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Busta Flex fête les 20 ans de son album classique

Qui peut contester que Busta Flex a mis un grand coup de pied dans la fourmilière du rap français des années 90 ? Peu de monde, même ses plus grands détracteurs. Arrivé comme un cheveu sur la soupe au milieu des années 90, Busta s’est d’abord imposé par ses habiles acrobaties verbales. Des joutes orales qui, rapidement, exploseront le paysage rap hexagonal, suscitant jalousie et convoitise. Après l’épisode Lone, son mentor qui lui a mis le pied à l’étrier, le rappeur du 93 finira par signer son premier album (éponyme) chez Warner, sous la direction artistique de son aîné et voisin, Kool Shen. L’album devient alors un challenge réussi pour le jeune artiste, qui obtient alors son premier disque d’or. 20 ans après, Busta Flex est revenu avec nous sur les secrets de cette pièce maîtresse du rap français.

The BackPackerz : Peux-tu nous raconter tes premiers souvenirs de rap ?
Busta Flex : Mes premiers souvenirs se trouvent dans ma chambre. J’ai commencé à rapper à cause d’un grand de ma cité à Épinay sur Seine, qui s’appelait Ator. Il n’a jamais sorti de disque, mais il participait à beaucoup d’événements. Ce qu’il chantait me plaisait. En plus de ce que mon frère ramenait comme son à la maison, Ator était une influence car il était à proximité. Dans les artistes, j’aimais énormément IAM, NTM ou Les Little. Après on a fondé le groupe Original Blue Fonk avec mon frère.
Tu t’es imposé dans ce milieu par tes freestyles très techniques. Pourquoi avoir opté pour les freestyles et non des morceaux enregistrés ?
Je n’ai pas pesé le pour et le contre immédiatement. Les freestyles étaient plus simples pour moi, car il y avait un côté plus spontané. Quand tu n’as plus de textes, tu ne peux plus continuer à rapper. Contrairement aux freestyles, où tu peux te lâcher continuellement. C’est une sensation de laisser-aller. Et plus cette sensation te pousse, plus tu as envie de la matérialiser avec des mots et du flow.
Ton premier maxi Kicke avec mes Nike est sorti en white label à 3000 exemplaires, produit par le label La Sauce Production. Quel a été l’impact de ce premier disque ?
Ce disque a été perçu comme un OVNI car je n’avais pas encore de carte de visite. Le public ne me connaissait alors qu’à travers mes freestyles à la radio. Je n’avais rien fait encore « de concret ». Je voulais vraiment y apposer mes influences américaines. J’avais compris que la forme était très importante, autant que le fond. Le milieu du rap a  pris cela pour de l’arrogance, car les rimes étaient riches, le style novateur… je venais de nulle part, donc ce disque a été une grosse surprise. Ce maxi m’a ouvert plein de portes. Kick avec Mes Nike est en plus un titre dancefloor, qui passait en soirée.

En fait, tu es arrivé avec un style très proche des rappeurs américains. Cette démarche semblait déranger certaines personnes dans le monde établi du rap français. Comment as-tu vécu cette période ?
Je l’ai très mal vécu en fait car je suis arrivé dans ce milieu avec un esprit Hip Hop loving fun. Si je paraissais prétentieux et arrogant dans mes freestyles, cela restait uniquement de l’égo trip. Il n’y avait rien de personnel. Cette attitude était plus de la surenchère et du second degré. Ce style n’était pas encore présent en France donc certains n’admettaient pas que j’avais brûlé certaines étapes. En plus je ne comprenais pas ces jalousies car j’étais dans le partage. Mon but a toujours été d’impressionner la galerie, et de surpasser la concurrence.
Tu as donc travaillé après avec Lone sur son album solo. Puis il est devenu ton producteur. Quelle était votre relation de travail ?
Lone m’a d’abord invité sur un titre de son album. Vu que la collaboration s’était bien passée, il m’a proposé d’enregistrer sur deux autres titres. L’ambiance en studio était ludique. Ensuite il a décidé de devenir mon producteur. J’ai beaucoup appris à ses côtés. Lone était un rappeur confirmé. Nous étions complémentaires. Moi j’avais la fraîcheur, et lui l’expérience. Je ramenais des samples. Il y avait une vraie collaboration sans limite entre nous deux.

