Quand Bambaataa soutenait la RATP face aux tagueurs
Parmi les pièces fameuses réunies par l’exposition Hip-hop : du Bronx aux rues arabes à l’Institut du Monde arabe, il en est une qui a du faire bondir les amateurs, ou au moins faire lever leurs sourcils: une lettre d’Afrika Bambaataa et des rois et reines Zulu français, décrétant « que les « tags » dans le métro sont du vandalisme qui nuit à la popularité du hip-hop et à l’image de la Zulu Nation »…
L’un des fondateurs du mode de vie hip-hop du côté de la RATP face aux tagueurs français, voilà qui n’était pas vraiment attendu: d’autant plus que la pratique du tag sur transports en commun est une pratique typiquement new-yorkaise. Les grands maîtres de la Zulu Nation précisent leur pensée dans le courrier adressé aux membres de l’organisation : « [L]es Zulus français ne doivent pas confondre le métro parisien avec celui de New-York (sic) : le métro parisien est sans aucun doute le plus beau et le moins cher du monde, c’est, de plus, un moyen de transport qui est à la disposition de tout un chacun et de même que vous n’iriez pas « taguer » votre propre voiture ou celle de vos parents, vous ne devez pas « massacrer » le métro qui est pour la plupart d’entre nous « notre voiture », la seule que nous puissions nous permettre d’avoir… »
Autrement dit, le métro new-yorkais, vétuste et dégradé, bénéficie finalement des brûlures des tagueurs, quand le Parisien, lui, serait bien plus reluisant, et n’aurait donc pas besoin de ces rafraîchissements… Ce serait oublier que le métro constituait surtout un moyen de communication : tout au long de la ligne, c’est le nom du tagueur/graffeur qui circulait dans la ville…
De la récupération à la répression
Le ton adopté par la missive est assez péremptoire: les signataires « interdisent [aux] membres de commettre cet acte anti-zulu qui transgresse les lois 2-3-10 et 16 de l’Universelle Zulu Nation », indiquent-ils. Cette interdiction interne sera dédoublée en mars 1994 par le Code pénal français avec les articles 322-1 et suivants, qui visent explicitement « le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain ». Queen Candy, un des reines de la Nation Zulu, exclura le tag des expressions hip-hop, à l’exception de ceux réalisés sur des sticks, plus simples à retirer.
Du côté RATP, le tag fait rapidement l’objet de campagne médiatique : d’abord pour attirer de jeunes voyageurs, avec les publicités « Ticket chic, ticket choc » en 1984, pour lesquelles elle embauche l’Américain Futura 2000, puis, avec le concours des JT TV, pour dénigrer les tags des activistes français. À l’époque, la RATP met en avant une douloureuse de 100.000 francs entre 1986 et 1990 pour le nettoyage des tags. La facture choque les téléspectateurs, mais des petits enquêteurs souligneront que Air France a dépensé peu ou prou la même somme pour l’entretien de ses avions, sans que ces derniers ne soient la cible des graffiteurs…
crédits image à la une : Azyle, métro parisien, via CroC