« Max & Lenny » de Fred Nicolas : la sortie ciné qui met les rappeuses à l’honneur
« On me dit d’être peace and love, mais j’ai l’amour et la haine aux trousses qui se mélangent »
Premier long-métrage de Fred Nicolas, Max & Lenny, au scénario co-signé par François Bégaudeau (Entre les Murs) nous plonge dans le quotidien violent des quartiers Nord de Marseille en dressant le portrait tendre et attachant de deux adolescentes qui vont se lier d’amitié : Lenny, adolescente rebelle et solitaire, qui, quand elle ne prête pas main forte à ses frères dealers, noircit des pages de son cahier avec des vers de rap, et Maxine, jeune Congolaise sans-papiers qui vit avec sa mère, sa grand-mère et ses petits frères et soeurs.
Sans créer la surprise sur un environnement qui, hélas, n’a pas beaucoup changé depuis la description qu’en faisait Mathieu Kassovitz dans La Haine, ce drame social, humaniste, au rythme abrupt, a le grand mérite de s’intéresser à des personnages principaux féminins, jeunes filles prisonnières d’un environnement urbain contrôlé par la force agressive et dominatrice des hommes, abandonné aux armes et à la drogue. Maxine et Lenny sont livrées à la difficulté de s’imposer et d’exister dans un monde profondément hostile, et sont unies par la rage au coeur qui noue les ventres.
A l’origine du film, un coup du coeur du cinéaste pour la rappeuse marseillaise Keny Arkana. « Le fait que ce soit une fille qui fait entendre une voix différente, là où elles n’ont pas souvent droit au chapitre, m’a donné l’envie de raconter une histoire de filles. », explique-t-il. Librement inspiré de cette figure féminine forte, le personnage de Lenny est interprété par Camélia Pand’or, jeune rappeuse de 25 ans née dans le Val d’Oise, qui a déjà sorti deux albums, Le Cul entre deux 16 (2013), et Dans ma boîte (2014).
Abordant des sujets qui font étrangement écho à nos temps troublés – l’abandon de certains territoires, la misère sociale, la place des femmes, le rôle de l’Etat, les valeurs de notre République (quelle liberté, quelle égalité, quelle justice?)-, Max & Lenny est un film engagé, sombre mais porté par deux actrices lumineuses, sublimes.
Construit sur des contretemps permanents, le film évolue par à-coups constants, passe de l’intimité tendre à l’agression brutale. D’une fille à l’autre, d’un passage marseillais dans lequel elles se faufilent à un couloir de cité, d’un escalier à une crique, d’un centre de détention à une scène de spectacle.
Les amateurs de rap seront sûrement un peu frustrés, on aimerait plus de moments musicaux, plus de moments chantés, les échantillons de textes vus et entendus laissent juste apparaître le beau (énorme) talent de conteuse de Camélia Pand’or et son engagement rythmique est particulièrement intéressant. On sera beau joueur de dire que ce n’était pas le propos essentiel du réalisateur, certes, mais cette musique engagée, pleine de poésie brute, nous on aime ça chez The BackPackerz.
Jolie sortie d’un cinéma français indépendant, Max & Lenny mérite donc d’être soutenu, recommandé, apprécié pour ce qu’il dénonce :
« Ma gueule /
Ma condition sociale /
Mon passé troublant étiquetés.
Quand un beau jour s’pointe /
J’lui demande assez souvent ‘mais qui t’es’ ? /
J’veux pas d’ta pitié /
De toute façon, j’ai du mal à m’y fier. »
« Peace & Love« , Camélia Pand’or
En salles le 18 février.