Buddy – Harlan & Alondra

Juiillet 2018

Buddy

Harlan & Alondra

Note :

Un peu moins de quarante minutes. Voilà ce qu’il aura fallu à Buddy pour emporter louanges et enthousiasme autour de son premier LP. Harlan & Alondra sort au cœur de l’été et se révèle déjà comme un joli tour de force qui, assurément, étoffe la déjà mignonne carte de visite d’une autre étoile de Compton. Le Californien profite d’une prose posée et de son aisance au micro pour distiller des sonorités aux inspirations riches et variées qui servent un récit plein de recul. Balade.

L.A. a toujours été le terrain de jeu de Buddy. Le MC originaire de Compton, une place forte s’il en est, a aussi eu la chance d’être élevé dans un contexte moins défavorisé que d’autres anonymes ou célébrités du quartier. Quartier auquel il rend un déférent hommage en donnant son nom à son dernier opus en date (Harlan et Alondra étant le nom du croisement qui l’a vu grandir). Et il faut croire que Buddy, comme bien d’autres, se reconnait et se définit dans cette filiation dont il veut faire de son oeuvre un héritage. Harlan & Alondra est un bel opus et vraiment un petit bijou de ce que le rap Californien sait faire de mieux.

‘Cali sunshine’ à la production

Les productions de cet opus sont assurées par des grands au rang desquels on peut citer Jake One, DJ Khalil, Brody Brown ou encore Mike&Keys. À priori, s’ils n’ont pas tous été nourris au soleil californien, ils en ont compris l’essence. Cuivres ronds et chauds, basses profondes et chill, il ne reste plus qu’à aligner les notes de clavier qui allongeront les mélodies et leur rendront leur sensualité pour illustrer la sève des productions du projet. La phrase est pourtant facile et un tantinet réductrice si on prête attention aux sonorités qui irriguent Harlan & Alondra. Soul, funk, G funk, breakbeat et même quelques mesures empruntées au disco rendent ce projet dynamique, inspiré et franchement agréable à dérouler.

Il ressort d’ailleurs de cet album cette volonté de l’artiste d’épouser et de rendre hommage aux artistes et styles qui lui ont permis d’entamer ce voyage artistique. La filiation avec N.E.R.D. sur « Trouble on Central » pour celui qui a été le poulain de Pharrell Williams est toute trouvée. Tout comme la séniorité (en âge comme en talent) d’un Snoop avec toujours un style d’avance sur son auditoire sur l’élégant « The Blue ».

Si Harlan & Alondra est une affaire d’hommages et de clins d’œil, il y est aussi question d’émancipation, de parcours et d’interrogations sur le sens de la vie, la célébrité, les amours et finalement, la pertinence de croire au Destin.

Emancipation du cool

Le talent de Buddy a très tôt attiré le regard de l’une des icônes de l’industrie en la personne de Pharrell Williams. C’est clairement une chance mais qui, comme toute chose, a son revers. Malgré les opportunités et la visibilité offertes par le gourou du cool, Buddy a vite découvert les côtés piégeux dont recèle cette situation. Sans s’en donner l’air, il les énumère dans son projet. Il y détaille par exemple la difficulté à explorer son âme artistique, le poids d’assumer une nouvelle célébrité certes basée sur des « produits » artistiques mais dont la renommée et la profondeur n’ont pas encore atteint leur quintessence.

C’est justement après s’être émancipé artistiquement de l’aura de Pharrell que Buddy propose ce projet. Et le signe en posant sa plume sur des histoires intimes aussi variées que l’amour (« Speechless »), les drogues (« Trippin »), sa défiance vis à vis de la jeunesse  – dont il n’est plus sûr qu’il s’agisse du meilleur âge de la vie – (« Young ») ou tout simplement la difficulté à s’assumer quotidiennement (« Real Life S**t »).

En tous les cas, en donnant son adresse dès le titre de l’opus, Buddy n’a pas peur de réciter son intimité et d’y convier son public. Sans ambage, il y raconte sa réalité et le chemin qui l’y a amené non sans convier quelques camarades pour l’étoffer.

Des contributeurs de haut vol

La force d’Harlan & Alondra tient aussi dans la qualité des invités. Si nous avons déjà évoqué l’équipe de production, Buddy et son carnet d’adresse ont su proposer des featurings soigneusement choisis et des contributeurs à faire pâlir même des artistes à la carrière plus étoffée (Terrace Martin, Snoop Dogg, André 3000, Big Boi, Erykah Badu…). Voilà quelques noms qui émaillent la liste des invités. Et pour les connaisseurs de ces artistes, il apparait naturel de les voir crédités tant l’opus reflète leur filiation et leur influence. Il ne s’agit en aucun cas d’un album hommage, juste d’un coup de main inspiré à un jeune talent en train d’exploser.

Chacun y distille sa touche et apporte quelques part une légitimité au thème abordé dans le morceau. Le lien Est – West avec A$AP Ferg sur le puissant « Black » pour universaliser le propos, la voix doucereuse et légère de Khalid sur « Trippin » ou le chill de Snoop sur « The Blue » servent la musicalité et le prose.

A l’heure des playlists et des tracklists pléthoriques, Buddy suit le mantra de Kanye West qui assure que tout ce qu’on a à dire sur un opus peut l’être en sept morceaux et trente minutes. S’il n’a pas fait aussi condensé, il livre un album dans lequel il parcourt différentes influences musicales qui donnent un relief et une esthétique savoureux à cet opus remarquable en bien des points. Du recul, du récit, des mots choisis et posés, une balade musicale variée d’un morceau à l’autre, les prises de risque sur les sonorités et les thèmes abordés (« Trippin » vs « The Blue » par exemple) sont autant d’observations et d’épithètes qui caractérisent Harlan & Alondra et promettent à Buddy l’avenir doré qu’avait entrevu Pharrell Williams. La narration porte sur un double ton fait de distanciation et de rapprochement, de prise de recul et d’éléments universels plus prosaïques. En tous le cas, son sujet est maitrisé et ses maitres à penser peuvent être fiers de la copie proposée par Buddy. Un bel opus qui nous accompagnera bien au-delà de l’été.

Buddy – Harlan & Alondra

Buddy

Harlan & Alondra