La réédition de ton premier album est-elle une volonté de ta part ou une initiative de la maison de disque ?
J’ai voulu fêter les 20 ans de cet album. Avec mon manager, on a contacté la maison de disque, Warner. Ils ont accepté cette réédition pour célébrer cet anniversaire. C’est un album disque d’or, qui a marqué une génération. Cela me permet aussi d’annoncer mon retour avec la sortie d’un nouvel album à la fin de l’année.
Quelles étaient les conditions dans lesquelles tu étais lors de l’enregistrement de cet album ?
C’était mon premier album solo et il était réalisé par Kool Shen de NTM. Les conditions étaient très confortables car j’avais signé dans une major. On enregistrait donc dans un gros studio. Il fallait que j’écrive des textes avec du fond. Kool Shen m’a beaucoup aidé sur ce point là. Je devais prendre du recul et me concentrer pour savoir comment je me positionnais sur ce que j’avais vécu jusque là. Ce travail a été très intense. Car je voulais garder le flow en étoffant le contenu. Kool Shen a su bien me canaliser. En écoutant l’album, la plupart des textes sont à thème.

Aujourd’hui, as-tu des retours sur l’influence de cet album sur le rap français ?
Les jeunes et moins jeunes me parlent de cet album tous les jours. Les réactions des auditeurs me font toujours plaisir. Ils me racontent souvent leurs souvenirs par rapport à certains morceaux. D’autres me disent que cet album leur a donné l’envie de rapper.
Kool Shen a réalisé cet album. Peux-tu nous raconter ta rencontre avec les NTM ? Quelle était la nature de vos relations ?
Notre relation était plus de l’ordre du grand frère. Il a l’âge de mon grand frère. Nos rapports étaient très familiers. La rencontre s’est déroulée par hasard à Sony Music. Kool Shen m’a immédiatement proposé de réaliser mon premier album en sélectionnant la maison de disque de mon choix. J’ai accepté.
NTM réalisait dans la même période l’enregistrement de leur dernier album. Ils enregistraient dans le même studio. J’en ai profité pour m’imprégner de leur ambiance et de leur expérience. Ils venaient aussi me voir pour me donner des conseils. J’ai participé à leur album, et ils ont participé au mien. Le travail avec Kool Shen a été par la suite très bénéfique pour ma carrière.

