un moment. Maintenant, je le dis franchement : il y a des côtés d’angoisses et je me confie dessus. On est des mecs hyper simples, on n’est pas torturés, on se sent bien dans notre peau mais comme tout le monde on a des doutes. C’est important aussi, sans aller trop en profondeur, de se confier sur le fait que parfois je ne me sens pas bien et que j’ai des inquiétudes sur le reste de ma life. Le projet c’est ça, c’est pour ça qu’il y a les morceaux “Incroyable” et “Barré”.
Justement, tu développes ce côté de doutes mais c’est équilibré avec des sons super positifs où tu dis que la vie est belle ! N’importe qui peut se retrouver dans cette dualité : ouais on a tous des bas et des hauts et c’est normal !
Pour la petite anecdote, on avait prévu, sans s’en rendre compte, de mettre “Incroyable” et « Barré » à la suite. Donc, “Barré” qui est assez négatif ou je dis “pourquoi je les entends dire que la vie est belle » et dans l’autre son je dis “la vie est incroyable”. On s’est dit que les gens n’allaient pas comprendre. Donc on a changé l’ordre et on s’est dit que plutôt faire un mood déprimé au début du projet et une lueur d’espoir à la fin, on est partis d’un mec qui se sent bien avec “Isaiah” dès le début. Et le dernier son avec Malter, la prod reste quand même super joyeuse par rapport au propos. C’est pour ça que le projet est bien nuancé.
Tu nous parles de ton dernier morceau qui est en feat avec Malter, peux-tu nous parler de tes choix par rapport aux feat du projet ?
Les deux feat sont avec Brass et Malter, ce sont deux artistes qui habitent pas loin de chez nous. De base, j’avais déjà fait un feat avec Brass sur mon dernier projet et on a fait connaissance, c’était un peu le feat brouillon : on était satisfait mais ce n’était pas ce qui nous convenait le mieux. Et ensuite, on a fait des sessions avec Keno. Malter est meilleur pote avec Brass, un peu comme Keno et moi : ça fait un peu deux duos et on s’est très vite bien entendu. Au début, quand on faisait des sessions, on n’arrivait même pas à bosser parce qu’on se tapait des barres, on faisait des jeux, on faisait des concours d’anecdotes… 4 gamins vraiment ! Aujourd’hui, Brass et Malter, sont nos potes donc c’est vraiment un projet en famille. Puis, on a appris avec eux : Malter m’impressionne à chaque fois et j’aime trop comment écrit Brass.
Est-ce que tu as des attentes au niveau de ton public ? Notamment par rapport à tout ce que tu m’as raconté sur l’évolution de ta musique.
Je pense que les gens qui me suivaient déjà avant, vont accrocher le train, parce que ça n’a pas non plus été un changement radical; on ne parle pas de Disiz qui fait de la punk d’un coup et qui change de style de musique. Je pense que l’évolution est naturelle. Moi en tant qu’auditeur, quand j’écoutais du Dinos et du Luidji à l’époque, je les voyais évoluer mais je suis resté dans le train parce que c’était logique et j’ai grandi en même temps qu’eux. C’est l’évolution logique. Mais je n’ai pas trop d’attente, on a fait le projet en kiffant de ouf tous les morceaux. C’est vrai que ce projet est moins mainstream, il est plus sincère et authentique. Mais je n’ai pas du tout de peur ou d’attente au niveau du public. C’est plus, globalement, s’il va faire son petit bruit et si les gens vont capter la connexion.
Il y de nouveaux projets qui se profilent à l’horizon ?
Il y a une vibe qui se crée avec Brass et Malter ! Puis pour les projets futurs on aimerait bien que Keno soit autant mis en avant que moi un peu à la Roméo et Le Motel. Comme on fait tout ensemble et qu’il me conseille beaucoup. Mais c’est quand on le sentira et si c’est naturellement fait. Puis, que ce soit des singles, des projets, des maquettes, on a envie de continuer et de faire pleins de trucs. Mais pour l’instant c’est Wisteria !
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Keno nous parle du projet
Chester écrivait avec beaucoup de réflexion, chez lui tout seul. Pour ce projet, on est entrés dans un autre processus. C’est une écriture plus spontanée. Pour moi, c’est plus intéressant et pertinent que son écriture très réfléchie où il va creuser pendant des heures. Pour ceux qui connaissent bien la plume de Chester, ils verront une simplification, mais pas forcément dans le sens facile. Il a juste simplifié son propos avec moins de mots et plus d’espace. C’est quelque chose de plus moderne. Puis, la simplification, c’est ce qui lui fallait exactement à ce moment-là. Limite il écrit mieux !
On a voulu mettre plus de profondeur que les trucs très fun qu’on avait l’habitude de faire. On a volontairement développé une vibe spéciale. Cette évolution se ressent aussi dans sa manière de rapper : il rappe plus doucement, il a posé sa voix et ça donne une profondeur qu’il n’avait pas avant, parce qu’il faisait des timbres très élevés avec une grosse intensité. C’était un exercice intéressant de se plier à certains trucs, autant moi dans l’arrangement où je devais respecter des trucs de refrains et de couplets… Nos tracks c’est 2min20, 1min58, 2min40 : on est entrés dans des critères qui font qu’on peut passer en radio théoriquement, on correspond au format dont les gens on l’habitude aujourd’hui, il n’y a pas de troisième couplet, les flows sont exposés. On s’est mis un cadre, mais on a pris du plaisir, ce cadre a été créatif pour nous.
Sur le format, on aurait très bien pu faire un 9 morceaux mais on s’est limité à 6 parce qu’on s’est dit que les 3 de plus étaient super, mais ne rendaient pas le projet aussi carré qu’il l’est. En vrai c’est compliqué parce qu’on se juge différemment, par exemple, on va être attaché à des tracks pour des raisons qui ne sont pas légitimes. On a eu la sagesse de ne garder que les 6 premiers tracks.
Ce projet est authentique et sincère, on a fait exactement le son qu’on voudrait écouter, le son qu’on aime. C’est ça qu’on cherche et rien d’autre. On a travaillé ensemble et c’est cool parce que ça se ressent. Ce travail commun était intéressant dans le sens où je sais assez bien ce qu’il veut, donc même si lui ne sait pas vraiment où aller, moi je sais, on se complète. Puis moi, je ne place pas beaucoup de prod, je préfère suivre et m’investir dans des projets. C’est pour ça que dans le futur j’aimerai m’afficher davantage.
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Merci à Chester et Keno pour cette superbe discussion. Merci à Chloé pour avoir organisé cette rencontre.
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