De The College Dropout au plus récent ye, Yeezy a toujours su surprendre ses auditeurs, innover et parfois dérouter, mais a rarement laissé indifférent. Alors, on n’a pas pu résisté à l’envie de classer les dix albums de Kanye West du moins bon au meilleur, en sachant bien sûr que tout cela reste totalement subjectif. Petite précision, ce classement est le fruit d’un vote démocratique entre tous les membres de la rédaction BACKPACKERZ. Plusieurs places se sont jouées à une voix près. Si vous n’êtes pas d’accord avec cette liste, n’hésitez pas à proposer la votre en commentaire.
Visiblement ré-écrit dans l’urgence suite à la controverse liée à ses propos sur l’esclavage, ye donne sans surprise l’impression de n’être qu’un brouillon incomplet, assez creux, rempli d’ébauches de concepts qui ne mènent…nulle part. Ce n’est pas que ye soit un mauvais album (ou si ?), mais il est vrai que l’on attend beaucoup plus d’un artiste qui a plutôt l’habitude de redessiner les tendances du hip-hop à chaque projet, au lieu de simplement essayer de suivre les tendances du moment. Il est évident que l’état mental de Kanye West (qui ne pouvait plus quitter sa casquette MAGA) à l’époque de la conception de cet LP n’a sûrement pas aidé à faire de ye un épisode marquant de sa discographie.
Sortie : 1er juin 2018
Sortie : 14 février 2016
Detox est dans une autre matrice. C’est entendu. Mais a-t-on déjà vu une opération teasing d’une telle ampleur dans le Rap ? So Help Me God, Swish, Waves et enfin The Life Of Pablo. Autant de changements de noms, pour un album que Kanye annonçait alors comme « le meilleur de tous les temps ». C’est simple, pendant ce mois de février 2016, Ye a phagocyté notre attention. Insupportable, il a réussi son coup : de ses joutes verbales sur Twitter avec Wiz Khalifa à sa Yeezy Season 3, il n’y en a eu que pour lui. Ce projet est t-il le meilleur de tous les temps ? S’agit t-il plus humblement du meilleur album de Kanye West ? Probablement pas. Est -il pour autant à jeter ? Evidemment, non. Si ses 19 titres peuvent laisser songeur, quelques pépites arrivent à nous faire oublier l’aspect mercantile de cette promo et à nous rappeler l’artiste génial que peut être Kanye. On pense par exemple à « Ultralight Beam », véritable expérience divine aux côtés de notre cher Chance The Rapper. On pense aussi à la prod meurtrière de « Famous », accompagnée par son clip que l’on avait qualifié de… spécial. Impossible aussi d’oublier le plus intime « Real Friends », magnifié par la présence de Ty Dolla $ign.
Sortie : 8 juin 2018
Totalement différent de son autre album collaboratif (avec Jay-Z sur Watch The Throne), Kids See Ghosts est un concentré de ce qu’est le hip-hop en 2018, à savoir plutôt moody et chantant. Et qui de mieux que Kid Cudi pour représenter cette tendance ? Le rappeur/chanteur survole littéralement le projet avec ses mélodies imparables et ses « mmmmmmm » indémodables, reléguant souvent Kanye au rôle de faire-valoir, même si celui-ci se rattrape largement sur la production, inspirée comme jadis (cf ce sample improbable de Louis Prima dans « 4th Dimension »). En sept titres, les deux amis nous embarquent dans leur positive attitude (« Reborn », « Feel The Love », « Freeee »), qui tranche pour une fois avec l’éternelle dépression de notre cher Kid Cudi. Avec DAYTONA, ce Kids See Ghosts est certainement la plus belle réalisation du fol été G.O.O.D Music en 2018.
