Il y a quelques jours, le vétéran texan Bernard Freeman, alias Bun B (44 ans), annonçait qu’il travaillait sur son prochain album, son premier depuis 2013 et Trill O.G: The Epilogue. Une bonne nouvelle qui nous a donné envie de revenir sur la carrière et la personnalité de l’un des rappeurs les plus respectés de l’industrie.
Bien sûr, quand on pense à Bun B, on pense d’abord à UGK. Normal, puisque le duo qu’il forme avec le regretté Pimp C fut l’un des plus efficaces et complémentaires que le rap game ait jamais connu. L’alliance entre la rigueur de Bun et le rap chanté plus chill du Pimp a ainsi permis aux Underground Kingz de marquer un paquet de générations entre les années 90 et le début des années 2000 à travers six albums studio (tout de même), en amenant un air nouveau sur le son de l’époque et en plaçant définitivement le Texas sur la carte du hip-hop. Le sommet de leur popularité intervient en 1999, lorsque Jay-Z les invite sur son tube « Big Pimpin' ». Pour l’anecdote, sachez d’ailleurs que c’est Bun B qui a dû convaincre Pimp C d’accepter ce featuring, car ce dernier n’était pas du tout fan du morceau, le trouvant « trop pop ».
Suite au tragique décès de son compère Pimp C en 2007, Bun B embrasse pleinement une carrière solo qu’il avait déjà entamé quelques années plus tôt. Entre 2005 et 2010, il sort ainsi une trilogie d’albums « Trill » (Trill, II Trill, Trill O.G, vous remarquerez l’effort sur les jeux de mots). Sans être des classiques instantanés, chacun de ces projets fut émaillé de quelques singles alternant succès commercial et/ou succès critique, tels que « Draped Up », « Damn I’m Cold » ou encore « Let ‘Em Know », produit par DJ Premier (qui, au passage, est également originaire du Texas, et non de New York).
En parallèle de ses propres albums, Bun B est surtout devenu dans les années l’un des rois des featurings, apparaissant sur un nombre incalculable de morceaux de collègues, de Lil Wayne à The Game en passant par Drake, Killer Mike, Jeezy, A$AP Rocky et même Beyoncé. Selon moi, cette forte sollicitation tient (notamment) à un atout que possède Bun et que l’on oublie trop souvent dans ce qui sépare un bon rappeur d’un grand rappeur : la voix. Comme Biggie, Tupac, Nas, Jay-Z ou aujourd’hui Kendrick Lamar, le Texan possède une voix reconnaissable entre mille, et ce en une fraction de seconde. Ainsi, avec sa sonorité à la fois grave, profonde et un poil nasillarde, un artiste était certain d’apporter une texture nouvelle à son morceau en faisant appel à ses services.
Le revers de la médaille, c’est que ces rappeurs prenaient aussi le risque de se faire « tuer » sur leur propre track, soit l’une des plus grandes hantises de tout rappeur qui se respecte. A titre personnel (certes, mon avis est probablement biaisé), je me rappelle notamment de « Mirrors », extrait du premier album studio de Wale, dans lequel l’entrée de Bun B au second refrain donne vraiment l’impression d’un petit « t’es bien gentil fiston, mais laisse faire papa maintenant ». Non ?
Dans les années 2010 – même s’il sort un quatrième album Trill OG: The Epilogue en 2013 – Bun B s’éloigne quelque peu des studios pour se consacrer à d’autres activités, tout en gardant l’amour du hip-hop comme fil conducteur. En 2011, Bernard Freeman devient ainsi professeur à la prestigieuse Rice University, où il dispense un cours intitulé « Religion and Hip-Hop Culture » (trop la classe). Un statut qu’il rappellera (« I’m a College Professor ! ») à un supporter de Trump qui le traitait de « tough guy », dans une vidéo qui a récemment fait le buzz, transformant Bun B en véritable porte-parole de la résistance anti-raciste, notamment suite aux nauséabondes manifestations de Charlottesville.
Plus récemment encore, Bun s’est engagé intensément dans l’aide aux victimes des terribles inondations de Houston provoquées par l’ouragan Harvey. Il confiait la semaine dernière à nos confrères de Mass Appeal qu’il était en train de « mettre en place des solutions pour lever des fonds à grande échelle » tout en rappelant que la priorité à l’instant T était de « sauver des vies », car l’argent n’allait pas sauver les personnes âgées coincées dans leurs maisons.
Bref, en plus d’être un grand rappeur, le Trill OG est un humaniste, un activiste. On ne s’en rend pas assez compte d’ici, mais il faut bien comprendre que Bun B est considéré comme une vraie légende vivante, respecté et apprécié de tous, de par sa personnalité et son professionnalisme.
Malgré ces multiples engagements et activités annexes, Bun B ne compte pas abandonner pour autant son premier métier : rappeur. Après être apparu cette année sur un titre de Kodak Black (« Candy Paint ») puis avoir dévoilé les singles « Gametime » puis « KnowWhatImSayin », le Texan a annoncé il y a quelques semaines qu’il était actuellement en train de travailler sur un nouvel album. Et pour l’assister dans cette tâche, il a choisi d’engager le talentueux Big K.R.I.T. (un autre Southerner) en tant que « coordinateur musical ». Il précise ainsi : « Big K.R.I.T. s’occupe de la production de l’album. Il chante même dessus, mais, plus important, il m’aide à construire un son qui m’est propre ». Selon lui, ce projet est « fou » : « Je pense que les gens n’ont aucune idée de ce que je leur réserve. Il y aura un niveau de profondeur que je n’ai jamais atteint dans certaines des chansons ». Cet album pourrait simplement s’intituler Bernard, car il représente une facette de sa personnalité qui lui a pris « 43 ans à appréhender et à exprimer correctement ».
Keep it Trill, Bun B !
Photo : Maigen Sawyer
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