Entouré d’une solide équipe expérimentée, ce jeune talent surprend, force l’admiration et attise la curiosité. Venant de dévoiler le second volet de New State, l’occasion fut toute trouvée pour échanger avec cet artiste souriant et avenant, afin de mieux appréhender son univers et sa direction artistique. Rencontre avec l’avenir du rap belge.
Ton second volet New state 2 est arrivé assez vite après le premier du nom. Comment as tu pensé ce second volet ? Avais-tu en tête dès le début l’idée d’en faire deux volumes?
Le premier volet s’est fait dans un contexte de Covid où je ne pouvais continuer ma série de freestyles. Comme j’avais pas mal de sons de côté, l’idée à alors été de regrouper les sons que j’aimais mais qui avaient des couleurs différentes, pour pouvoir présenter une palette de ma musique, de mon art et occuper le terrain. C’est Isha qui m’avait alors soufflé l’idée. La cover, qui représente ma pièce d’identité, est une présentation de quelque chose, on est dans l’idée de la démonstration.
Et là New State 2, c’est comme si c’était mon premier EP en fait. Parce que celui-là je l’ai construit, j’ai pensé l’intro, l’alchimie des sons. C’est pour cela qu’il y a 8 sons. C’est vraiment celui qui mérite de porter le nom de EP, contrairement au premier qui a été plus pensé dans l’urgence du contexte sanitaire. Pour la cover du second volume, je présente justement ma pièce d’identité, ma musique. C’est clairement l’idée ici.
Peut-on imaginer qu’il y ait un troisième volet?
Oui je ne vais pas m’arrêter là. Musicalement, pour New State 3, je souhaite aller encore plus loin dans ce que je compte présenter, tant en terme musical qu’en terme de proposition artistique. Je vais également essayer de pousser un peu le nombre de titres présents.
Est-ce trop tôt pour toi pour envisager un premier album?
C’est une démarche artistique que j’aimerais marquer. Après les 3 New State, j’aimerais que les gens puissent s’imaginer ce dont je suis capable artistiquement en essayant de les surprendre avec mon premier album.
Parle nous du choix des invités sur cet opus…
Il y a d’abord Frenetik. Je le connais en dehors de la musique. Bruxelles déjà c’est petit, tous les rappeurs se connaissent, on fréquente les mêmes endroits. Nous savions que nous allions faire un titre ensemble, l’occasion s’est ici présentée nous n’avons pas hésité un instant. Je suis très proche de cet artiste mais aussi de l’homme.
Roméo Elvis est un artiste qui avait partagé ma musique spontanément lors de New State 1. C’est le second grand artiste après Niska a avoir partagé ma musique. On s’est ensuite rencontré, on s’est trouvé de nombreux points communs notamment dans le foot. Puis Roméo connaissait déjà bien Stan et Isha, donc le contact a été facilité aussi. Ce son a été fait deux ans après notre rencontre, avant cela ça a été humain avant tout entre nous.
Dans quelles conditions de création s’est déroulée l’élaboration de ce projet ? Est-ce que certains titres datent du premier volet ?
Tout a été fait après le premier volet. J’ai essayé pas mal de choses, sans faire de calcul. J’ai enregistré à la fois au Studio Papachango mais aussi directement avec les beatmakers notamment La Miellerie (composé de Siméon et BBL) et Berry Prod qui est un gars qui a notamment placé pour Booba.
Ton univers musical est assez pointu, très « ambiançant », comment penses-tu ta musique? Lors de la création, imagines-tu les titres pour la scène?
Je fonctionne à l’énergie. De base je suis quelqu’un de très excentrique, j’aime danser, c’est mon énergie de base. Je ne pense pas forcément à cela lors de la composition mais ça se termine souvent comme ça tout de même (rire).
Tu as de la famille au UK. Ont-ils été moteur pour toi dans ta découverte de la drill?
J’écoutais de la Grime avant même que ça arrive ici grâce à mes cousins. Je n’ai pas encore trouvé comment l’intégrer à ma musique mais je vais essayer que ça soit au programme du troisième volume de New State. C’est quelque chose que j’ai en tête comme la musique congolaise également que je souhaite pouvoir intégrer.
Musicalement tu es très tourné vers ce qui se fait aux US. Stan est très pointu dans le domaine, j’imagine qu’il te fait découvrir des choses…
J’ai la chance d’avoir Stan qui m’encadre depuis un certain temps et qui me permet de me faire découvrir tout un volet du rap US que je n’ai pas vécu de par mon âge. Après moi je plus Atlanta et Chicago du fait de mes influences propres mais comme ça reste les US, beaucoup de choses se rejoignent néanmoins.
