Bas, l’éperon de Dreamville Records, prend du galon et s’affirme comme un lieutenant sérieux en sortant Milky Way, album tout en découvertes et décontraction. Un goût de maturité dans son rap qu’il est toujours appréciable de retrouver. Mais qui peut aussi s’avérer piégeux pour la suite.
Milky Way ou la voie(x) lactée
S’il est relativement peu question d’astronomie dans l’opus de Bas, il est certain en revanche que cet album semble sortir avec quelques semaines de retard. Semaines qui auraient pu le faire émerger au cœur de l’été, à l’heure où les plus chanceux peuvent se perdre en pensées et élucubrations qui font aussi les belles soirées d’été entre potes. De ces soirées où, quand on y pense, il est possible de voir plus d’étoiles qu’à l’accoutumée et de discerner cette fameuse Voie lactée. OK l’affaire est lourdement amenée mais il faut dire qu’elle permet aussi de souligner la légèreté des thèmes et des tons que Bas adopte dans son second projet aux côtés de J. Cole.
Bas y est tout en décontraction et nonchalance, laissant traîner son flow dès le tocsin du beat qui tuera la mélancolie. En effet si ses lyrics oscillent entre la joie et la réflexion, les beats proposés sur cet opus sont assurément la marque la plus tangible de sa prise de risque et de l’assurance qui transpirent de cet album. Pourtant, et on l’entend, Bas s’est entouré de ses pointures habituelles. La direction artistique a donc choisi un angle différent de ce qu’il proposait jusqu’alors et a aussi du se remettre en question. En confiant à Ron Gilmore (déjà architecte de Too High To Riot), J Cole, Sango ou encore Childish Major (entre autres) les clés du studio, il savait qu’il avançait bien chaussé mais il a aussi su leur proposer de sortir de leur zone de confort pour chatouiller le meilleur de nos aspirations.
Dès l’intro, Bas prend son temps pour écarter le rideau et soigner son entrée en scène. Juste au moment où l’auditeur se dit qu’il a fait le tour de la boucle ciselée par Ron Gilmore et Meez et que la voix d’Ari Lennox n’a pas encore illuminé le track, « Icarus » prend son envol et l’opus avec lui. Pour autant les sonorités sont douces et inondent les oreilles de notes savamment orchestrées qui forment une invitation au chill.
Le ton est donné, les notes sont de saison : légères et virevoltantes comme les feuilles qui commencent à abandonner les branches d’été. Si l’allégorie est pesamment amenée, il n’en reste pas moins qu’on sent la liberté artistique offerte par J. Cole à ses protégés et l’implication sur commande qu’il manifeste sur leurs projets. En explorant des sonorités un peu trap par leur tempo et les basses lourdes qui signent les productions, surtout inscrites dans le son du temps et en y ajoutant souvent des claviers pour la légèreté (« Purge ») Bas avance son flow nonchalamment. Non qu’il se moque de son auditoire et entre en studio comme au resto, juste qu’il est sur de son fait, de ce qu’il prévoit de faire de ce beat et de la destination qu’il indique à ceux qui prêtent l’oreille.
Inutile d’épiloguer, Bas livre un joyeux opus de quatorze titres plein de talent et pétri des qualités qui font du hip hop le genre musical le plus mouvant et sûrement le plus régénérant de l’histoire moderne de la musique. Si l’exploration peut être le pilier d’un avis sur cet opus (le mélange de sonorités afro et euro-dance de « Sanufa » en ont bluffé plus d’un), il n’a pas non plus le crédit d’un 808s & Heartbreak voire tout simplement d’un album très novateur. Il a cependant le don d’illustrer le fait que le hip hop se nourrit de tous les genres ; et Bas d’assumer qu’il a choisi une posture musicale pour ce projet. Assurément une réussite qui contient des morceaux qui ont marqué l’été (enfin la fin) et d’autres qui auraient su le rendre plus chaud encore. À remettre dans les playlists rétrospectives voire pour certains tracks (« Barack Obama Special » et son rythme anémique) parmi les plus marquantes de l’année.