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Au coeur de ‘Romance’, le nouvel EP de Jäde

Les aventuriers de Soundcloud la connaissent depuis plus longtemps, mais c’est l’année dernière que le grand public a rencontré Jäde à travers son EP Première Fois. Arrivée comme une bombe, elle a surpris son monde avec une direction artistique déjà très affirmée. Ce n’est pas dans la production que réside la patte artistique de Jäde mais bien dans son timbre vocale et son écriture. Elle contraste le réconfort de sa voix séraphique par des textes intimes, abordant tout à tour le désir, la désillusion à laquelle celui-ci peut conduire et l’amour, parfois dévastateur. Romance est le fruit d’une artiste plus mature mais toujours habitée de ce côté « garce » qui avait donné un charme irrésistible à Première Fois. La proposition artistique de Jäde tient sur ses acquis, mais évolue, résultant des émotions différentes transmises à travers ce nouvel EP. A travers les coulisses de la conception de Romance, nous avons pu échanger avec Jäde sur ce qu’implique émotionnellement d’être un.e artiste.

Tu es sur le point de sortir Romance, ton deuxième projet. Comment abordes-tu cette sortie? Tu es plus sereine que pour Première Fois ?

Ouais, je suis plus sereine. Je suis plus excitée surtout ! Parce que les morceaux sont assez frais dans mon esprit, je les aime toujours, j’ai vraiment envie qu’ils sortent. D’habitude, je suis plutôt compliquée, les projets sortent toujours mille ans plus tard donc les artistes sont souvent en mode « flemme, le son il sort, je vais faire emblant de l’aimer… » ou alors c’est que moi (rires) ! Mais je sais que pour Première Fois, j’étais un peu comme ça, mais là je les sors et je suis vraiment contente !

Tu es assez impatiente non? Je te vois souvent teaser tes morceaux sur les réseaux sociaux. 

Ah j’avoue, je suis impatiente ! Mais je sais aussi me montrer patiente quelque part sinon je ne ferais pas ce métier. Il faut quand même avoir une mentalité de marathon donc j’ai quand même une certaine patience mais j’avoue que je suis obligée d’exprimer le fait que ça m’agace (rires) ! On dirait carrément que j’ai la haine de ne pas voir les morceaux sortir !

J’ai l’impression qu’il y a une certaine « hype » autour de ce projet. Est-ce que c’est quelque chose que tu ressens ? Ça te met un peu la pression ?

Non, ça ne me met pas du tout la pression. Je n’ai aucune pression. On va dire que je me rends compte que des gens parlent du projet. Après c’est tellement pas chiffré en soit que c’est dur à imaginer. C’est juste des gens sur Twitter… Désolé, je vous insulte pas, je vous adore ! Mais ce que je veux dire c’est qu’on ne peut pas trop mesurer.

Oui et puis ce n’est pas sûr d’être matérialisé par des écoutes après.

Ouais ! Tu ne te rends pas compte si c’est un truc réel ou pas, mais jusque là, en tout cas, les gens ont été présents pour moi.

Les morceaux que tu as sorti sont très différents les uns des autres. Est-ce une volonté de ta part de vouloir toujours surprendre ?

Non non non ! Moi, je calcule pas l’auditeur, je fais le son sur le moment en pensant juste à moi parce que je suis concentrée. Ce que je veux dire, c’est que comme j’ai plein d’influences différentes et qu’il y a plein de trucs dans le son que j’aime, j’ai vraiment envie de tout exploiter, j’ai envie de tout faire. Tu vois par exemple le son « Roue Libre », c’est un peu différent. C’est la première fois que je faisais de la musique un peu plus afrobeat. Au début, c’était vraiment plus pour m’amuser qu’autre chose.

C’est vrai qu’on sent plein d’influences différentes chez toi et l’envie de toucher à tout. Comment arrives-tu à te canaliser pour garder une direction artistique cohérente ?

C’est un peu un problème ! Mais c’est vraiment un challenge. Il y a des morceaux qui peuvent être très trap, tout comme très « chanson » et c’est possible de ne pas comprendre. Je disais à mon équipe: « Mais on comprend rien là » comme si c’était leur faute ! On passe notre vie à changer le tracklist pour que ça passe bien. Pour cet EP, ça passait de « Bisous » à « Adèle » et je me suis dit que c’était vraiment n’importe quoi et qu’il fallait qu’on fasse quelque chose. Du coup, j’ai rajouté « Boi » qui n’était pas du tout prévu de base dans l’EP. J’avais peur que ce ne soit pas du tout cohérent mais ils m’ont rassuré sur le fait qu’au final, on retrouvait la cohérence dans d’autres éléments comme la voix ou les textes.