Sortie : 18 juin 2013
En 2013, Kanye vient d’enchaîner les albums à haut potentiel commercial et critique, avec My Beautiful Dark Twisted Fantasy puis Watch the Throne avec Jay Z. Alors avec Yeezus, son sixième album, il veut à nouveau surprendre tout le monde, comme aux premières heures de sa carrière. Ye, plus égocentrique que jamais, choisit pourtant de remettre son inspiration entre les mains d’un monde auquel il est étranger. Intéressé par un son industriel fougueux et brutal comme un film pornographique, West s’entoure de Rick Rubin, producteur légendaire du hip hop 80s et 90s, et de la jeune garde audacieuse du rap. Le résultat est une oeuvre brut et extrême, sans featuring mais avec une production aux petits oignons et bien piquante à faire saigner les oreilles. Écoutez « Black Skinhead » à plein volume pour voir. Lisez les paroles de « Blood On The Leaves », planez sur l’instru progressive et le premier couplet de Kanye sur « Hold My Liquor ». Et si vous restez sourd au génie de cet album, il vous restera toujours « Bound 2 », virée musicale nostalgique, vers des rivages soul, en compagnie de Kim.
Sortie : 8 août 2011
Avec MBDTF, Kanye West a réussi à fermer les bouches de ceux qui doutaient de lui et retrouve ainsi les sommets de la gloire artistique. Tel un shooter NBA à la main chaude, Ye profite alors du momentum et se lance dans un projet encore plus royal, en s’alliant à l’un de seuls artistes à sa mesure à l’époque : Jay-Z. De cette association All-Star naît l’album Watch The Throne, véritable ode au succès, à l’opulence, au pouvoir et au matérialisme. Logiquement, les sonorités se veulent grandiloquentes, majestueuses et démesurées, afin de supporter l’aura palpable des flows échangés entre les deux superstars du rap, et même de la musique tout court. Cette véritable machine à tubes (« Otis », « Niggas in Paris », « No Church in the Wild ») sera ensuite transposée sur scène pour une gigantesque tournée mondiale, qui fut jusqu’il y a peu la plus rentable de l’histoire du hip hop. Avec Watch The Throne, Kanye et Jay-Z ont probablement achevé l’insertion du rap au sein du grand public, sans pour autant trahir leur exigence de qualité.
Sortie : 24 novembre 2008
Accablé par la mort de sa mère Donda et une rupture amoureuse délicate, Kanye West dépouille sa musique des oripeaux un peu trop flash de Graduation, abandonne les samples de hits et les featurings criards. Sur 808s, il revoit complètement sa copie et effectue un de ses virages de style dont il aura bientôt le secret. Drum machine, auto-tune et cœur brisé deviennent son carburant, pour une virée glaciale et mélancolique qui le laisse couché, lessivé. Mais un 8 à terre forme l’infini : cet album concept sans en être un enchaîne des morceaux qui se répondent sans se répéter. Le minimaliste « Say You Will » cohabite avec l’exalté « Love Lockdown », le rancunier « Heartless » précède l’émouvant « Coldest Winter », tandis que West se renouvelle avec une génération de rappeurs jamais entendus à ses côtés, Kid Cudi en tête. 808s & Heartbreak tourne une nouvelle page dans la carrière de Kanye West et pour le label GOOD Music, mais ouvre surtout la voie pour une partie du rap des années 2010.
