Excellant aussi bien dans le chant que dans le rap, dans sa plus pure définition, Bakari construit son univers musical pierre par pierre sans précipitation. Avec son premier projet, Kaléidoscope, il a bâti les solides fondations de sa carrière, en s’assurant que rien ne soit laissé au hasard. Une direction artistique variée qui l’a amené à collaborer avec des artistes comme Isha ou encore la talentueuse et sulfureuse Jäde. En attendant que de nouveaux singles sortent et qu’un nouveau projet voit le jour, Bakari nous a gâté d’une série de freestyles: trois amuse-bouche salivants annonçant les saveurs que l’on retrouvera dans les prochains projets.
BACKPACKERZ : Tu viens de sortir une série de freestyles dans lesquels on retrouve des samples de morceaux iconiques. Qu’avais-tu envie de démontrer avec cette démarche ?
Bakari : Cette série de freestyles, c’était pour introduire la suite. Ça m’a permis d’introduire mon univers. Dans la musique que je fais, il y a beaucoup de références; que ce soit dans le fond ou dans la forme, je m’inspire de tout les styles musicaux. Je veux que, lorsque les gens écouteront un morceau de Bakari dans un ou deux ans, ils sauront déjà à quoi s’attendre parce qu’ils auront identifié les références du mec.
On sent beaucoup d’influences afro dans ta musique. Cela semble important pour toi que les gens comprennent ta culture et comment tu en es arrivé là.
C’est exactement ça ! Parce que moi je ne suis pas né en Belgique, je suis pas de là bas. Il faut savoir que j’ai passé environ 8 ans de ma vie en Afrique, presque toute mon enfance, donc je reste énormément attaché à mes racines. C’est important pour moi que mes origines et ma culture transparaissent dans ma musique, parce que c’est une partie intégrante de qui je suis.
Sur « Kanye West », tu dis : « J’enrichis mes pensées ». Ton rap est dans sa globalité plein de valeurs. Qu’as-tu envie de transmettre principalement à travers ta musique ?
Déjà je parle beaucoup de ma ville, beaucoup de ma vie, j’essaye de pas en rajouter et montrer les choses telles qu’elles le sont. Ma musique c’est ma vie, c’est mes potes, le clan en général, c’est comme ça qu’on pense chez nous.
Kaléidoscope était un album très rap, et on peut voir à travers tes freestyles que tu essayes d’avoir des sonorités différentes, comme si tu voulais donner à ta musique un aspect plus universel.
Ouais mais c’est fait un peu involontairement. Aujourd’hui, j’écoute de moins en moins de rap. Ce que j’écoute, ça va dans tout les sens, n’importe quel genre, mais moins de rap. Un album rap, je vais l’écouter une fois, deux fois, je vais piocher les sons que j’aime bien mais après je vais vite m’en lasser. Je suis vraiment dans une démarche de découverte. Maintenant, je veux écouter d’autres choses, et inévitablement, ça se répercute sur ma musique. Le rap, j’ai l’impression que j’ai saigné le truc et qu’il y a moins de fraîcheur quand j’en écoute. C’est en tout cas mon point de vue d’auditeur.
Même à travers le titre éponyme du projet, on sent qu’il y a cette envie d’explorer et d’avoir une vision éclectique de la musique. C’est déjà inscrit dans le titre même du projet.
J’avais à cœur de montrer plusieurs facettes de moi-même et de ce que je suis capable de faire. Encore une fois, que ce soit aussi bien sur le fond que sur la forme, il fallait montrer plusieurs facettes pour qu’on comprenne qui je suis et quelles sont mes volontés artistiques. Cela a permis aussi de voir sur quel terrain je suis le plus à l’aise, ce qui a le plus plu aux gens, essayer de trouver un juste milieu et créer un son qui soit homogène, à mi-chemin entre le rap et le chant.
Il y a des morceaux avec Sofiane Pamart qui arrivent. Ces collaborations sont-elles aussi le symbole de cette ambition de donner une autre dimension à ta musique ?
La collaboration avec Sofiane, elle s’est faite un peu naturellement. On a des gens en commun dans nos équipes respectives qui ont fait le lien entre nous. Ensuite c’est allé vite, on nous a réuni en studio et depuis c’est devenu le poto. On s’entend hyper bien et ce jour là on a pondu deux morceaux. Mais oui, il m’a permis d’aller sur des terrains dans lesquels j’avais pas forcément l’habitude d’évoluer.
