Caballero & JeanJass – Double hélice 3

Mis en orbite grâce à Double hélice 2, les astronautes Caballero et JeanJass troquent l’hélicoptère pour une fusée et mettent cap vers l’espace avec Double hélice 3. À voler trop près du soleil, notre groupe fétiche se brûle les pales. La navette s’écrase en plein vol et les belges accouchent d’un disque plus niais et inoffensif que le Shiba Inu sur la pochette. Meilleurs pilotes dans le ciel que dans l’exosphère ? 

Objectif lune

La base de lancement Bruxelles-Charleroi est en pleine effervescence. Tous les regards, de la Belgique à la France, sont braqués vers Double hélice 3. Présenté en grandes pompes sur les réseaux, l’album s’annonce comme le nouvel exploit du groupe le plus drôle du Royaume. Un duo maintenant plébiscité dans tous les festivals d’Europe et de Navarre, qui anime son propre programme sur Vice. Le regard fier, Caballero et JeanJass enfilent leur scaphandre et prennent place dans le cockpit.

Le Roi Heenok entame le compte à rebours : trois, deux, un… décollage ! Chacun retient son souffle. Les moteurs prennent feu, l’image tremble et la fusée s’envole. Quelques instants, on y croit. L’engin semble en route pour les étoiles. Puis catastrophe ! Un réacteur lâche et l’appareil explose dès les premières minutes de vol, avant même d’atteindre la stratosphère. Les singles moins goûteux dévoilés ces derniers mois n’ont pas menti : le volume trois se révèle moins savoureux.

En autopilote

Fort de son premier succès, le duo décline sa recette à l’infini et change à peine l’assaisonnement d’un titre à l’autre. Un même gimmick joue en boucle sur les refrains, des voix autotunées à outrance procurent une mélodie forcée et des flows simplistes pompent le style à la mode Damso. Qui plus est, les sur-couches de vocoder ne comblent pas le manque évident de matière grise injectée dans le projet. Les pilotes, qu’on dit sous opiacées dans « Clonez-moi », sont-ils même présents à bord ?

Vu à quel point cet album malmène leur plume, il eut été préférable que nos héros activent directement le siège éjectable. Les rimes sont plus que prévisibles et, comme un block-buster qu’on aurait déjà spoilé, on voit peu d’intérêt à rester jusqu’à la fin, si ce n’est pour finir son pop-corn. Quelques clins d’oeil aux précédents volumes pour satisfaire les fans, un brin d’égo-trip pour garder la forme, et voilà. Bah quoi, on ne va pas réinventer la roue à chaque nouvelle sortie !

Lueur d’espoir sur fond de Booba, « La lettre – Pt. 2 » rappelle que nos cosmonautes préférés savent toujours écrire des histoires drôles et trouver des angles inédits, quand il en font l’effort. Dans ce titre épistolaire, ils imaginent leurs vieux jours, après la gloire et l’argent. Un concept congru, tant le reste de l’album évoque davantage les vieux poussifs et attachants de Space Cowboys que le génie créatif de Mark Watney. Heureusement, nos aventuriers ne sont pas si démunis que le héros de Seul sur Mars.

Houston, do you copy?

Bien qu’en danger, Caballero et JeanJass comptent avec avec une équipe de professionnels formés à la survie. Justement, l’intérêt de cet album réside dans ses producteurs et ses invités. Alors que Krisy et Roméo Elvis peinent à ajuster les coordonnées d’une navette déjà à la dérive, Sofiane et Hamza sauvent l’équipage de justesse. Sans colmater toutes les brèches dans la carlingue, la bonne facture des instrumentales contribue enfin grandement à stabiliser l’appareil.

Posté dans la tour de contrôle, Benjay commence par redresser la trajectoire avec l’excellent « Le Monde a changé », entêtant et lumineux comme une supernova. Eazy Dew, Sear Cabe, Dee Eye et l’inénarrable Ponko, signent a minima un très bon titre chacun. J’en veux pour preuve le lunaire « Toujours les mêmes, » les plus solaires « Bae » et « Pepsi », ainsi que le trou noir « ALZ. » Seulement, même une bande originale à la Hans Zimmer ne garantit pas un film digne de Christopher Nolan.

Kamoulox

Ici, les effets spéciaux cachent difficilement la vacuité du scénario. Côté lyrics, on s’ennuie tellement qu’on se croit dans Interstellar : à bord de DH3, le temps passe dix fois plus lentement que sur Terre. Clichés et formules vides de sens s’entrechoquent comme des débris d’astéroïdes. Un amas de philosophie de comptoir débité sans grande certitude. Depuis l’espace, les Super Saiyan 3 font mine de s’intéresser mollement à des sujets de société, pourvu qu’ils rentrent dans une punchline.

Nos aventuriers du cosmos touchent le fond avec « Dégueulasse », qui les fait régresser au stade phallique, avec un humour pipi-caca plus que douteux. « Pour rester poli, je fais caca sur toi, » alors qu’au fond « la vie, c’est vraiment beau. » Franchement, les amis… Maintenant que vous jouez dans la cour des grands, votre public mérite mieux que ça. Sans compter que gâcher une prod de Stromae et BBL, pour le coup, ça c’est dégueulasse !
Il est sage de conclure que Double hélice 3 a une carte à jouer chez les trois à sept ans. Les moins de quinze l’apprécieront sûrement d’une oreille curieuse. Néanmoins, un conseil à toute personne majeure : retournez écouter les premiers volumes et priez pour que la weed californienne n’ait pas totalement percé le crâne de nos chouchous de Studio Planet. Car force est de le constater : en ce moment, Caballero et JeanJass nous font infiniment plus rire dans High et Fines Herbes que sur disque.

Écoutez Double hélice 3 de Caballero et JeanJass

Florian Perraudin-Houssard

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