BEN plg – Dans nos yeux

Le 28 juin 2019, le Suprême NTM, pour son concert au stade Pierre Mauroy à Villeneuve-d’Ascq, près de Lille, fait appel à un rappeur de la région, BEN plg pour assurer sa première partie. Ce dernier accompagnera également le groupe lors d’un concert à Bruxelles la semaine suivante. Si tout semble opposer le groupe mythique du rap français, pur produit de la Seine-Saint-Denis des années quatre-vingt-dix, au jeune rappeur originaire de Tourcoing, le côté brut de décoffrage, sans détour et authentique des textes de ce dernier ainsi que son amour pour le rap justifient sa présence sur scène lors de cette première partie.

Enfant de la balle

Avec Dans nos yeux, BEN plg, tout au long des 14 titres qui composent l’album, montre qu’il est un enfant du rap et revendique ses références dès le premier morceau « Cœur propre et mains sales » :

Pour le jour où on m’enterre, ce sera Salif et Niro en BO

D’entrée, ce morceau donne le ton de l’album qui oscille entre introspection, mélancolie, constat social et morceaux plus énervés à la limite de l’egotrip avec ici ou là quelques touches d’autotune pour agrémenter les refrains.

On peut reconnaître directement l’influence du rap français des années quatre-vingt-dix et deux mille sur l’écriture de BEN plg. Que ce soit dans la structure de ses morceaux, dans sa façon de rapper mais également dans son écriture. Même si BEN plg n’a sûrement pas les mêmes expériences de vie qu’un Salif (auquel il rend d’ailleurs hommage en reprenant son morceau « J’hésite ») ou d’un Niro, il ne se créée pas pour autant un personnage et raconte son vécu dans le nord de la France avec autant de puissance et de sincérité. Sa force réside en effet dans sa faculté à parler des différentes périodes de sa vie, de son enfance « parfumée au Martini, arrière-goût d’Picon ou d’martinet », de son adolescence et de ses errances nocturnes dans les rues du centre-ville en faisant ressentir chez l’auditeur une large palette d’émotions.

Sa vie, la vraie

Cet album fait la part belle aux relations humaines où BEN plg prouve à plusieurs reprises l’amour et l’admiration qu’il porte aux siens que ce soit à travers la pochette de l’album où on le retrouve entouré de ses proches dans un PMU mais aussi dans ses clips dans lesquels on peut deviner son petit frère dans « J’hésite » ou sa grand-mère dans « Ton âme ».

Tout le long du disque, BEN plg fait effectivement de très nombreuses fois référence à sa famille et ceux qui l’entourent  :

Faut qu’tu croises le regard de mon grand-père, que tu goûtes la recette de ma famille.

L’album évoque également des côtés plus sombres de la vie comme les addictions, la peur de la solitude, la pauvreté ou la perte de certains proches mais BEN plg ne paraît pas pessimiste pour autant. Au contraire, il se sert de ses expériences passées pour aller de l’avant et affronter la vie, la tête dans le guidon.

BEN plg ne fait ni dans la victimisation, ni dans le misérabilisme. Malgré les coups portés par la vie et les blessures qui en résultent, il porte toujours un regard tendre, nostalgique et rempli d’humanité sur son passé et l’environnement qui l’a vu grandir « Dans mes rêves, j’t’emmènerai rendre visite à ma mère / Parcourir les terres qui m’ont forgé, visiter les briques rouges et les fermes. »

L’album produit entièrement par Cadillac Prod et Murer (lequel a déjà produit le précédent EP Pour la gloire) a de quoi séduire les adeptes du rap français des années 2000’s tout comme ceux plus friands de productions actuelles. L’album varie en effet entre des productions trap sur des boucles de piano  comme sur « Cœur propre et mains sales » et des sonorités plus orientales et électro comme dans « Nabil » ou « La nuit » mais également des sons plus calmes avec des refrains chantés dans « Elle a » et « Ton âme ».

Avec ce deuxième projet sorti en fin d’année 2020, BEN plg livre donc une belle carte de visite sur la scène du rap français et se démarque des nombreuses sorties en rap francophone par sa facilité à s’approprier les codes du rap d’aujourd’hui et d’hier, sa sincérité et sa justesse dans l’écriture qui font passer trois-quarts d’heure de plaisir à son auditeur.


Cette chronique est une contribution libre proposée par Florent Pérocheau.

La Rédac

BACKPACKERZ, c’est une grande mif de NERDZ réunis par l’amour du son et le goût du partage. Une équipe d’explorateurs passionnés, qui sillonnent la galaxie rap et les nébuleuses voisines, à la recherche de ses futures étoiles.

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