J’ai déjà senti une différence par rapport à ton précédent EP. Le fait d’avoir déjà sorti un projet, ça t’a donné de la confiance?

Oui, je pense que j’ai acquis beaucoup en confiance. Déjà, juste dans mon image. Dans l’EP Première Fois, je n’irais pas jusqu’à dire que je n’avais pas confiance en moi mais j’étais plus timide. Je dirais que le processus créatif s’est fait différemment pour cet EP. Première Fois, c’était pour beaucoup des morceaux que j’avais déjà avant d’intégrer le label. J’avais beaucoup de maquettes que j’avais fait dans ma chambre. Pour Romance, c’était beaucoup plus professionnel. J’ai pu vraiment travailler avec les producteurs et c’est cool parce que je ne l’avais presque jamais fait. J’ai dû vraiment apprendre à bosser en studio.

Tu me parlais de tes doutes. C’est quelque chose que tu exprimes souvent. Est-ce si dur d’être une artiste, surtout dans cette période compliquée ?

Ah! Pas besoin de la période (rires). Mais tout va très vite. D’un coup, tu peux perdre toute confiance en toi. Ça va très vite. Parfois je me dis: « Putain mais cette meuf elle tue, je suis nulle moi », je vais le penser de tout mon cœur et après je vais faire un tweet triste. Mais le lendemain, tu te réveilles et ça va beaucoup mieux et tu tweetes « album mode ». Il y a forcément des coups de mou mais c’est comme pour tout.

C’est un peu ce qu’incarne ton titre « Noir ou Blanc », la dualité des sentiments et le fait de vivre les émotions à très grande intensité.

C’est pas juste la vie d’artiste, c’est mon caractère en soi. Soit je m’endors, soit je saute, je n’ai pas trop de juste milieu. C’est peut être pour ça que ma musique part dans tout les sens et qu’elle peut être aussi bien puissante que douce.

La définition que tu as utilisé de « romance » est: « pièce de caractère intimiste et sentimentale ». Est-ce qu’à travers ce projet, tu nous invites un peu plus dans ton intimité? 

S/o Larousse déjà !! Oh sur Première Fois, j’étais déjà allée bien loin ! Mais au contraire tu vois, je crois que je fais un peu plus attention.

T’as eu l’impression de trop en dire sur Première Fois ?

Bah…j’ai l’impression que ce n’était pas obligatoire (rires)! J’ai tout de suite été très crue et je me suis dit que ces morceaux là, j’aurais peut être dû les garder pour plus tard. Quoi qu’il en soit, et même si je suis une fille un peu pudique, moi j’aime bien raconter la réalité. Si quelque chose fait partie de mon histoire, je vais le raconter, même si ça peut paraître gênant. Je ne le fais pas parce que j’ai envie de le faire, mais parce que je dois le faire. Je n’ai aucun problème à aborder les thèmes du désir ou du sexe, que je mets autant en avant que l’amour. De toute façon, j’étais tout simplement dans un autre mood. Pour Romance, j’étais plutôt dans une vibe sad donc c’est aussi intime mais sur d’autres émotions.

C’est vrai que tu parles beaucoup d’amour, et c’est quelque chose qui est rarement présenté comme quelque chose de positif.

Ça, c’est parce que je raconte mes histoires de love qui ne marchent pas. Je pourrais raconter l’amour que j’ai pour ma mère et là ce serait archi positif mais je ne l’ai pas encore fait. Pour le moment, la facilité c’est de raconter les choses qui ne vont pas.

Il y a un aspect thérapeutique à mettre ces choses qui ne vont pas en musique?

Pas forcément ! Je sais pas si dès que t’as fini une chanson ça va mieux, je ne crois pas en vrai. C’est pire ! Parce qu’après tu réécoutes ce que tu fais et tu te dis: « Ah mais ça va vraiment pas moi en fait » (rires)! Mais au moins, je me dis que ces histoires ne m’appartiendront plus donc peut être qu’il y a un recul qui va s’opérer, je ne sais pas. Je crois que c’est juste le temps qui va guérir.

Tu dis: « Plus je réfléchis, moins c’est précis ». C’est une manière de dire que tu fais de la musique de manière impulsive et que tu ne réfléchis pas vers où tu veux aller?