L’imagerie autour de ton art est très soignée. On sent que tu travailles énormément cet aspect…
Niveau imagerie, j’aime bien le côté noble des choses. J’aime tout ce qui est bourgeois. Dans l’histoire, je ne regarde pas les films de gangsters mais plutôt les films d’histoire sur la France ou l’Angleterre. Je me suis toujours demandé pourquoi nous les noirs nous n’avions pas eu ce côté bourgeois. A l’image je suis persuadé que ça donnerait vraiment bien et c’est pour ça que j’essaie de développer cela dans mes clips, allier la rue et le chic. Quand je vois Gazo qui fait de la pub pour Céline, pour moi c’est ça que je veux comme imagerie pour l’avenir de notre musique.
Pour tes clips, comment travailles-tu avec les réalisateurs?
Quand je fais un son, mon inspiration est visuelle dans ma tête. J’aime également apprendre des gens du métier. Je laisse leur créativité s’exprimer tout en leur donnant au départ l’idée que j’ai de la direction que je souhaite donner à chaque clip. J’ai en effet souvent les idées très claires sur ce que je veux pour mes clips, j’espère que cela va durer.
Le second degré semble être à présent ta marque de fabrique. Tu travailles cet aspect ou c’est vraiment naturel?
Ça vient de mes parents, de mon éducation. Mes parents m’ont eu jeune, autour de 20 ans, donc j’ai grandi avec des parents jeunes qui ont un discours assez direct. Chez nous les congolais, on minimise la gravité des choses de la vie par le second degrés. Mes parents sont des grands moqueurs. Donc l’humour c’est une manière de communiquer entre nous, dans toute ma famille. Pour les gens, c’est du second degré, mais pour moi c’est spontané, je suis câblé ainsi.
Tu es très proche du club de foot d’Anderlecht. Parle nous de ton rapport au club, au foot…
J’étais en sport étude jusqu’à mes 19 ans, je suis allé jusqu’en réserve. J’ai un cousin qui est allé super loin dans le foot. On est donc une famille de rappeurs et de footballeurs, donc tout est lié chez moi. Je connais plus le foot que le rap, ça reste en moi, à vie.
Il y a un élément central dans ta carrière je pense, c’est la qualité de l’équipe qui t’entoure. Tu te retrouves entouré de Isha, Stan, Green Montana… Tu te retrouves à faire des concerts à leurs côtés à La Gaité par exemple. Qu’est ce que ça t’apporte d’évoluer aux contacts de ces personnes?
C’est entourage là pour moi c’est que du bénéfice. J’apprends beaucoup à leur contact. Il y a deux catégories d’âges dans cet équipe. D’un côté Isha et Stan qui sont plus âgés et qui viennent de ma ville, qui sont comme des grands frères. Et de l’autre côté il ya Green, qui ne vient pas de ma ville mais qui est de ma génération. Cette diversité me permet d’apprendre beaucoup à leur contact en attendant que ça soit mon tour, j’acquière énormément d’expérience, de lucidité. J’ai appris qu’il ne fallait pas courir après le buzz, mais après des shows, une fanbase. C’est une vraie chance d’être aussi bien entouré, ça m’évite des erreurs notamment. Je connais ma place, aujourd’hui c’est Green qui est au-dessus et pourtant il a toujours gardé le respect pour Isha et Stan. Je suis le petit dernier qui essaie de faire son trou, de prendre l’aspiration de Green. De le voir éclore me fait dire que je peux également le faire, c’est ce qui m’a motivé à leur faire confiance. C’est une équipe solide, saine et bienveillante.
Comment juges-tu la dynamique actuelle du rap belge?
Nous avons moins de moyens que vous, nous avons moins de bons studios, moins de maisons de disques. Nous nous travaillons notre art pour nous déjà, chaque artiste cherche à sonner d’une manière originale, sans ressembler à son voisin. En France, chaque mois voit éclore de nouveaux artistes, nous c’est plus calme, on prend le temps. On connaît toutes les équipes, on se connaît tous en réalité. L’équipe qui travaille avec Frenetik, je la connaissais avant même qu’elle bosse avec lui. Chacun travaille dans sa salle du temps puis présente son travail à ces gens-là qui nous accompagnent ensuite pour sortir notre musique. Chez vous, des grands de cités deviennent producteurs, nous nous n’avons pas ça. Ici on doit rendre des devoirs, faire nos armes avant qu’on se fasse produire. Les crocs chez nous se justifient par les moyens qu’on met.
Tu es récemment devenu papa, qu’est ce que ça change dans ta manière d’appréhender ta musique ?
Je l’ai eu en période de deuxième vague. J’ai changé ma façon d’être, j’étais très spontané. En étant papa, les choses changent, le sens des responsabilités prend le dessus, j’ai pris conscience de beaucoup de choses. J’ai toujours été sérieux mais à présent mes efforts sont redoublés car je veux que mon fils sache que son père s’est toujours battu pour ce qu’il souhaitait faire. Je veux être un modèle pour lui.
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