Tu as récemment participé à leur concert à l’hôtel Accor Arena. Avez-vous toujours entretenu cette relation ?
Nous avons toujours été en contact. Même si nous nous sommes tous occupés après de nos projets chacun dans notre coin. J’ai participé à leur Bercy en 2008, puis à la tournée. En 2014, j’ai rappelé Kool Shen pour enregistrer le remix de Soldat avec Lord Kossity et Zoxea. Nous nous sommes donc revus dernièrement pour ce concert en 2018. Ce dernier concert a été un des meilleurs que l’on ait fait ensemble. Car nous étions plus matures et expérimentés. La motivation était décuplée. Les sensations m’ont parues plus fortes.
Depuis ce premier album, tu as sorti plusieurs projets. Quel bilan tires-tu de la suite de ta carrière ?
Ce premier album m’a permis de tourner en concert. Le public réclame les chansons de cet album. Je me dis parfois que si je n’avais sorti que cet album. Il aurait suffi à assurer ma carrière. C’est le projet qui a été le plus exposé. Pour le public, Busta Flex demeure Mon job à plein temps, Kicke avec Mes Nike...Mais cet aspect ne me dérange pas. Au contraire, cet album m’a assuré la prospérité. Je continue néanmoins à évoluer et à tenter.
Ton contrat avec Warner s’est terminé en 2006. Est-ce que cette rupture n’a t’elle pas stoppé ta carrière ?
Complètement. Même avant, puisque j’ai ressenti cet arrêt à la sortie de mon troisième album en 2003. A ce moment, il y a eu des changements au sein du personnel chez Warner. La maison de disque m’a mis à l’écart. Je ne pouvais plus rien sortir. Personne ne voulait s’occuper de mes projets. Le public m’a alors oublié. Le retour a été très compliqué à gérer. Car entre 2003 et 2006, je n’ai rien sorti. Des nouvelles têtes sont arrivées, les gens m’ont oublié. Mon dernier album chez Warner est sorti au mois de juillet pendant les vacances, sans promotion. C’était le signe, que Warner voulait se débarrasser définitivement de moi.
Le public connaît moins cet aspect de ta carrière, mais tu es également beatmaker. Comment s’est déclenché cette envie de composer ?
A force de traîner dans les studios, voire des producteurs comme Sulee B, Zoxea ou Sully Sefil m’a donné l’envie. J’ai aussi écouté énormément de producteurs américains. J’ai donc décidé de toucher les machines. J’avais déjà plus ou moins commencé avec Lone en emmenant mes propres samples en lui donnant des directives de travail. Mon frère avait également un sampler  à la maison. J’avais donc un peu de connaissances mais aucune pratique. Une fois que j’ai acheté une MPC, c’est Mélo Pheelo des Sages Poètes de la Rue, qui me donnait les bases par téléphone. J’ai encore des lacunes dans ce domaine. Car parfois, ce sont des producteurs extérieurs, qui viennent finaliser mon travail.
Que penses-tu de l’évolution du freestyle aujourd’hui ?
Cette discipline n’intéresse plus les jeunes générations car cela ne fait pas partie de leur culture. Mais je ne suis pas déçu ou nostalgique. Le freestyle ne fait plus partie des codes du rap aujourd’hui. Forcément les jeunes ne le pratiquent pas. Si je devais influencer un jeune à pratiquer cette discipline, je lui dirais de lire un maximum. Ceci dans le but de retenir le plus de mots possibles.
Tu as participé à la tournée de L’Age d’Or du Rap Français. Tu as même réalisé un titre BZR pour la tournée. Que reste-t-il de cette période ?
Il reste ce que les médias laissent diffuser. Les radios ne font pas de piqûre de rappel. Il faut vraiment s’y intéresser pour avoir des informations. Je ne pense pas donc que ça captive les jeunes. Même dans le rap, personne ne fait des références à cette période. Les jeunes se tournent plus vers l’avenir, ce qui est logique. Je côtoie des jeunes au quotidien, qui passent dans mon studio. Ils ne me reconnaissent pas. A la différence des États Unis, où les radios diffusent dans la journée des artistes comme Rakim ou Run DMC. Cette tournée a été utile dans ce sens. Et elle est arrivée au bon moment. Le public a répondu présent, car tous les zéniths étaient complets. Dans les salles, il y avait des jeunes, qui accompagnaient leurs parents. C’était un bon rendez vous, mais ce n’est plus à refaire.
Serais-tu tenté de collaborer ou produire un jeune artiste ?
J’apprécie des artistes moins âgés comme Niro, Lefa ou Alonzo. Dans la production, j’ai déjà œuvré pour un petit de mon quartier, Hornet La Frappe. Je pense que ce sera le dernier. Pendant quatre ans, je l’ai lancé dans le game. Je l’ai fait apparaître sur mes projets. Je lui ai sorti un EP et des clips. Depuis il a signé chez Warner. Il vole de ses propres ailes. Je préfère me concentrer sur la suite de ma carrière. Par ailleurs, j’ai un EP, qui va sortir en juin.

Crédits photo : Geoffrey Delamarre
Remerciements : Jocelyn Mathieu

Rémi Chervier

Ayant vécu « l’âge d’or » du Jazz Rap et de la West Coast, il est dans son élément avec Kendrick Lamar, Joey Bada$$ et consorts. Amateur de Jazz, Soul et autres RnBeats.

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