Une histoire familiale complexe, quelques allers-retours mouvementés entre le Portugal et la Belgique et un amour immodéré pour les arts du spectacle depuis son plus jeune âge ; voilà quelques traits de la vie de la jeune Salomé Dos Santos. Une voix suave, granuleuse et profonde à la Macy Gray, un flow modulable et un petit peu du R&B de Sade et de Beyoncé dans ses influences ; voilà quelques pistes servant à détourer Blu Samu.
Certains diggers avertis la connaissent déjà depuis (au moins) l’année dernière par le biais de son morceau clippé « I Run », d’autres l’ont découverte cet été avec son excellent second EP intitulé Moka , référence au surnom que lui a donné sa grand-mère. L’artiste, aujourd’hui âgée de vingt-trois ans, témoigne déjà d’une maturité saisissante dans ses choix artistiques et semble promise à un avenir radieux dans le quatrième art.
BACKPACKERZ : Pourquoi avoir choisi l’anglais pour tes textes ?
Blu Samu : J’ai grandi au Portugal jusqu’à mes six ans donc à la base j’ai appris le portugais, mais j’étais fan des dessins animés Cartoon Network, donc l’anglais est vite devenu ma deuxième langue. Après avoir déménagé en Belgique, j’ai aussi appris le flamand parce que j’habitais à Anvers, et le français est venu plus tard. Mais pour moi l’anglais a été la langue avec laquelle je m’exprimais le mieux. Déjà à un jeune âge, j’écrivais en anglais.
Anvers et Bruxelles sont deux villes aux univers culturels assez différents, qu’est-ce que cela t’a apporté dans ta musique ?
Anvers m’a inspiré mais c’était plus pour le côté « galère » et les difficultés que j’avais à l’époque, je me sentais plutôt seule là-bas. Bruxelles m’a vraiment poussé à créer ma musique, il y a une scène vivante et familiale donc ça m’a encore plus inspiré dans le sens où la musique se partage avec des gens qui sont dans la même vibe, et c’est la ville qui m’a donné la motivation pour lancer ma carrière.
Ta musique combine plusieurs genres et tu alternes entre passages chantés et passages rappés, comment la qualifierais-tu ?
Pour l’instant il n’y’a pas moyen de catégoriser ma musique. C’est vraiment de la soul, du funk… ça dépend dans quel mood je suis. J’ai des morceaux que je n’ai pas encore sortis qui sont très noirs et très rock. J’aime le fait de ne pas être dans une case. J’expérimente plein de trucs. Pour mon prochain projet j’espère mettre encore plus de moi, dans la composition aussi. Et je crois que le jour où je ferai un album, ça sera aussi dur à catégoriser… (rires)
La culture portugaise tient une place importante dans ta vie, mais pas encore tout à fait dans ta musique…
Oui, tu peux retrouver un peu du Portugal dans ma musique mais ce n’est pas encore très flagrant. Il y a la Saudade, qui est nostalgique, un peu triste et c’est très typique du Fado au Portugal. Mais oui, pour l’instant il n’y a pas plus d’influences que ça.
Sur le morceau « GanGang » tu rappes quelques bars en portugais et c’est le faya, est-ce que tu as en tête un projet de morceau ou d’album en portugais ?
C’est d’office dans mes plans ! Je joue déjà un morceau en live qui a un couplet complet en portugais. J’ai envie de le faire, mais j’ai envie de bien le faire. Le portugais est ma langue maternelle mais je le parle moins souvent qu’avant, donc j’ai un peu perdu. Je me rappelle qu’avant lorsque je regardais Nelly Furtado et que je l’entendais parler je me disais : « Ah, mais elle parle même pas bien le portugais, elle est censée représenter ! » Donc quand je le ferai, je ferai en sorte que ça soit propre et classe.
Une certaine mélancolie se dégage de certains de tes morceaux et le thème de l’amour est plutôt récurrent chez toi, à quel point Salomé se verse-elle dans Blu Samu ?
A 100% ! Si je n’avais pas eu cette enfance, je n’aurais surement pas eu les mêmes envies. J’ai eu une enfance difficile et j’ai toujours voulu me battre pour mon futur. Ma musique est très influencée par l’enfant qui est en moi.
Qu’est-ce qui te plait dans le fait de raconter des histoires ?
Pour moi c’est assez thérapeutique, ça me soulage de pouvoir mettre ça sur papier, tu lâches un peu de toi et tu vas le partager avec plein de monde.
Le clip de ton morceau « Nathy » est construit comme un court métrage, peux-tu nous parler de sa conception ?
