À la suite d’une série de messages cryptiques et la sortie de quelques extraits sur les réseaux sociaux, Hamza a dévoilé à l’approche de Noël un projet surprise au nom familier. Santa Sauce 2 est la sixième mixtape de l’auto-proclamé Saucegod, une sorte de voyage sonique où l’artiste belge nous offre un projet à son image ; perché entre la créativité et la folie.
Deuxième du nom
Ce second opus reprend dignement les principes de son prédécesseur, explorant des sonorités obscures et rares sur le paysage hip-hop francophone. Largement produit par l’entourage de l’artiste, on y retrouve la même folie qui avait propulsée l’interprète de « Life » vers les cieux, que ce soit à travers ses cadences ou la musicalité de l’œuvre en elle même. Le troisième titre « G’s Up Hoes Down » signe le retour d’un engouement rythmique et de prises de risques semblant embryonnaires sur ses projets les plus récents. Adoptant une signature vocale unique et corrompue sur un refrain envoûtant, le Belge rappe sur une mélodie sombre et des percussions sans-queue-ni-tête, prouvant que sa créativité dépasse les frontières du R&B aux saveurs trap.
Le support amené par les feats laisse un goût doux-amer à la ré-écoute. La symbiose parfaite entre les deux têtes d’affiche belges sur « God Bless » est indéniable, bien que l’égocentrisme de Damso sur le son laisse un arrière-goût aigre, lui qui profitait de son couplet pour annoncer le report du très-attendu QALF. Venant pousser le délire de Hamza à son paroxysme, Koba LaD apporte une fraîcheur, une folie au projet via un charisme enivrant et des adlibs Ô-combien importantes sur l’outro de « Bac +12 ». En
revanche, les couplets de la révélation parisienne Gambi et du trappeur londonien Young Adz se font répétitifs, amenant à des doutes concernant leur apport qualitatif.
C’est malheureusement thématiquement et lyriquement que le projet s’essouffle, faisant parfois preuve d’une incohérence et irrégularité inexcusable, même pour une mixtape. La créativité musicale de certains titres dénonce involontairement le manque de saveur de certaines instrus, tels que l’enchaînement fade entre « Embourgeoisé » et « Jon Snow ». L’écriture minimaliste et amoindrie présente sur « Belek », ou l’adoption d’un accent contrefait et redondant sur « Benzo », placent des limites inopinées au projet. La pauvreté lyrique du premier peut être mise de côté, certes, mais n’est que syndrome d’une maladie touchant l’œuvre en sa totalité.
À l’instar de ces faiblesses lorsque comparée au premier album de son interprète, la répétition de certains gimmicks fait parfois défaut à un projet se voulant fou et avant-gardiste. Abordant pourtant la mélancolie avec brio à travers une paire de titres endémiques au projet, des questions se posent quant à la présence du banal, prosaïque « Oseille » entre ces titres. Cette énième tentative échouée nous sort complètement de l’atmosphère mélancolique et hivernale dressée par « Sans signes », portant à croire que l’inventivité du son « dancehall » avait atteint ses limites sur Paradise.
Ponko, le génie sous-estimé
En revanche, l’un des attraits du projet se trouve dans la variété d’inspirations exploitées par le toujours-omniprésent Ponko, fidèle acolyte de Just Woke Up depuis sa création. Si le premier opus de Santa Sauce débordait de diversité musicale, variant les mélodies orientales à la bande sonore de Zelda, on note une nette maîtrise de son art sur son successeur. Le Bruxellois démontre une versatilité unique dans le paysage francophone, allant même jusqu’à produire du baile funk brésilien sur « Gasolina ». Cette même flexibilité se présente sur le hit du projet, « God Bless », où Ponko canalise son Tay Keith intérieur pour nous faire redécouvrir l’un des plus grands hits U.S. des dernières années. L’addition d’une ligne de basse déformée et de percussions sèches transforment entièrement la tonalité du titre
Là où la tracklist fait parfois défaut à l’atmosphère mélancolique posée sur la mixtape, la cohérence musicale des titres plus introspectifs mettent en lumière, à nouveau, la polyvalence du binôme Ponko-Hamza à un niveau plus minimaliste. Des titres comme « Late Nights » et « Sans signes » illustrent à merveille l’évolution du producteur belge, en pleine ascension depuis quelques années. Une ascension qui s’approche de son sommet dans les dernières minutes du projet.
Por la vida
« Por La Vida » est un Hamza à son apogée, nostalgique et profond, recueillant des anecdotes venues des tréfonds du Champ de la Couronne. Un sample doux envoûte
l’auditeur lors des premières secondes, une voix féminine venant bercer celui-ci avant que l’artiste belge ne débarque. En parfaite harmonie avec la production sur laquelle il se livre, l’interprète relève d’une introspection rappelant le génie de ses dernières outros. Néanmoins, ce changement radical d’ambiance prend l’auditeur par surprise de par sa profondeur, une richesse musicale que l’on n’avait pas vu depuis « Minuit 13 ». C’est pourtant dans la simplicité de cette mélodie que l’on trouve refuge, la dernière minute de la mixtape fermant un quelconque débat sur la qualité de ce chef d’œuvre.
Si certains choix artistiques de ce Santa Sauce 2 restent douteux, tel que l’inclusion d’un énième titre dancehall, ou l’irrégularité du contenu lyrique présent sur le projet ; on note, en revanche, des prises de risque admirables d’Hamza et une véritable maîtrise de son art dans la mélancolie de certains titres. Une mixtape où la forme n’est certes pas négligée, mais surclasse nettement la sobriété du fond.
Cet article est une contribution libre de Najib Guiti que nous avons choisi de publier. Si vous aussi voulez tenter d’être publié sur BACKPACKERZ, n’hésitez pas à nous envoyer vos articles via notre page de contact.