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August Greene – August Greene

Formé par trois artistes de génie (Common, Robert Glasper et Karriems Riggins), August Greene vient de sortir un disque difficilement classable mais qui ne laisse certainement pas indifférent.

August Greene n’est pas le dernier rappeur à la mode. C’est ce que l’on appelle désormais un « super groupe » réunissant trois musiciens d’exception. Pour nous, le plus connu est le rappeur de Chicago Common. Pour ce projet, il s’est entouré du pianiste de jazz Robert Glasper et du batteur Karriem Riggins. Si officiellement, le groupe s’est formé en 2018, la première fois que l’on a entendu le nom d’August Greene, c’était sur le dernier album en date de Common, Black America Again. En effet, les trois musiciens sont amis de longue date et collaborent depuis une vingtaine d’années. Leur osmose est telle qu’un de leurs premiers morceaux en tant que groupe a été récompensé par un Primetime Emmy Award for Outstanding Original Music and Lyrics. Il s’agissait du titre « Letter to the Free », qui servait de B.O. à un documentaire produit par Netflix, 13th. Fort de ce prix et de la reconnaissance de leur travail, les trois artistes ont décidé de poursuivre l’aventure commune et d’aller plus loin en réalisant carrément un album. En créant August Greene et en sortant un projet éponyme de 11 titres, c’est un peu comme s’ils avaient en quelque sorte bouclé la boucle.

Un mélange d’univers

En développant une musique mature et moderne à la fois, ils réussissent à merveille la fusion du jazz et du hip-hop, le tout saupoudré d’un léger soupçon de R&B, un cocktail comme un symbole de la beauté et de la richesse de la musique noire. Musicalement, le geste est précis et rien ne vient alourdir la mélodie, il y a juste ce qu’il faut là où il faut, sans plus de fioritures. Robert Glasper et Karriem Riggins développent leur science pour offrir un écrin à Common et leur musique laisse facilement passer l’émotion et offre même quelques instant de grâce. Ceci dit, ce n’est sans doute pas un hasard si le premier titre qui est sorti est « Optimistic« , une reprise d’un hit des Sounds of Blackness qui date de 1991 et laisse une grosse place à Brandy. C’est clairement le morceau le plus accessible pour le grand public au sein d’un disque qui, malgré sa beauté, apparaît un peu confidentiel car très jazzy, même s’il est porté par un duo de musiciens au sommet de leur art.

Un engagement fort

Même s’il reste moderne et digne, Common prend dans ce disque des allures de vieux sage. On le sait engagé, concerné, conscient, il ne change pas de voie sous prétexte que la musique qui l’accompagne est moins hip-hop que d’habitude. Sous une impression de légèreté, il développe des thèmes forts et appuie sur des sujets qui lui tiennent à cœur comme la conscience noire ou une réflexion poussée sur l’état inquiétant du monde. Et si l’importance des sujets n’empêche pas une grosse technique, ici le plus important est le message véhiculé. Et à ce titre, l’expérience est clairement du côté des artistes qui incitent à prendre un peu de recul pour réfléchir à nos actions dans un monde qui va souvent trop vite pour se le permettre. La puissance de Common pour concerner ses auditeurs, c’est de partir d’un plan large pour la resserrer au maximum afin de ramener les sujets au niveau de la personne et de poser ainsi la question : et vous, que feriez-vous ? Sa force est là, relier les mouvements politiques aux pensées les plus introspectives. Lui-même ne s’échappe pas et parle de ses amours passées en cherchant les raisons de ses échecs pour mieux rebondir. Car le vrai message est là : il faut regarder vers l’avant et Common développe une sorte de philosophie de vie pleine de positivisme et de maturité. Il chante l’espoir et veut combattre les parts d’ombre qu’il peut y avoir derrière la lumière. Si August Greene ne donne pas de réponse définitive à toutes ses questions, les trois compères livrent des pistes de réflexions engageant l’auditeur à se forger une opinion. Un disque à la fois léger et profond qui demande une écoute attentive.

Grégory Curot

Passionné de rap français depuis 1990, il a été journaliste à RER, RAP MAG et Daymolition. Il a vu l’envers du décor et vécu des choses folles avec ses idoles.

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