Durant ses quatre années d’existence, le roaster de BROCKHAMPTON a connu quelques légers mouvements d’effectifs, notamment avec les départs de graphistes et photographes considérés comme des membres à part entière du groupe. Néanmoins, jamais un interprète n’avait quitté cette aventure. Le départ d’Ameer Vann en mai dernier, annoncé par son ami Kevin Abstract, a remis en question leur processus entier de création.
Effectivement, Ameer Vann était devenu avec SATURATION l’image de BROCKHAMPTON, en figurant sur les trois jaquettes de la trilogie et en prouvant à chacune de ses apparitions qu’il était le rappeur le plus charismatique du crew. Si son départ est on ne peut plus compréhensible (de lourdes accusations d’agressions sexuelles planant sur lui), le groupe se retrouve face à une absence importante à combler musicalement. L’occasion idéale de démontrer à nouveau que chez BROCKHAMPTON, la star c’est l’équipe.
Il faudra peu de temps pour en être à nouveau convaincu, à vrai dire deux morceaux, « New Orleans » et « Thug Life ». Un départ canon sublimé par les arrivées brutales de Joba et Jaden Smith puis une balade en hommage à l’une de leurs idoles, 2Pac.
Jusqu’ici, ce type d’enchaînement n’a rien de nouveau pour qui est déjà familier à leurs productions. Là où le groupe surprend, c’est sur cette transition entre les sons qui rend l’écoute bien plus agréable et qui ne condamne pas l’album à n’être qu’un simple enchaînement d’highlights, reproche récurrent à la trilogie SATURATION.
Œuvre collective plus consistante, iridescence reste ce grand laboratoire rempli des influences de BROCKHAMPTON : Kanye West, Odd Future, M.I.A. ou Kid Cudi résonneront sans doute au fil de vos écoutes, selon votre background musical où vos talents de repérage de samples (ceux de Radiohead et Beyoncé sont particulièrement marquants). Toutefois, il n’est pas question de minimiser la qualité intrinsèque des membres, chacun faisant ici honneur à l’irisation (traduction d’iridescence), identité de l’opus.
« Propriété qu’ont certains corps de diffuser des rayons colorés comme l’arc-en-ciel. » – définition symbolisée par le visuel de l’album, où l’on découvre la thermographie d’une femme enceinte. La température, c’est précisément ce que les membres du boys-band font monter tout au long de l’album à coups de morceaux progressifs comme « District » et « Honey » où de bangers tels que « J’ouvert » et « Vivid ».
Au cœur de l’album, rap, r&b et pop se succèdent sans accroc grâce à leur versatilité et au choix payant d’installer des moments de respirations bienvenus comme l’interlude « Loophole » avec Cam’Ron ou les confessions touchantes de Kevin Abstract sur « Something About Him ».
Quinze tracks durant, lui et ses amis reviennent sur ces derniers mois de doutes et de déceptions, conséquences du départ forcé d’Ameer Vann qui a donné naissance à cet album brut et honnête.
Quelques jours après son départ, le groupe décide d’annuler le reste de sa tournée américaine pour se regrouper, renforcer les liens et garder confiance en ce projet fou démarré il y a cinq ans seulement. Entre confiance et espoir, BROCKHAMPTON reste fidèle à son ADN, comme le décrit si bien Joba – révélation de l’album – sur « Weight » :
Cause we’re born with a dollar sign attached to our temple
Life is a dish served cold most times
And all my life I’ve taken handfuls
Force-fed by the hand that feeds us
But not all hands created equal
I stand by, waiting for something good to come
In due time, the skies will split for the sun to smile
Jeunes globe-trotters, ils mentionnent leur attachement à Londres, New-Orleans et Berlin, mais c’est bien à San Marcos que tout a commencé pour eux. Ils ne se privent donc pas de rendre un bel hommage à leur fief texan sur le morceau éponyme magnifié par la collaboration de la chorale gospel londonienne.
iridescence trouve donc sa force dans les nombreux lieux où il a été pensé et affirmé mais aussi dans son caractère unique, lui qui est le successeur de Puppy et Team Effort, deux albums annulés à la suite de la controverse Ameer Vann. L’histoire d’un rebond musical donc, réalisé en dix jours seulement dans l’antre mythique d’Abbey Road, là où très peu d’albums hip-hop ont eu l’honneur d’être enregistrés.
Clin d’œil de l’histoire, le dernier album à avoir eu ce privilège est Late Orchestration, la réédition live de Late Registration, deuxième album de Kanye West. Quatre ans après avoir recruté la majorité de ses collègues sur le forum KanyeToThe réservé aux admirateurs de Ye, Kevin Abstract peut être fier du chemin accompli. En effet, après de longs mois d’incertitudes, BROCKHAMPTON continue de nous intriguer avec iridescence, précieux reflet des belles années qu’ils sont en train de vivre. À l’aube de cette nouvelle trilogie, le boys-band le plus créatif de sa génération n’est donc pas prêt de redescendre de son petit nuage.
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