Sortie : 11 septembre 2007
La carrière de Kanye West aurait pu s’arrêter avec Graduation. Ou prendre une tout autre tournure. En 2007, il tutoie les sommets avec ce troisième album qui vient clore sa trilogie estudiantine. Yeezy se permet tout : sampler Daft Punk (en assurant qu’il ne les connaissait pas avant de le faire), enregistrer un duo avec Chris Martin de Coldplay, inviter Mos Def sur un morceau titré « Drunk and Hot Girls »… En se posant en « Champion », Kanye s’éloigne de son statut de producteur génial, respecté dans le milieu du rap, pour embrasser celui d’une superstar installée au sommet des charts, des playlists et des fréquences de passages radio. Marqué par des sonorités électroniques, Graduation contient des hits qui remplissent et agitent les stades comme pour une gigantesque remise de diplôme. Ironie du sort, West va pourtant tomber de haut peu après cet album sur un plan personnel, avec une séparation difficile et la mort de sa mère Donda West. Mais il se sortira de l’abîme en rapportant avec lui 808s & Heartbreak…
Sortie : 30 août 2005
Été 2005 : une seule question divise la plèbe hip hop. A l’approche de son deuxième album, Late Registration, Kanye va t-il transformer l’essai ? Celui-là même qui n’était pas pris au sérieux à ses débuts chez Roc-A-Fella ? Force est de reconnaître plus de dix ans plus tard que le coup fut plus que réussi. On le sait, Yeezy est un vrai digger. Un « Gold Digger » même. Le travail de sampling, déjà impressionnant sur College Dropout, se fait incandescent ici. Les invités, toujours plus nombreux, se fondent merveilleusement bien (avec une mention spéciale pour Jamie Foxx) à cet univers feutré, qui enterre un Gangsta Rap devenant peu à peu obsolète et finit de rétablir l’identité Nu-Soul du nouveau millénaire. Le tout au service d’un son que l’on sait déjà tourné vers le futur. Du producteur touche à tout, dénicheur de talents, cet album marque sans doute le commencement de l’ère Kanye West. Ce personnage que l’on adore détester tant son attitude peut être haïssable, mais qu’on vénère dans le fond tellement il continue encore aujourd’hui de redéfinir les contours de notre cher hip hop. Gloire doit lui être rendue pour cela.
Sortie : 22 novembre 2010
Fin 2010, Kanye West est une superstar à l’image déplorable. Le malheureux (et ridicule) incident survenu l’année précédente avec Taylor Swift est présent dans toutes les têtes. Sa liaison ultra médiatisée avec le mannequin Amber Rose prend fin. On l’accuse même de plagier le scénariste argentin Gaspar Noé. L’homme est sans doute tourmenté. Mais artistiquement, il est au sommet. Deux années après la surprise 808s sort, non sans une putassière campagne de promotion, My Beautiful Dark Twisted Fantasy. Avec du recul, on observe que cet album marque la quintessence d’une musique que son géniteur a toujours voulu hybride, qui s’uniformise délibérément à la pop sans pour autant perdre son ancrage hip hop. Ici, Ye, parfois raillé pour son flow, met un point d’honneur à donner la parfaite réplique à ses nombreux convives, qui apportent leur pierre à ce grand édifice, sans que l’on doute une seule seconde qu’il s’agit d’un projet de Kanye West. Quel autre énergumène aurait pu rassembler Kid Cudi, Elton John et Bon Iver sur un disque de rap, sans que cela sonne faux ?
Sortie : 10 février 2004
Classique instantané. Comment qualifier autrement The College Dropout ? Plus d’une décennie après sa sortie, son premier album reste le plus apprécié, aussi bien pour ses qualités d’écriture que de production. Kanye le prépare depuis des années (certains morceaux remontent à 2001), et il fournit de quoi rassasier un public plus qu’impatient. Après des productions pour Jay-Z, Talib Kweli ou Common, tout le monde est prêt pour l’album de Kanye West. Ou pense l’être, tant ce premier LP solo est puissant. De « Jesus Walk », cantique jugé par les labels trop prosélyte pour un disque de rap, à « Through the Wire », enregistré alors qu’il à la mâchoire enserrée dans un dispositif médical après un accident de voiture, les tracks démontrent une audace et une personnalité rares dans le rap. Kanye y parle de souvenirs de famille d’un ami (« Familly Business ») et de la condition des Afro-Américains (« All Falls Down ») avec une maîtrise équivalente. The College Dropout est un chef d’oeuvre, et le dernier track, « Last Call », en est le making of. En l’écoutant, on parcourt les moments de son existence, un flashback d’une qualité rare, à mi-chemin entre l’outro et un skit à rallonge. Bien sûr, cet album incarne un certain Kanye, le « old Kanye », celui de The Blueprint ou des polos Ralph Lauren roses, chers à nombre de backpackers. Il ne faut pas pour autant enfermer cet album dans la nostalgie : en 2004 comme aujourd’hui, The College Dropout s’écoute comme l’exposé d’un élève déjà bien meilleur que le maître.
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