Au début j’avais écrit une idée pour le clip, puis on est parti chercher quelqu’un qui sortait d’une école de cinéma, Robin Knudsen, qui a complètement changé l’histoire, il a juste gardé la fin : le moment où je crie et je fais exploser les têtes des gens qui viennent me ‘hagar’. J’étais super fan de cette idée parce que je me suis dit : « on utilise souvent la force, des armes, tout ça… » et moi je voulais que ça soit mon cri qui arrête les balles ou qui stoppe complètement mon adversaire. Je voulais que ça soit mon cri parce que ma force est là, c’est mon pouvoir ! Pas de crier bien sûr mais de pouvoir m’exprimer. Donc on a gardé la fin et Robin a juste rajouté le fait que les têtes explosent, j’ai trouvé ça génial, c’était trop marrant !
Pour le reste du clip, il a fait évoluer l’idée que j’avais au début, basé sur le style du film Léon. Mais je voulais que ça soit plus subtil. Quand il m’a fait lire l’histoire j’ai fait : « Ouais ! le couple qui est amoureux ! le dance battle ! ça qui énerve l’autre ! Génial ! »
D’ailleurs les gens présents dans le clip, ce sont des acteurs ?
Alors ça ! C’est la meilleure question ! Les gens et le jury dans le trailer park, ce sont tous des gens qui habitaient là-bas. Peet et celui qui joue son rival sont acteurs ; les deux potes au rival sont acteurs aussi et tout le reste ce sont des figurants. Les gens du trailer park sont des figurants ; ils étaient en train de faire de la pétanque un dimanche, et on leur a proposé, ils nous ont dit : « Allez c’est parti ! » C’était amusant de faire ça avec eux, ils étaient méga-sympas ; en plus je trouve que ça rend bien dans le clip, tu vois vraiment que ce sont des gens qui habitent là-bas.
Ton clip « Goose » me fait un peu penser à du Twin Peaks…
Ah, je ne connais pas… Du coup non ce n’est pas inspiré de ça. On l’a fait avec une équipe qui vient d’Allemagne. Ce sont des potes que j’ai depuis mes 16 ans, mais que je n’avais jamais rencontrés avant. Elle (ndlr : Andjani Gatzweiler) m’a recontacté il y a un an et m’a dit : « je viens d’ouvrir ma boite de production, il faut que je te fasse un clip ! »
A l’époque, on faisait déjà des petites vidéos musicales en animé donc je savais qu’elle avait un certain talent pour le dessin. J’avais envie de le faire ; elle est venue et on a fait le clip ensemble. Je lui avais dit que je voulais des influences d’animés dedans, mais elle avait déjà tout le plan en tête ! « T’inquiète, je vais te dessiner là-bas et tu vas faire ça et bababam ! » C’était deux fans folles d’animé ensemble ! Et je vais checker Twin Peaks aussi alors…
Y a-t-il des artistes que tu rêves de rencontrer ?
Je le dis à chaque fois mais j’ai vraiment envie de rencontrer Kaytranada. J’avais déjà dit ça à quelqu’un qui m’avait répondu : « Ouais il a sa patte mais c’est passé… » Mais mec, ce type pour moi, il sera jamais passé de mode, j’ai super envie de le rencontrer et, pourquoi pas, de faire un truc ensemble. J’ai aussi envie de rencontrer Tyler, The Creator parce qu’il est très impressionnant. Et il y a encore plein d’artistes comme ça, mais la liste est longue, très longue…
Doit-on s’attendre à un premier album pour bientôt ?
Je crois que j’aimerais bien laisser les gens en suspens… donc je n’ai pas de réponse! Il y a un clip ou deux qui vont sortir bientôt, mais pour l’album je ne préfère pas m’exprimer… Alors stay tuned !
Tu as récemment participé à une mixtape d’Harry Fraud avec d’autres excellents rappeurs qui a débouché sur un concert à l’Elysée Montmartre, comment c’était ?
C’était cool de rencontrer Harry Fraud, on a jammé ensemble, ça fait toujours plaisir de pouvoir travailler avec quelqu’un qui vient de plus loin, ça donne un boost pour ta musique. Après c’était aussi cool parce que j’ai rencontré Slimka et Di-Meh pour la première fois, je les ai vu en live et j’étais là : « Whoa ! » Ce sont de vraies rockstars sur scène ! C’était vraiment chouette parce que maintenant on est en contact, non pas qu’on soit déjà des méga-potes mais on va dire que les présentations sont faites et dès qu’ils passent en concert, tu peux être sûr que j’y serai. C’était aussi chouette de voir Krisy, je ne l’avais jamais vu avant sur scène et c’était le faya !
Dans « Sade Blu », tu chantes : « I’m already thinking about tomorrow », où se projette Blu Samu demain ?
Demain je fais le MaMa Festival (rires) ! Je me vois faire des concerts partout, pas encore dans le monde entier, je vois surtout l’Europe et peut être le Brésil… Du coup quand je ferais mon projet en portugais, j’espère qu’ils m’inviteront…
L’excuse est toute trouvée pour aller au Brésil…
Exactement ! Et je vois aussi une Blu Samu qui a composé, qui a grandi dans ce qu’elle fait et qui est juste… une artiste heureuse.
Cet entretien a été préparé et réalisé conjointement avec Basqui.
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