Les trucs spontanés, c’est souvent ce qui fait le plus vrai. Quand tu ne réfléchis pas à ce que tu vas dire pour ne pas blesser les gens ou pour tout le reste. Je fais de la musique un peu comme les enfants, parce qu’ils s’en foutent de tout, ils disent tout ce qu’ils pensent sans rien calculer. Après ça dépend ! Dans la musique tu peux te dire, je vais faire un morceau, on va travailler dessus pendant un an avec une grosse équipe et tout mais le morceau a intérêt à être bon. Je sais par exemple que pour « Diddy », tout s’est fait très vite, je l’ai écrit très rapidement, les mélodies me sont venues tout de suite et deux semaines après on tournait le clip. Ça m’a beaucoup plu parce que je n’ai pas eu le temps de me poser toutes ces questions que je me pose d’habitude et de douter du morceau.  Je n’ai pas eu le temps de tout remettre en question, d’imaginer 36 scénarios etc. A partir d’un certain moment, tu arrives même plus à savoir si le son est bon. Il faut juste se rappeler de comment tu te sentais quand tu l’as fini, c’est comme ça que je fonctionne sinon je me prends trop la tête.

Tu parles aussi du fait d’avoir des rêves et de l’ambition. Quelles sont tes ambitions avec la musique? Où est-ce que tu aimerais que ça te mène?

Déjà j’aimerais bien que ça me mène aux States (rires)! J’aimerais bien ne pas avoir à réfléchir à comment ça va se passer dans deux ans. J’aimerais bien être tranquille dans ma tête, me dire que ça va rouler. Avoir aussi une certaine stabilité même si je sais que dans le milieu artistique c’est compliqué, mais on espère tous ça, que ça dure et qu’on ait pas à retourner à notre vie d’avant. Moi je ne veux plus penser à ça. Gagner de l’argent évidemment, parce que la liberté passe aussi par là. L’ambition c’est d’être tranquille à la fin.

Et si tu avais un feat rêvé ? Je t’ai beaucoup vu parler de SahBabii.

Alors à chaque fois je dis un nom différent ! Mais je crois que c’est ça en fait, j’ai pas de feat rêvé et c’est pour ça qu’à chaque fois ma réponse est différente. Il y a énormément d’artistes que j’aime mais c’est pas forcément un rêve…. Bon je vais quand même dire quelqu’un (rires)! Je pense que ce serait PartyNextDoor. Je ne suis pas quelqu’un qui est « fan » de base. À part d’Ademo et peut être d’Hamza. C’est vraiment les deux trucs que je me suis pris à fond, Hamza et PNL. Mais vraiment, au début, dès que ça a commencé, c’était pile l’époque où je suis arrivée à Paris et j’ai tout de suite accroché à ce qu’ils ont amené.

C’est vrai que ce sont des artistes qui ont travaillé sans relâche leur univers sans forcément rencontrer un succès immédiat.

Oui totalement ! Et en tant qu’artiste, nous, ça nous redonne confiance ! C’est un peu des success stories qui donnent la force de travailler. On arrive dans un moment où tu peux croire au fait de travailler ton délire, persévérer et te dire qu’un jour ça va payer. Bon…on verra, mais on espère ! Maintenant on a plus forcément besoin de passer par Skyrock ou quoi, il peut suffire d’une vidéo TikTok pour percer. Tu peux démarrer avec ta mini fan base et la développer.

Carrément! Toi, tu as réussi à te créer ce noyau dur d’auditeurs qui te suit depuis un moment maintenant.

Oui ! Moi je viens de la période Soundcloud et je pense aux autres artistes qui sont dans le même cas que moi. Eux l’ont fait comme ça, en développant leur communauté, leur petit noyau très dur. Au début, il y en a peu qui t’écoutent mais ceux qui t’écoutent ils sont chauds: ils font ta propagande, ils arrêtent pas de t’écouter, quand tu reçois des insultes ils sont là pour insulter en retour (rires) ! Mais en soi, c’est grave important !


Un tendre merci et une watibise à Angèle Häfliger-Brethès pour avoir organisé cette rencontre.

Peu importe la tenue qu’il porte, l’oeil de JuPi reste vif et ses photos douces.

Théo Lovestein

Malgré sa myopie, critique d'un oeil avisé. Son père a un jour dit de lui : "S'il passait autant de temps à ranger sa chambre qu'à écouter du rap, on pourrait bouffer par terre."

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