Kaléidoscope était presque exclusivement produit par Junio Beats. Est-ce une association qui est vouée à se répéter ?
Oui, il est sur 5 des 7 tracks du projet. C’est sûr et certain qu’on va être amené à retravailler ensemble. Il y a encore plein de sons sur lesquels on a bossé ensemble qui ne sont pas sortis. On a une vraie connexion et puis c’est le premier producteur qui m’a vraiment poussé. Sur Kaléidoscope, il était vraiment impliqué, il m’envoyait plein de prods, il me conseillait en studio mais il était aussi hyper à l’écoute quand il fallait modifier une prod. Que ce soit humainement ou musicalement, il m’a compris et on s’est compris, donc c’est toujours un plaisir de travailler avec lui.
Tu as aussi fait un feat avec Isha, « Ailleurs ». Comment s’est faite la connexion ?
C’est la même histoire que pour Sofiane en fait. Des connaissances en commun qui se côtoient depuis longtemps et qui nous ont réuni en studio. On a pas mal parlé de ce qu’on pouvait faire avant de se lancer. On a fait un premier morceau qu’on a pas trop kiffé, puis un deuxième, « Ailleurs », qui était le son qu’on voulait faire.
Comment expliques-tu que la scène belge arrive tant à se démarquer et arrive à avoir son propre grain ?
Je pense que c’est parce qu’on est moins complexé que les français. On est moins frileux, on est plus impulsifs et du coup on a pas peur de tenter des choses et d’expérimenter, d’aller chercher des sonorités dans lesquelles on a pas l’habitude d’aller. Il y a des codes français assez strictes desquels tu ne peux pas vraiment sortir sinon les gens sont perdus et mécontents. En Belgique, on est un peu plus libres, sur la forme notamment. On a aussi envie de faire exploser les cases. On fait de la musique, on est des artistes. Je pense que l’art c’est un des seuls endroits, dans ce monde qui est un peu bizarre, où on peut se permettre de ne pas mettre de barrières. Parce que le seul but des artistes c’est de créer, donc il n’y a aucune raison de se mettre des barrières ou de vouloir rentrer dans des cases. Va à gauche, à droite, comme tu veux, l’important c’est de créer quelque chose.
A quoi peut-on s’attendre pour la suite ? Quel chemin est en train de prendre ta musique ?
Attendez vous à tout ! On sait tout faire et on a envie de tout explorer. On va tout donner pour créer et faire quelque chose de beau. Je fais la musique que j’aime et la musique que j’écoute, c’est selon mes inspirations du jour. Un jour, je vais avoir envie de chanter, l’autre je vais avoir envie de rapper… Il y a un côté très intuitif dans ma musique, ça peut m’arriver de faire des journées de studio et d’en ressortir sans avoir fait un seul titre parce que je n’avais pas d’inspiration et que je ne le sentais pas. Je ne me force jamais à créer sous prétexte que je suis en studio, je ne triche jamais sur ce que je dis, je reste honnête.
Ta musique est de toute façon trop honnête pour tricher. Tu dis « Tes rappeurs chantent la vie qu’ils n’ont pas », et on ressent chez toi cette transparence dans ta musique.
Évidemment. Déjà je ne peux pas me mentir à moi-même, je ne peux pas mentir aux gens qui m’écoutent mais il y aussi à mes côtés mon équipe, ma famille, mes amis… Donc si je dis des dingueries dans des sons, ce serait aussi leur mentir à eux. Mes darons, ils me connaissent très bien, si je raconte n’importe quoi dans mes morceaux ils vont se dire: « Mais il est fou ou quoi? ».
Tu disais sur Kaléidoscope être « un jeune padawan ». Avec ce qui arrive, tu penses devenir un Jedi ?
(Rires) Je suis pas un Jedi, je suis un Sith moi ! Du côté obscur de la Force (rires).
Merci au charmeur Nathanaël Habibi d’avoir organisé cette rencontre.
Un grand merci à Sandra Gomes pour ces beaux clichés qui ornent l’article.
Merci aux Wetakeoff Studios pour l’acceuil chaleureux.
En préparant cette interview, je me suis rendu compte que tu en avais déjà fait…
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